Avec Sorry Mom, Sylvie Allouche propose un polar pour adolescent passionnant par le biais d’une nouvelle enquête de la commissaire Di Lazio et de son équipe.
Bepolar : Comment est née l’idée de ce nouveau roman ?
Sylvie Allouche : J’étais en train de me documenter pour Go Fast Go Slow (le roman précédent de la série), lorsque de liens en liens, je tombe, par hasard, sur l’article d’un site belge — dont je ne révèlerai pas le contenu sous peine de spoiler Sorry Mom. J’ai été stupéfaite de cette découverte. Le plus difficile, à ce moment-là, a été de ne pas creuser plus avant le sujet avant d’avoir terminé Go Fast…
Bepolar : On retrouve la commissaire Di Lazio. Comment est-ce que vous pourriez nous la présenter ?
Sylvie Allouche : C’est une jeune femme bosseuse, colérique, intelligente, impatiente et profondément humaine. Elle trimballe aussi ses doutes, ses blessures et cette immense souffrance qu’est la disparition de son jeune frère, jamais retrouvé. Au fil des romans, elle est devenue un personnage majeur et attendu par les lecteurs. L’un des plus beau compliment que j’ai reçu, c’est ce jeune homme de 16 ou 17 ans, qui me dit : « Madame Allouche, quel dommage que Clara Di Lazio n’existe pas. » Il était tombé littéralement amoureux d’elle.
Bepolar : C’est donc un personnage au long cours pour vous. Comment la voyez-vous ? Quels liens avez-vous avec elle ?
Sylvie Allouche : J’ai créé ce personnage en 2016. Clara Di Lazio apparaît pour la première fois dans Stabat Murder, un polar sur fond de musique classique… Cela fait donc presque dix ans que je la côtoie, que je peaufine son caractère, sa façon de penser, de parler, d’être. Elle m’est devenue très proche, presque réelle. Il m’arrive même parfois, dans certaines situations, de me demander : « Comment aurait réagi Clara di Lazio ? »
Bepolar : Dans Sorry Mom, on suit trois histoires en parallèle, l’enquête sur la mort d’une femme retrouvée nue dans une poubelle, un enfant muet et seul découvert enfermé dans une cave, et le fils du ministre de l’intérieur totalement paumé qui s’ennuie à mourir. Comment tisser vous vos intrigues ? Vous êtes plutôt du genre architecte ou jardinière ?
Sylvie Allouche : Je construis, je déconstruis et au milieu je jardine ;) Je laisse la place au personnage ou à l’action inattendus. J’adore me faire surprendre par un personnage secondaire qui finit par s’imposer sous ma plume et devient indispensable au récit. Je fais en sorte que mon histoire ne soit pas linéaire. On ne suit pas un personnage du début à la fin, mais plusieurs histoires avec leurs cohortes de rebondissements, d’émotions et de péripéties (arrachage de cheveux garanti à l’écriture).
Bepolar : Manon, la journaliste, apparaît pour la première fois dans la série. L’arrivée d’un nouveau personnage est-il un bon moyen de booster les nouvelles enquêtes de la commissaire ?
Sylvie Allouche : En introduisant Manon dans cette histoire, j’avais envie d’un autre point de vue, d’une nouvelle énergie. Faire le parallèle entre journalisme et police m’a intéressée. La plupart du temps, les relations entre policiers et journalistes sont plutôt tendues, méfiantes, et pourtant ils sont complémentaires. Dans Sorry Mom, Manon à un rôle capital dans la résolution de l’enquête que mènent Clara di Lazio et son équipe. Elle apporte un sang neuf à l’équipe et je pense qu’on la reverra dans les prochains…
Bepolar : Qu’est-ce que vous aimeriez que vos lecteurs et lectrices retiennent une fois la dernière page tournée ?
Sylvie Allouche : L’émotion suscitée par cette histoire, les interrogations qu’elle aura fait naître sur le sujet (dont je ne peux toujours pas parler). Une réflexion sur l’identité — qui sommes-nous vraiment ? — ; la filiation, les liens familiaux, biologiques ou non ; la maternité, l’abandon… Dans Sorry Mom, il est surtout question du lien à la mère, qu’il soit toxique, fusionnel, destructeur ou porteur. Je démêle patiemment ces fils ténus pour faire surgir une vérité. La famille est un vivier dans lequel je puise à l’envi la plupart de mes personnages. Elle est un terreau fertile dans laquelle se côtoient les sentiments et les émotions les plus variés, l’amour, la haine, la solitude, la différence, le rejet, l’entraide, la maltraitance, la bienveillance... À moi ensuite de réinventer les femmes, les hommes et les enfants qui la composeront.
Bepolar : Ces romans sont classés comme étant pour adolescent/jeunes adultes. Est-ce que cela change quelque chose à votre écriture par rapport à un roman pour adulte ?
Sylvie Allouche : Pas grand-chose à vrai dire. Pour un livre « adulte » il y aurait peut-être un peu plus de noirceur… mais je n’en suis pas certaine. À chaque rencontre, chaque salon littéraire, chaque débat public, je m’aperçois que ma série touche un large public, que mes histoires sont intergénérationnelles. Et j’en suis ravie !
Sorry Mom vient d’être sélectionné pour un prix littéraire adulte – 1001 Feuilles noires – dans le cadre du salon Noir sur la Ville, de Lamballe. Merci à eux d’abolir, quand il le faut, les étiquettes qui nous rangent, nous classent dans telle ou telle catégorie d’où nous avons peine à sortir. Gardons simplement le plaisir de la lecture et des émotions qu’elle provoque.
Bepolar : Qu’est-ce qui fait selon vous un bon polar ?
Sylvie Allouche : L’écriture d’un polar est extrêmement difficile. Il faut penser à tout, tout le temps du récit. C’est un travail d’orfèvre où chaque mot compte. Plusieurs ingrédients sont nécessaires : une bonne intrigue, du suspens, des personnages les plus vraisemblables possibles (on travaille sur du « réel »), qu’ils soient attachants ou méprisables ils doivent provoquer une émotion. Introduire avec modération les indices, les vraies pistes, les fausses pistes (sans perdre trop longtemps les lecteurs, qui n’aiment pas se laisser berner sur quarante pages). Et puis, il y a la qualité de l’écriture — le style, le rythme, la manière de dire, de raconter, primordiale à mon sens.
Bepolar : Quels sont vos projets ?
Sylvie Allouche : Je travaille en ce moment sur une série pour la collection Souris Noire, chez Syros.
La sortie de La fille au fond du canal, en 2025, dans la collection Court Toujours, chez Nathan.
Et, bien sûr, je réfléchis au prochain DI LAZIO !