- Auteur : Arnaldur Indridason
- Traducteur : Éric Boury
- Genre : Thriller
- Editeur : Métailié
- Date de sortie : 3 février 2023
- EAN : 9791022612418
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Résumé :
Au XVIIIe siècle, l’Islande est une colonie danoise, gérée par les représentants de la Couronne qui souvent usent de leur autorité pour s’approprier des biens, en profitant en particulier des lois qui condamnent les adultères à la peine de mort. Le roi Christian VII, considéré comme fou et écarté du pouvoir, traîne sa mélancolie à travers son palais jusqu’au jour où il rencontre un horloger islandais auquel a été confié un travail délicat. Une amitié insolite va naître entre les deux hommes. À travers la terrible histoire du père de l’horloger, le souverain va découvrir la réalité islandaise et se sentir remis en cause par la cruauté qui s’exerce en son nom.
Des ateliers du palais aux intrigues de la cour et aux bas-fonds des bordels de Copenhague, nous accompagnons ces héros dans leur recherche tragique et vitale.
Marie Nel 3 août 2023
Marathon du polar 2023, équipe LABRIGADEDESCINQ
Le Roi et l’horloger - Arnaldur Indridason
Cela faisait un moment que je voulais lire Arnaldur Indridason. J’aime les polars nordiques et cet auteur m’intriguait. Et pourtant c’est avec un roman qui n’est pas un polar que je le découvre. Quand j’ai vu qu’il avait écrit un roman historique, je me suis dit qu’il fallait vraiment que je ne le loupe pas. Si vous me suivez régulièrement, vous savez que j’aime beaucoup ce genre de livres, où l’Histoire avec un grand H rejoint la petite, celle que l’auteur invente. Et cela va être le cas avec ce roman. Pas d’enquête policière, pas de crime, mais une histoire très prenante où le suspense est présent et rend la lecture addictive.
Nous sommes à la fin du XVIIIème siècle, à Copenhague, au palais royal de Christiansborg. Un horloger, Jon Sivertsen, a trouvé dans les caves du palais une ancienne horloge en pièces détachées. Il s’avère qu’elle est vieille de plus de deux cents ans, ait été fabriquée par Isaac Habrecht et soit la réplique de la magnifique horloge de Strasbourg. Si vous ne la connaissez pas, allez voir sur le net, elle est époustouflante de beauté et de complexité avec un coq qui chante en déployant ses ailes, avec le cycle de la lune, avec celui de la vie avec des silhouettes représentant l’homme à différents moments de sa vie. J’ai eu la chance de la voir en vrai, et j’ai été subjuguée par le talent de l’artiste qui l’a fabriquée.
Je m’égare, revenons au livre. Donc Jon Sivertsen se met en tête de restaurer l’horloge, de la remonter et la faire fonctionner. Il ne s’attend pas une nuit à avoir une illustre visite en la personne du roi Frédéric VII, en robe de chambre et aviné. Il passe pour un fou à la cour, est souvent seul il trouve donc dans l’horloger une compagnie. La restauration l’intéresse et il se met à discuter avec l’horloger. Le roi est aussi intrigué par l’histoire personnel de Jon. Il est islandais d’origine, l’Islande est une colonie Danoise, il a fui son pays pour se réfugier à Copenhague. Il a vécu un drame terrible, le roi est très curieux sur le sujet, et Jon lui raconte alors son histoire qui est loin d’être banale. En effet, ses parents ont tout deux été condamnés et exécutés pour usurpation d’identité entre autre, sur ordre du père du roi actuel Christian VII. Celui-ci est intrigué et presse l’horloger pour qu’il en raconte plus. Jon va ainsi lui parler de l’histoire de ses parents, mais aussi de son pays, de leur façon de vivre, qui semble être inconnu pour le roi, prenant les Islandais pour des sauvages. Mais parler du passé va être compliqué pour Jon, et va aussi avoir des répercussions sur l’état psychologique du roi.
Jon va ainsi parler de sa vie en Islande, certaines des lois de ce pays sont différentes du Danemark même si c’est une colonie danoise. Notamment les lois sur la famille, le couple, la paternité qui ne sont pas tendres avec les gens. À la moindre infidélité, le moindre adultère, les personnes se retrouvent vite jugées, emprisonnées, et voire même exécutées. Ce qui se passa pour les parents de Jon. Le récit de leurs vies fait écho avec celle du roi, on comprend ainsi mieux ses troubles, ses crises de panique. Tout son entourage veut le faire passer pour fou, mais je ne sais pas si c’était tout de même à ce point là, c’est surtout ce que les autres veulent lui faire croire. Souvent, il sera demandé à Jon d’arrêter son récit, qui se déroule sur plusieurs semaines, pour ainsi, épargner le roi. Mais lorsque celui-ci revient et demande à nouveau à l’horloger de continuer son histoire, celui-ci ne peut qu’obéir à son roi. C’est une sorte de cercle vicieux dans lequel s’enfonce l’horloger.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Jon. Il est discret, sympathique, empathique, il aime son art, il est plein de connaissance. Il n’a pas eu une enfance facile, mais a su rencontrer les bonnes personnes qui lui ont permis d’avancer et de devenir l’homme qu’il est. Tout le roman tourne dans le présent autour du roi et de l’horloger, et dans le passé, entre les parents de Jon et leurs détracteurs. Donc peu de personnages, mais tous très importants pour l’histoire, tous très bien travaillés par l’auteur, ils ont de l’épaisseur, ils sont bien présents, et il est très facile pour le lecteur de les imaginer. L’auteur a également très bien décrit les décors et les paysages, sans alourdir pour autant le texte. Que ce soit dans les rues de Copenhague, ou dans la campagne islandaise, au bord de la banquise ou dans les décors du château, tout est très bien représenté. J’ai vraiment eu la sensation de vivre dans ces pays le temps de ma lecture. La seule chose qui me ralentissait un peu au début, ce sont les noms islandais, qui ne sont pas toujours facile à lire, mais c’est une habitude à prendre. L’auteur parle aussi avec beaucoup de détails de Isaac Habrecht, cet illustre horloger, même plus que cela, car ce qu’il réalise est du domaine de l’art. Je suis allée sur internet chercher certaines infos, et j’ai retrouvé exactement ce que décrivait l’auteur. Je n’ose imaginer le travail qu’il a dû faire en amont pour être aussi précis et en même temps très clair. Il rend la connaissance accessible par tous, et ça j’apprécie énormément, c’est le genre de livre duquel on ressort grandi.
Je découvre Arnaldur Indridason avec ce livre, et je suis conquise par sa plume, par la précision de ce qu’il écrit, par sa délicatesse tout en étant très juste, sans fioritures. Il sait également mettre beaucoup d’émotions. J’ai été très touchée par l’histoire des parents de Jon, l’auteur a très bien su retranscrire tous les événements et les rendre si réels. Sûrement que des gens comme eux ont existé, et c’est encore plus dramatique. On sent tout de même qu’il aime écrire des polars, car il sait mener une sorte de suspense et de tension tout le long qui font qu’il tient en haleine le lecteur. J’ai suivi les événements avec avidité. Que ce soit dans le présent, avec la reconstitution de l’horloge, Jon vit quelques péripéties pour retrouver certaines pièces. Et que ce soit dans le passé, avec ce qui arrive aux parents, on sait très vite la finalité, dans les cinquante premières pages. La fin n’est pas le but, c’est le chemin que prend l’auteur pour y arriver qui est très intéressant. Et puis, je me suis tout de même mise à espérer que cette fin ne serait pas celle envisagée, ce qui a tout de même crée un certain suspense. En tout cas j’ai été très émue par toutes ces vies.
J’ai tout aimé dans ce livre, l’histoire, les personnages, les lieux, et bien sûr le style et la plume de l’auteur. Je ne me suis pas ennuyée et ai lu avec un certain intérêt, et je n’appréciais pas qu’on me dérange. La narration à la troisième personne permet de garder une certaine distance avec les personnages qui n’est pas négligeable. Je pensais que les parties concernant le passé serait à la première personne, puisque c’est Jon qui en est le narrateur, mais l’auteur a eu la bonne idée de garder la même narration qu’au présent, et j’ai apprécié cette distance avec les personnages. Les émotions sont déjà assez bien décrites. Je vais continuer de lire les livres de Arnaldur Indridason, je suis charmée par son écriture. J’ai dans ma bibliothèque "La cité des jarres" que je n’ai pas encore lu, mais je vais vite réparer cette erreur. J’ai très envie de le découvrir maintenant dans le genre du policier et du suspense pur.
Si vous aimez les romans historiques, les pays nordiques, l’ambiance froide qui y règne, n’hésitez pas à lire ce roman, vous serez conquis, j’en suis sûre. L’auteur a écrit ce livre comme un conte, comme ceux que je lisais petite, je pense notamment aux contes d’Andersen. J’ai retrouvé cette ambiance ici.
spitfire89 25 avril 2023
Le Roi et l’horloger - Arnaldur Indridason
"Qu’est-ce donc que le temps. Ce serait mentir que d’affirmer que Jon ne s’était pas penché sur la question, tant il avait passé d’heures de sa vie à explorer les mécanismes destinés à la mesure du temps. il en avait mis certaines en route pour la première fois, il en avait réparé d’autres pour les faire repartir lorsqu’ils s’étaient arrêtés, il en avait réglé d’autres encore qui avançaient ou retardaient, et il en avait démonté certains entièrement avant de les remonter comme il le faisait maintenant avec l’horloge d’Habrecht (Créateur Suisse). Mais c’était une autre affaire , beaucoup plus complexe, de répondre aux interrogations sur la nature même du phénomène, et il était dans l’embarras face à la question que le souverain avait posée comme incidemment, en passant."
Une rencontre improbable entre Jon un horloger et le roi Christian VII, considéré comme fou et écarté du pouvoir. Jon solitaire, taciturne et vieillissant, le roi lui tourne en rond dans son palais en étant mélancolique jusqu’à cette rencontre. Nous découvrirons l’histoire familiale de Jon dont la terrible histoire de son père. Les réalités de la souveraineté en Island, lecture captivante et bouleversante. On découvre cette royauté l’histoire dannoise et islandaise. Une intrigue qui nous conduira jusqu’au bas fond.
kirzy 16 mars 2023
Le Roi et l’horloger - Arnaldur Indridason
Arnaldur Indridason surprend en s’éloignant totalement de l’univers polar dans lequel il excelle pour proposer un surprenant roman noir historique qui se déroule fin XVIIIème siècle entre le palais de Christianborg à Copenhague et la campagne isolée du fjord Breidafjördur au Nord-Ouest de l’Islande.
Cela commence comme un conte. Jon Sivertsen, simple horloger, en train de restaurer une précieuse horloge dans les sous-sol du palais royal danois, rencontre inopinément le roi Christian VII en personne. Une conversation quasi surréaliste s’engage. Jon lui raconte la tragique histoire de son père islandais et de sa gouvernante tous deux exécutés sur ordre du roi Frédéric V ( père de l’actuel ). Il doit convaincre son roi que la peine était injuste sinon il risque la prison ou pire.
On retrouve dans ce roman les qualités de conteur de l’auteur dont la narration enveloppe le lecteur avec une fluidité remarquable pour passer du passé islandais du père au présent danois de l’horloger. Comme dans ses polars, aucune fioriture, aucun rebondissement superficiel, aucune recherche de spectaculaire. J’ai été surprise d’être aussi prise et intéressée par les passages liés à la restauration de l’horloge, Jon essayant de comprendre son fonctionnement mécanique et partant à la recherche des pièces ( automates ou carillons ) qui ont été dispersés dans Copenhague. D’ailleurs, cette horloge, chef d’oeuvre réalisé par l’horloger suisse Isaac Habrecht en 1572 existe vraiment, visible au palais de Rosenborg.
On retrouve également toutes les obsessions d’Arnaldur Indridason : le questionnement du passé de l’Islande, la volonté de rendre justice aux victimes et la perte d’êtres chers. C’est tout le drame d’une Islande colonisée par le Danemark que raconte Jon comme pour ouvrir les yeux à son roi. Une Islande de misère où les enfant meurent de malnutrition, une Islande rurale broyée par le Stóridómur ( un corpus de lois adoptées en 1564 pour interdire les relations sexuelles hors mariage et lutter contre la prétendue légèreté de moeurs des Islandais ) appliqué iniquement et brutalement par des baillis royaux avides de récupérer les biens des condamnés.
De façon très subtile, l’auteur amène ses deux personnages si dissemblables au départ à se rapprocher et on y croit à cette improbable relation. L’histoire racontée par Jon sème la confusion chez Christian VII, roi fantoche écarté du pouvoir par son propre fils car souffrant de démence. Ce dernier, ridicule au départ, devient de plus en plus humain à mesure que ses failles se révèlent, et au final c’est toute la clique de sa cour qui semble fort risible. Sur la fin, le récit se teinte de mélancolie sur le temps qui passe, devenant méditatif sur la solitude lorsque ceux qu’on aime ne sont que des fantômes qui vous hantent.
Ce roman parle aussi de la liberté d’expression. Jon, le narrateur sorte de Shéhérazade polaire, semble être une métaphore de l’écrivain. Il crée une histoire pour retenir l’attention du roi, sans dire de mensonges mais en inventant ce qu’il n’a pas vu de ses yeux :
« Il avait à coeur de relater l’ensemble des faits dans un souci de justesse et de vérité, sans omettre aucun détail d’importance, même s’il devait en pâtir. Que devait-il laisser de côté ? Qu’est-ce qui comptait le plus ? Quels personnages liés à cette histoire méritaient d’être mentionnés ? Quels éléments allait-il choisir de taire ? Lesquels comptait-il utiliser ? Comment maintenir l’attention du souverain ? Comment éviter de déclencher ses foudres ? Devait-il se borner à dire ce que, selon lui, Sa Majesté avait envie d’entendre ? N’était-ce pas un meilleur choix d’être honnête et de lui faire part du fond de sa pensée ? Ne devait-il pas juste laisser libre cours au récit, quelles que soient les conséquences de ses paroles ? Mais si ses propos le mettaient en mauvaise posture, n’était-il pas préférable de s’abstenir ? L’occasion lui était offerte de façonner les opinions de Sa Majesté le roi Christian VII ? Ne devait-il pas en profiter ? »
sylvie71 25 février 2023
Le Roi et l’horloger - Arnaldur Indridason
J’ai choisi de lire ce roman pour l’auteur. Arnaldur Indridason est un maître du polar, mais ce roman est différent, il s’agit d’un roman historique, qui se déroule à Copenhague au 18ème siècle.
Jon, un vieil horloger, a envie de réparer une vieille horloge, qui est à ses yeux une œuvre d’art, et qui est en bien mauvais état dans une réserve au Palais Royal. Jon rencontre le roi Christian VII lors de ces passages au palais quand il répare l’horloge. Au fil des rencontres et des discussions, le roi demande à Jon de lui raconter son histoire familiale.
L’auteur nous offre 2 histoires : Jon va-t-il réussir à réparer cette magnifique horloge et lui restituer sa splendeur d’origine, et par la même occasion il nous raconte la vie des islandais qui a cette époque sont sous domination danoise. Les 2 histoires s’imbriquent parfaitement. Il y a une alternance entre les 2. A travers ce roman, l’auteur nous parle de l’histoire de son pays, l’Islande et de la dureté de la vie au quotidien. Cela m’a permis d’en apprendre plus sur ce pays, qui malgré mes nombreuses lectures restent assez méconnu pour moi.
Il y a une certaine lenteur. La narration met en avant le côté humain. L’auteur met tout son talent de maître du polar pour maintenir un suspense. Les chapitres sont courts. Le style d’écriture est fluide. Les émotions, les sentiments des personnages sont bien retranscris de même que l’ambiance.
Mais la lenteur et le manque de surprise ne m’ont pas permis d’être totalement happée dans cette histoire.
L’atelier de Litote 21 février 2023
Le Roi et l’horloger - Arnaldur Indridason
Un coup de cœur pour ce roman historique qui se lit comme comme une grande et triste saga. La rencontre improbable entre un talentueux horloger islandais et le Roi danois Christian VII qui semble avoir perdre la raison. A l’époque l’Islande est sous domination danoise nous somme au milieu du XVIIIe siècle. Jon Sivertsen venu au palais de Copenhague pour tenter de réparer le chef d’œuvre du maître horloger suisse Habrecht qui est en piteux état. Entre les deux hommes une conversation va débuter pendant les séances consacrées à la remise en état de l’horloge. Le Roi s’intéresse au travail d’horlogerie et peu à peu, l’horloger est amené à parler de lui et de son histoire familiale et du triste sort de son père. On apprendra de quelle façon sa famille a été victime des lois sur l’adultère dont le bailli local use et abuse à son profit. J’ai apprécier la construction du roman qui nous renvoi dans une double temporalité en Islande où l’on vit la grande injustice qu’ont subit le père de Jon ainsi que sa gouvernante Gudrun. L’histoire de Jon trouvera un écho chez le Roi qui nous fait craindre pour sa vie malgré leur amitié naissante. Plus on avance dans le récit et plus on appréhende ce qui va nous être révélé. On sait dès le début que la fin n’est pas heureuse mais jamais je ne me serai doutée de la férocité de cette tragédie. Une lecture passionnante et bouleversante qui nous emporte dans des temps et des lieux reculés où la civilisation n’avait pas que du bon. Ce récit m’a captivé et profondément touché, le style de l’auteur est très agréable à lire et la traduction fluide. Très rapidement j’ai ressenti de l’empathie pour les personnages. Quelle performance d’arriver a lier si parfaitement les faits historiques à la fiction. Bonne lecture.