- Auteur : Yves Azeroual
- Editeur : Le Passeur
Bienvenu dans le monde de la nuit et des malfrats dans le Paris interlope des Trente Glorieuses, à la poursuite des frères Zemour...
Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman, Faubourg Montmartre ? Qu’aviez-vous envie de faire ?
Yves Azeroual : Il y a plusieurs années je suis tombé par hasard et quasiment simultanément sur le livre de l’auteur américain Rich Cohen, Yiddish Connection, qui traite du Milieu juif new-yorkais des années 1920-1930 et sur l’enquête de Jacques Derogy, Israël Connection, qui parle du crime organisé dans l’État hébreu. Si cette « Kasher Nostra », dont, soit dit en passant, les membres sont pratiquement tous dénués de croyances et pratiques religieuses s’est diluée dans la Mafia américaine, qui n’a pas en mémoire des noms aussi célèbres que ceux de Lucky Luciano, Bugsy Siegel, Meyer Lansky ou encore Arnold Rothstein.
A Paris, dans les années 60, avant que les Zemour ne s’imposent, deux familles juives règnent sur le crime organisé : les Atlan et les Perret. A une moindre échelle, certes, mais j’y ai vu des similitudes avec les « cousins d’Amérique ».
A l’origine, réalisateur, j’ai voulu leur consacrer un documentaire mais au fur et à mesure de l’écriture mon sujet s’est focalisé sur la famille Zemour et le synopsis est devenu un roman policier.
Bepolar : Qu’est-ce qui vous a donné envie de replonger dans le monde de la nuit pendant les trente glorieuses ?
Yves Azeroual : D’abord l’amour pour le cinéma des années 60-70 et particulièrement des films comme Les Tontons Flingueurs, Le Deuxième souffle, Le Clan des Siciliens, Compartiment Tueurs... Mais aussi une série comme Arsène Lupin... Et tant d’autres ! Cette époque m’a toujours fasciné : d’abord ces flics et ces voyous à l’ancienne qui avaient les traits de Ventura, Gabin, Delon, Michel Constantin mais aussi cette France qui se développe, se modernise et s’émancipe.
Étudiant en Lettres, j’ai aussi nourri mon imaginaire avec les nouvelles de l’américain Edgar Allan Poe, l’auteur de la première nouvelle policière et, évidemment les livres du romancier écossais Sir Arthur Conan Doyle et son héros, Sherlock Holmes. Ces lectures m’ont permis de me familiariser avec le polar.
Bepolar : Vous vous inspirez des frères Zemour, des voyous de ces années-là. Qui étaient-ils ?
Yves Azeroual : Les Zemour sont à l’origine cinq frères issus d’une famille juive de Sétif, en Algérie. L’aîné, Roland, arrive très tôt en France et découvre le monde interlope qui le fascine. Il abandonne très vite sa profession de mécano pour se lancer dans la carrière plus lucrative mais ô combien dangereuse de proxénète. Moins d’un an après, on retrouve son corps criblé de balles, rue Blondel, à Paris. Ses quatre autres frères - Théodore, William, Gilbert et Edgard - vont alors débarquer à Paris pour le venger. Ils mettront plus de dix ans avant d’exécuter l’assassin de leur frère.
Entre temps, ils vont gravir une à une les marches de la délinquance jusqu’à accéder au rang d’une des familles les plus puissantes du crime organisé, laissant sur le bas-côté les corps des Atlan, des Perret, des Corses, du gang de la banlieue sud... Et pleurant aussi la mort non naturelle des leurs. Seul Théodore s’éteindra de vieillesse.
Bepolar : Vous racontez un univers de malfrat : escroquerie, proxénétisme, jeux, racket... Comment vous êtes-vous documenté ?
Yves Azeroual : Le déclic a été une rencontre. Dans mon cercle amical, je suis proche de la petite fille d’un des principaux porte-flingues des Zemour qui a été abattu. C’est un secret de famille mais elle m’a confié nombre d’anecdotes. J’ai aussi lu beaucoup de livres, compulsé des archives, les journaux de l’époque et lu les Mémoires des grands flics mais aussi les témoignages d’anciens parrains du Milieu. Tout ceci m’a nourri.
Bepolar : Un petit mot sur leur ennemi, l’inspecteur Chavin. Comment pourriez-vous nous le présenter ?
Yves Azeroual : Pour l’intrigue et les rebondissements, j’ai créé deux personnages dans mon roman : l’inspecteur Chavin, fin limier du 36 quai des Orfèvres, que l’on peut considérer comme la somme de tous les grands flics de l’époque qui ont croisé la carrière des Zemour. C’est lui qui va tout mettre en œuvre pour tenter de les faire tomber. C’est son obsession.
Le second personnage - outre les frères Zemour et leurs porte-flingues - c’est une jeune femme, Catherine, qui va les seconder dans leur ascension criminelle. Elle s’est quasiment imposée à moi dans mon travail d’écriture. Dans les films ou la littérature de cette époque les femmes sont moins représentées ou lorsqu’elles le sont ce n’est pas toujours à leur avantage. J’ai voulu en faire un personnage à part entière. Elle est l’un des moteurs de l’intrigue.
Bepolar : Vous aviez déjà plongé dans les racines de l’Histoire avec Mufti notamment. Y’a-t-il une autre période que vous aimeriez raconter ?
Yves Azeroual : Je dois à Alexandre Dumas mon goût pour l’Histoire. J’ai créé une émission qui est toujours à l’antenne, « Secrets d’Histoire ». Je dévore les documents ayant trait à la Seconde guerre mondiale et aux grands personnages de cette période. Je viens de terminer la biographie de Pétain par Bénédicte Vergez-Chaignon et celle de Churchill par François Kersaudy.
Si je goûte très peu les romans d’anticipation ou de science-fiction, j’ai aussi un faible pour le 17ème siècle. Pourquoi pas un roman policier à la cour du Roi avec comme personnages principaux Molière, Racine, La Fontaine.
Bepolar : Sur quoi travaillez-vous désormais ? Quels sont vos projets ?
Yves Azeroual : Côté télé, je viens de coréaliser avec mon camarade Yves Derai, un documentaire qui sera diffusé en 2022, sur le sens de l’engagement des intellectuels durant les présidentielles de la Vème République.
Côté écriture, grâce au succès de Faubourg Montmartre, je pense que mon héroïne Catherine ne peut pas laisser impunis les exécutions des frères Zemour. Une femme, cheffe de gang, ça aurait du sens.