- Réalisateurs : Shane Black - Stanley Kubrick - John McTiernan - Tom Shankland - Tommy Wirkola
À l’approche des fêtes de fin d’année, ne résistons pas à l’envie de passer en revue les meilleurs polars et thrillers du cinéma prenant pour théâtre le décorum de Noël. Petite virée glaciale en rouge et blanc, de "Piège de cristal" à "Violent Night" en passant par "Kiss Kiss Bang Bang".
Dans le giron des thrillers et des polars, le thème de Noël sert souvent à produire de la transgression et à dérégler l’inattaquable. Il s’agit ainsi de trancher avec l’atmosphère cotonneuse et enchantée de la célébration pour mieux rompre avec l’innocence et la quiétude. Un peu comme une goutte de sang qui vient brusquement et sadiquement souiller la blancheur immaculée de la neige ou d’un costume de fête. Les thrillers d’épouvante ont largement utilisé cette mécanique équivoque, qu’il s’agisse du film culte "Black Christmas" (Bob Clark, 1974) – slasher diabolique qui a largement influencé Carpenter et son "Halloween, la nuit des masques" (1979) – ou encore de "3615 Code Père Noël" (René Manzor, 1990), préfiguration totalement barrée, tourmentée et inclassable de "Maman, j’ai raté l’avion". Une recette composite moult fois convoquée pour le pire – "Bikini Bloodbath Christmas" (Jonathan Gorman, 2009) apparaissant comme l’exemple le plus navrant – et quelquefois pour le meilleur, à l’instar du truculent et désespérant "Sheitan" (Kim Chapiron, 2006), ou encore de l’insoutenable et radical "À l’intérieur" (Julien Maury, Alexandre Bustillo, 2007).
The Children
Parmi ces longs-métrages tirant profit des fêtes de Noël pour taper là où ça fait mal, citons bien sûr l’étrange et dérangeant "The Children" (Tom Shankland, 2009). Un thriller d’horreur qui reprend une à une les conventions du genre, mais pour mieux les transcender au travers du réalisme de la psychologie et d’une critique sociale filigranée. Rarement réunion de famille n’aura viré au massacre au gré d’une candeur aussi perverse.
Piège de cristal
Plus attendu sans aucun doute, mais toujours aussi indispensable s’avère "Piège de cristal" (John McTiernan, 1988). Dans ce huis-clos qu’on ne présente plus, écartelé entre le thriller mental, la comédie et l’action débridée, le célèbre John McClane évolue comme dans une souricière. Une tour – le Nakatomi Plaza filmé en virtuose par Jan de Bont – qui prend des airs de boule à neige dans ce contexte de fête rythmé en creux par les grelots de Noël, ici dissonants et comme ricanants de perfidie.
Kiss Kiss Bang Bang
Dans une veine plus déjantée – le style par excellence de Shane Black, papa incorrigible de "L’Arme Fatale" –, "Kiss Kiss Bang Bang" (Black, 2005) fait figure de polar incontournable. Alors forcément, le cadre enchanteur de Noël en prend un coup. Entre violence jus’au-boutiste, humour aussi tapageur que brutal, le film ne se refuse rien jusqu’à friser le débordement. Mais ce qui apparaît génial ici, c’est que même l’amoncellement de rebondissements et de dynamite demeure jubilatoire. Un cocktail virevoltant et bourré d’autodérision.
Eyes Wide Shut
Enfin, quoi de mieux qu’un thriller érotique pour envenimer Noël ? À ce petit jeu ambigu, l’inimitable "Eyes Wide Shut" (Stanley Kubrick, 1999) se montre indétrônable car éternellement impénétrable. Rarement célébration de fin d’année n’aura paru aussi étrange et quelque part, lynchienne. Dans ce cauchemar éveillé (ou pas), les écueils du couple Harford se télescopent avec une enquête dont l’objet lui-même ne cesse de fuir. S’agit-il in fine d’une investigation criminelle, d’une incursion érotique ou tout simplement d’une quête existentielle ? Tout cela à la fois et bien plus, sans aucun doute. D’un bout à l’autre du film, les couleurs de Noël émergent de toute part. Et pourtant, l’ambiance féérique ne laisse qu’un arrière-goût de stupre et d’angoisse. Expérience toujours aussi prodigieuse et fascinante.
Violent Night ?
Côté salles obscures, le dispositif continue bien entendu de faire des émules. Il en va par exemple sous un angle nettement moins arty de "Violent Night" (Tommy Wirkola, 2022), histoire d’une famille prise en otage par des mercenaires le soir de Noël.
Le film ne prétend rien réinventer et tant mieux, car cette série B au croisement de la naïveté familiale et du gore ne sert aux spectateurs que le minimum syndical. Restent néanmoins quelques scènes d’action bien senties et, en guise de consolation, un David Harbour aussi foutraque qu’excessif.