Fantastique viral
- Réalisateur : Kyoshi Kurosawa
- Acteurs : Haruhiko Kato, Kumiko Aso, Katô Koyuki
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h57min
En 2001, Kyoshi Kurosawa mettait en scène une propagation de virus fantôme, symbole saisissant du malaise de la jeunesse japonaise.
Kyoshi Kurosawa avait déjà filmé un Tokyo désert dans son polar Cure que venait densifier l’angoisse, d’une épaisseur surnaturelle. Kaïro, réalisé quatre ans plus tard, enfonce le clou, étrange film fantastique, où des hikikomoris, visibles par webcam, se suicident par une étrange contamination virale, tandis que des fantômes circulent dans des endroits clos, barrés de bandes adhésives rouges pour signifier leur haute dangerosité. Le simple contact avec ces lieux interdits suffit à rendre les personnages indifférents au monde, prêts à se flinguer ou à chuter d’une hauteur respectable pour le quitter.
Kurosawa travaille la peur à travers des seconds plans savamment mis en scène.
Le virus du désespoir, allégorie du malaise de la jeunesse japonaise, coincée entre high-tech et virtuel, n’a pas ici les effets spectaculaires que lui donnerait un blockbuster américain. On meurt chez soi ou dans une zone industrielle désertique. Et quand l’on s’efface, au sens propre du terme, ne reste qu’une tache de soi, sur un sol ou sur un mur. Les corps pulvérisés, au sens propre du terme, c’est évidemment la prolongation du double traumatisme d’Hiroshima et Nagasaki.
La fin de cette curiosité filmique, aux intentions esthétisantes, configure une sorte de thriller apocalyptique : dans une capitale japonaise totalement vidée par les effets du virus insidieux, que dix noms pourraient qualifier, l’héroïne soutient son camarade Taguchi, déjà contaminé, avant de prendre un bateau pour fuir son pays. Un avion passe, à la dérive, quitte le cadre pour s’écraser.
Plus soigné que Ring, sorti à la même époque trois ans plus tôt, Kaïro ne cache pas ses ambitions esthétiques : la lente démarche d’une femme-fantôme dans une cave obscure, se tordant comme un dessin de Francis Bacon, demeure particulièrement en mémoire ; la matérialisation d’un esprit, d’abord pixélisé, puis visible en très gros plan, imprime également la marque singulière de ce long-métrage effrayant, qui en dit long sur la perte de repères de la société nippone.