- Réalisateur : Cédric Jimenez
- Acteurs : Gilles Lellouche, Karim Leklou, François Civil, Adèle Exarchopoulos
- Distributeur : StudioCanal
- Nationalité : Français
- Durée : 1h44min
Spectaculariser une réalité sociale, pour en faire le carburant d’un thriller d’action, c’est l’écueil principal du film de Cédric Jimenez. Un long métrage particulièrement désagréable.
Rien de ce qu’on anticipait à la lecture de son titre, Bac Nord, et de son argument, la vie d’une brigade anti-criminalité dans les banlieues marseillaises, ne manque à l’appel, si bien que l’expression consacrée de film "coup-de-poing", devenue aussi creuse et ostentatoire que le "vivre-ensemble", se sédimente dans chaque scène.
Dès la séquence inaugurale - la poursuite musclée d’un délinquant qui virevolte à moto et, finalement, échappe aux trois flics lancés à ses trousses - les intentions sont là : frapper l’imagination du destinataire, à l’intersection d’Enquête d’action, des polars d’Olivier Marchal et d’un débat de CNews, en assumant le virilisme des personnages, fictionnaliser le réel à travers une opposition manichéenne, où des jeunes de banlieue totalement essentialisés tiennent la dragée haute à des policiers devenus fatalistes.
Les méthodes des uns et des autres finissent par s’aligner dans une marginalité qui devient la marge ou la norme, selon le côté qu’on adopte, le pessimisme du propos infusant dans les paroles des protagonistes, bien plus que ceux qu’ils affrontent, puisque ceux-ci sont soit muets, soit insultants.
Ainsi, nos héros policiers, désireux de rétablir l’ordre dans les "territoires perdus de la république", pour reprendre le titre d’un célèbre ouvrage, se sentent empêchés par leur hiérarchie craintive. Cela ne les empêche pas de tabasser sans vergogne et sans motif des vendeurs illicites de tortues, après les avoir admonestés et tutoyés.
D’une situation socio-économique explosive, récupérée par bien des discours électoralistes, Bac Nord s’en saisit pour en faire un film de genre et d’action qui ne s’embarrasse pas de fioritures, mettant en scène la fracture sociale sur le mode d’un spectacle, avec son lot de joutes verbales, de bastons soigneusement dramatisées, de courses-poursuites saisies en caméras portées, de stéréotypes vivants (le gamin vexé d’avoir été pris en flag’, mais soudain illuminé par un morceau de rap), de postures et de faces plastiquement assorties aux situations vécues : à ce petit jeu, Gilles Lellouche se distingue, en récitant scolairement sa leçon, tantôt le visage fermé et les mâchoires serrées, tantôt la mine réjouie par une décontraction blagueuse, sans doute prévue par le cahier des charges, pour donner au film suffocant quelques respirations attendues. Ses collègues de travail lui emboîtent le pas, jusqu’au drame prévisible, qui engendre une deuxième partie carcérale en forme de chemin de croix.
De plus en plus didactiques, les scènes s’éternisent...
Bref, rien de nouveau sous le ciel du thriller démagogique à la française, où les effets clipesques font office d’emballage. Pour la subtilité, on repassera.