- Auteur : Cédric Cham
- Editeur : Jigal
Cédric Cham - Ses secrets d’écriture
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman, Broyé ?
Cédric Cham : Comme souvent, ce sont les personnages qui m’ont fait signe. Une tape sur l’épaule, un souffle dans le cou... Je les ai laissé me raconter leur histoire avant de la poser sur papier.
Après, l’idée du roman est venue directement du précédent « Le fruit de mes entrailles ». Je voulais poursuivre la réflexion engagée sur la notion de « violence ». Dans « Le fruit de mes entrailles », il s’agissait de montrer que la violence ne se cantonnait pas aux réseaux criminels, mais pouvait se retrouver dans le quotidien, dans un regard et aussi bien dans une métropole urbaine qu’au fin fond d’une campagne. Pour « Broyé », il s’agissait cette fois de traiter la violence sur un plan plus « intime », plus restreint. De parler de cette violence quotidienne et ordinaire que l’on peut retrouver au sein des foyers, des familles...à quelques mètres de nous.
La thématique de « Broyé » est une fois encore fortement liée à mon quotidien professionnel. Depuis presque 15 ans, je travaille au sein de l’Administration pénitentiaire. Un des premiers constats que j’ai pu faire, est que personne ne se réveille un matin en se disant : « aujourd’hui, je vais monter au braquo » ou « tiens je vais aller agresser quelqu’un ». Le processus de délinquance trouve quasi toujours son origine dans un parcours de vie, une succession d’événements qui a abouti à une « fracture ». Et souvent, l’origine est dans l’enfance... Après, il ne faut pas faire de raccourcis ni de généralités : une enfance « difficile » ne débouche pas forcément sur un parcours de délinquance, ce n’est pas une fatalité. Loin de là ! Mais ça n’en demeure pas moins une cause première. Comment bien grandir, se construire et s’épanouir sans amour ?
Bepolar : C’est un roman sur la maltraitance des enfants. Pourquoi avoir choisi ce thème difficile ?
Cédric Cham : Une partie de la réponse se trouve juste au-dessus. Je compléterai en parlant encore un peu de mon expérience professionnelle. « Broyé » et le personnage de Christo doivent beaucoup à un trentenaire que j’ai suivi en début de carrière. Pour des raisons de confidentialité, on le nommera Alain.
Alain était très connu du service. Un casier assez chargé, pour des faits de violence ou des faits liés à l’alcool et aux stupéfiants. Comme je le décris pour Christo : Alain était un concentré de violence retenue, comme une cocotte minute qui ne relâcherait jamais la pression. Ça transpirait de lui, de son physique, de sa posture, qu’il luttait en permanence pour se contenir. En travaillant sur son parcours de vie, Alain avait fini par verbaliser qu’il avait été victime de violences dans son enfance et par me confier l’histoire de la « baignoire » : ces parents le violentaient systématiquement au-dessus de la baignoire, et ce n’était pas un hasard, juste une question de praticité : c’était plus simple à nettoyer ensuite. Je crois que c’est avec Alain que j’ai compris que l’Amour n’était vraiment pas inné...que l’être humain était capable du meilleur mais aussi du pire...Et que la réalité dépassait toujours la fiction.
L’histoire d’Alain m’avait profondément marqué. D’autant plus que quelques mois plus tard, après une rupture amoureuse et une énième tentative de suicide, Alain avait fini par mettre fin à ses jours.
Au final, « Broyé » est une sorte d’hommage à Alain et à tous ceux dont les racines sont coupées dès l’enfance, par manque d’attention, d’affection, d’amour...
Bepolar : Comment vous pourriez présenter Christo et Mathias ?
Cédric Cham : Christo est un survivant. Une sorte d’ermite qui a fait le choix de vivre un peu à l’écart des autres, de limiter au maximum les liens sociaux. Il a été victime de violences dans son enfance et cette violence l’a contaminé. Il sait qu’il est une sorte de grenade dégoupillée, qu’à la moindre secousse, il va exploser. Christo peut paraître un peu fruste, un peu simple, mais derrière son crâne cabossé, il a une vision très fine de qui il est. Il est finalement bien plus humain que beaucoup de ses congénères.
Mathias est une victime. Un adolescent qui fugue pour échapper à une vie de misère. Mais la vie semble s’acharner sur lui. Au cours de sa fugue, il est kidnappé et se réveille enfermé dans une cage comme une bête. Mathias va devoir se renier pour pouvoir survivre.
Ses deux personnages sont nés en réaction à un questionnement qui me taraude : l’être humain n’est-il qu’un animal civilisé ? Il suffit de gratter un peu le vernis de la « civilisation » pour voir ressurgir la « bête sauvage » qui est en nous ? Ou au contraire, l’Homme devint-il un « animal » lorsqu’il est privé d’amour, plongé dans un environnement particulier...dressé...?
Bepolar : La quatrième de couverture parle d’un "roman douloureux, amer, perturbant…". Vous aviez envie de bousculer vos lecteurs et lectrices ?
Cédric Cham : Pas vraiment. Dans le processus d’écriture, je ne réfléchis jamais en terme de « lectorat ». Je laisse avant tout les personnages s’exprimer, me conduire là où leur histoire m’emmène.
Au final, si « Broyé » est douloureux, amer, perturbant, c’est peut-être tout simplement parce que la réalité l’est aussi. Une fois encore, mes récits sont profondément ancrés dans mon quotidien professionnel, avec cette envie, ce besoin de parler de ce dont je suis témoin.
J’avais donc surtout envie d’être honnête, juste et respectueux vis à vis du thème abordé, des enfants-victimes...et non pas de choquer ou de bousculer. Juste montrer du doigt cette réalité, après chacun se fera sa propre opinion et son propre ressenti.
Bepolar : Comment avez-vous travaillé pour entrelacer votre intrigue ?
Cédric Cham : Cela a été un vrai combat ! Les choix de départ étaient de ne pas faire une structure binaire (avec un chapitre Christo, puis un chapitre Mathias), d’être sur un récit pour Christo au présent et en quasi temps réel et pour Mathias au passé et constitué d’ellipses temporelles.
Pour le reste, l’histoire s’est écrite au fil de la pensée. J’enchaînais parfois les chapitres avec Christo. Puis Mathias se mettait à parler, alors j’embrayais avec lui, jusqu’à ce que Christo redonne de la voix.
Au final, j’avais le récit mais la structure était complètement « défragmentée ».
J’ai donc passé des heures sur mon écran et sur une feuille de papier format A3 pour tenter de trouver la bonne mise en place. En vain.
Jusqu’à trouver la solution : les post-it de couleur (qui depuis sont devenus mon arme de prédilection). Une couleur pour Christo, une couleur pour Mathias et sur chaque post-it je notai le chapitre avec l’action concernée. J’ai collé les post-it sur un mur et il ne me restait plus ensuite qu’à les déplacer, les intercaler jusqu’à trouver la structure parfaite.
Bepolar : Pourra-t-on vous voir prochainement en dédicace ?
Cédric Cham : Le planning est encore en cours de construction. Pour les dates déjà arrêtées :
– le samedi 22/06/19 à la Fnac Belleville-sur-Saône (69),
– le samedi 07/09/19 à l’Espace Culturel Leclerc d’Andrézieux-Bouthéon (42),
– le samedi 05/10/19 au salon « Octobre Noir » à Villefontaine (38),
– le samedi 25/01/2020 au salon « Lire, c’est libre » (Paris7ème)
– et les 12 et 13/09/2020 au salon « Sang pour Sang Polar » de St Chef (38).