- Acteurs : Jonas Dinal, Renat Shuteev, Oumar Diav, Léa Issert, Issaka Sawadogo
Quoique bien rythmée et pas systématiquement dénuée de pertinence dans son écriture, la saison 3 d’"Or noir" peine à mieux faire que ses prédécesseurs. Serait-ce trop peu ? En quoi alors échoue-t-elle, et comment toutefois réussit-elle à se démarquer ?
"Or noir" saison 3 reprend exactement là où s’était arrêtée sa grande sœur - le concept du temps réel reste donc de mise. L’intrigue suit les conséquences du braquage d’une bande de comparses ayant dérobé plusieurs millions d’euros en lingots d’or dans les bureaux d’une entreprise parisienne. Ce qui devait demeurer secret pour les voleurs - Mendy, Abdoulaye, Ryad, Arthur ou encore Kassim - a depuis longtemps volé en éclats. Isolés, blessés ou prisonniers, ces derniers peuvent-ils encore survivre à la sauvagerie du grand-banditisme ?
La troisième saison de la série "Or noir" hérite pratiquement des mêmes écueils et faiblesses que ses deux grandes sœurs. Piégée par un budget étriqué, un casting boiteux et une mise en scène au rabais, cette nouvelle itération continue néanmoins de semer le doute quant à ses intentions - et ce quelque peu en bien plutôt qu’en mal. Vise-t-elle exclusivement le divertissement creux sans nuances ou s’engage-t-elle dans des contrées plus critiques et analytiques, via son portrait désenchanté et quelquefois pertinent des grands ensembles ? En d’autres termes : la web-série cherche-t-elle sous ses faux airs bricolés, voire amateurs, à emprunter et repenser en filigrane le sillon déjà initié – souvent laborieusement - par des films comme "La Haine", "Les Misérables", ou encore "Bac Nord", par des séries comme "Caïd" ? Bien rares, sinon inexistantes, s’avèrent en tout cas les œuvres explorant avec tact, mesure, réalisme et intelligence la topographie des banlieues. À ce petit jeu, "Or noir" ne s’en tire dans le fond parfois pas si mal, malgré une écriture vraiment médiocre - les dialogues surtout, et notamment le déroulé des péripéties, jusque dans la relation de cause à effet, ne convainquent en effet que trop rarement.
On sent pourtant un réel désir de la part de la production et des metteurs en scène, par-dessous les approximations et maladresses, de donner corps à une banlieue plus vraisemblable et moins fantasmée. Les personnages, en dépit de leurs imperfections et malgré leurs interprètes trop souvent peu crédibles, se démarquent par leurs disparités et leur multiplicité. Ici, l’espace de la cité ne se limite pas à une surface uniforme, à des habitants identiques et homogènes. Par leur caractère, leurs envies, leurs sensibilités, les protagonistes se distinguent et illustrent une complexité inusitée. Qu’ils soient marginaux et en proie à la délinquance, bien installés et avec une carrière prometteuse - entre autres -, ils ne forment en aucun cas une masse informe mais dessinent une multitude de facettes, de choix et de visions du monde. Manière de souligner que le territoire des banlieues ne saurait se résumer à un seul univers monolithique et se définir de façon univoque. À cet égard, la web-série "Or noir" ouvre des perspectives intéressantes, avec des protagonistes aux choix inattendus. Ce même contraste et cette dissonance valent également du côté des flics - qu’ils soient ripoux, honnêtes mais tentés par la facilité, ou pétris de ressentiments.
Ainsi, par-delà son style très lourd - quoique la production ne recherche-t-elle pas là aussi résolument le déséquilibre, l’inélégance délibérée pour sortir des ornières habituelles de la sublimation et de l’idéalisme, ou vice versa ? -, la série "Or noir" délivre une certaine authenticité. Quelques idées dans le scénario, quelques acteurs plus à l’aise - certains plus vrais que nature -, témoignent en outre d’une spontanéité et d’une connaissance acérée des banlieues. Comme si pour une fois, la fiction ne prenait pas entièrement le pas sur la réalité, comme si la réalité finissait par déborder par-dessus les masques et impasses. Reste qu’il faut néanmoins pour le spectateur s’armer de beaucoup de patience avant de percevoir ces qualités. Car "Or noir" rivalise aussi dans le même temps de défauts, limitations parmi les plus difficiles à passer outre. L’écriture bancale voire calamiteuse de certains dialogues, de même que le jeu catastrophique d’un certain nombre d’acteurs, manquent trop souvent de faire sortir le spectateur de la fiction. Comme si l’on assistait davantage à un tournage qu’à une œuvre finalisée et stabilisée.
Si ce n’était sa pertinence latente quelquefois dans l’écriture et le développement de ses personnages, "Or noir" passerait pratiquement pour un nanar sans âme. Quel dommage qu’un minimum de rigueur n’ait pu bénéficier au scénario, à la mise en scène, et malheureusement trop souvent au casting - bien que Darko Peric, aka Helsinki dans "La Casa de Papel", et Adel Bencherif ("Un Prophète", Jacques Audiard) soient ici de la partie - le premier dans le rôle d’un trafiquant d’armes, le second dans celui d’un ami d’enfance d’Abdoulaye et Mendy.
La troisième saison d’"Or noir" est disponible en replay sur 6play, en dix épisodes au format court (12-15 minutes).