- Auteur : Nicolas Lebel
- Editeur : Le Masque
Après Dans la brume écarlate, roman policier presque gothique, Nicolas Lebel est de retour avec un nouveau polar en prise avec l’histoire de l’Afrique du Sud. Découverte...
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman Le Gibier ?
Nicolas Lebel : Ce roman est avant tout une invention culinaire ! Dans une cuisine littéraire Polar où l’on veut étiqueter à tout prix tous les genres, le noir, le thriller, Le roman policier… et leurs sous-types, je voulais écrire une histoire à la croisée des genres, un récit où les enquêteurs deviennent les victimes dans une intrigue tenant tant de l’actualité que de l’histoire (l’Afrique du sud), et en somme, dézinguer les codes. La recette a été assez simple : on verse dans le chaudron, on touille, sel, poivre. Servir brûlant !
Bepolar : Vous plongez dans l’histoire sud-africaine puisqu’une partie de votre intrigue est liée à la chute de l’apartheid. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser à ce moment de l’Histoire ?
Nicolas Lebel : L’histoire sud-africaine est captivante (comme nombre d’histoires nationales, d’ailleurs). On fête cette année (malheureusement trop discrètement, à mon goût) les 30 ans de l’abolition de l’apartheid, ce régime politique et judiciaire raciste et ségrégationniste qui a ensanglanté le pays pendant quarante ans. L’Afrique du sud est aussi le pays où un programme chimique de nettoyage ethnique a été imaginé et en partie appliqué par son gouvernement blanc pour tuer les populations noires majoritaire du pays ! Imaginer aujourd’hui qu’au terme de la réconciliation nationale, des agents de l’époque décident malgré tout de régler des comptes n’est pas si loin de la réalité… (je rassure tout le monde : pas de spoil ici ! Ce n’est que l’un des thèmes du roman ! )
Bepolar : On suit un nouveau duo, la glaciale et pragmatique Yvonne Chen et le commissaire Paul Starski, en plein divorce. Comment pourriez-vous nous les présenter ?
Nicolas Lebel : Le commissaire Starski avec un i et la lieutenante Chen sont complémentaires. Comme Starsky et Hutch, en fait ! Sauf que tous les opposent. Ils sont les deux revers d’une même médaille. Lui est tout en affect, en ressenti, en émotions, à l’heure où sa femme le quitte, où son chien agonise, où il retrouve un amour de jeunesse qui lui met le cœur en vrac. Chen est toute en raison, pragmatique, cartésienne, presque robotique par moments, se nourrissant pour survivre, baisant parce que c’est bon pour l’organisme, indifférente aux gens et à leurs humeurs. Évidemment, leurs conversations tournent souvent au pugilat…
Bepolar : Leurs dialogues sont savoureux, souvent drôles et percutants. quelle place ont les dialogues dans votre écriture ? Ils viennent pendant les scènes ou s’imposent-ils avant l’écriture ?
Nicolas Lebel : Une fois que les personnages sont cernés, les dialogues viennent tout seuls. Je dois admettre que c’est une des parties de l’écriture que je préfère. Il faut que les personnages m’amusent, soit parce que ce qu’ils disent est drôles, soit parce que ce que je dis d’eux est drôle. J’aime parfois les tourner en ridicule, leur faire dire des inepties, les voir défendre des positions grotesques. Bref il faut que je passe du bon temps avec eux. J’aime aussi ces dialogues où les gens ne se comprennent pas, parlant de choses différentes sans s’en apercevoir, des quiproquos qui les déboussolent tandis que je glousse aux commandes ! Oui, c’est très sadique !
Bepolar : Peu à peu au fil de l’histoire du meurtre d’un homme d’affaires sud-africain, l’enquête se resserre sur son amour de jeunesse, qui est la suspecte idéale. Et pourtant les évidences n’en sont peut-être pas. Comment avez-vous construit votre intrigue pleine de faux semblant ?
Nicolas Lebel : L’un des codes du roman policier veut que le lecteur avance au rythme de l’enquêteur, récupère en même temps que lui les indices qui vont construire sa compréhension à l’un de l’histoire, à l’autre de l’enquête. Mais que se passe-t-il quand cette synergie est brisée, quand l’enquêteur passe à côté d’indices que le lecteur voit, ou l’inverse, quand le lecteur néglige des éléments qui tout à coup resurgissent comme des preuves dans les explications de l’enquêteur ? S’ils le pouvaient, le lecteur et l’enquêteur se rappelleraient à l’ordre l’un l’autre, défendraient chacun leurs hypothèses, mais c’est impossible ! C’est sur cette impossibilité, cette frustration qu’est construit Le Gibier, ce qui est assez jouissif surtout lorsque c’est le lecteur qui se trompe !
Bepolar : Pas mal de choses changent dans ce roman par rapport à vos précédents ouvrages. Vous vouliez changer un peu les choses ?
Nicolas Lebel : Après cinq romans policiers (la série Mehrlicht), j’avais déjà écrit un autre texte, La Piste aux Etoiles, un roman qui tient plus du roman d’espionnage et d’aventure, un récit à la première personne avec un personnage cynique et violent, un texte qui déjà s’éloignait de ce que j’écrivais avant. Avec Le Gibier, mon ambition secrète était d’écrire mon premier thriller sans le dire ! Tout commence comme un roman d’enquête, mais Le Gibier n’en est pas un ! Ou plutôt, il l’est tout en étant un roman noir et un thriller, avec des passages en huis-clos, un mystère de la chambre jaune… Je voulais proposer aussi autre chose en arrivant dans une nouvelle maison, les Éditions du Masque, présenter d’autres formes, d’autres personnages, d’autres facettes de mon travail. Avec Lilas Seewald (mon agente) et Violaine Chivot (mon éditrice), je crois que nous avons bien travaillé, à en juger par le succès du roman.
Bepolar : Quels sont vos projets, sur quoi travaillez-vous ?
Nicolas Lebel : Je travaille en ce moment sur un thriller carcéral, si le genre existe, un roman noir se déroulant donc dans une prison où les jeux de pouvoir et les mensonges de chacun font des morts, où inexorablement, les différents acteurs convergent vers une tragédie annoncée… C’est noir à souhait, je m’amuse beaucoup ! Et ce sera donc un livre encore différent ! Suivra certainement une suite du Gibier…
Je travaille de manière plus secrète sur des projets télé, mais chut...