- Auteur : André Marois
- Editeur : Heliotrope
Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman, Bienvenue à Meurtreville ?
André Marois : Dans mon passé de rédacteur publicitaire, j’étais chroniqueur au mensuel Infopresse, un magazine québécois sur la communication. J’avais publié un texte intitulé Touristes à tout prix dans un numéro consacré au marketing touristique.
L’idée me semblait suffisamment prometteuse pour que je décide de la reprendre. J’ai alors écrit une nouvelle sur ce thème, puis j’ai voulu en faire un film, intitulé Meurtres au village, mais ça n’a pas abouti.
Geneviève Thibault qui développait la collection Héliotrope Noir m’a proposé d’y participer. Je lui ai présenté mon idée pour un roman et ça lui a plu.
Bepolar : Tout se déroule dans le village de Mandeville au Québec. Parlez-nous-en ? Comment pourriez-vous nous faire le portrait de ces lieux ?
André Marois : C’est village assez isolé dans la région de Lanaudière, à environ 1h30 de Montréal. On y compte un peu plus de 2000 habitants sur un territoire aussi grand que Paris, auxquels s’ajoutent les nombreux « saisonniers » qui possèdent un chalet. Beaucoup de ces maisons sont loin du village, dans le bois.
Mandeville forme une communauté tissée serrée. Sa devise est « Nous sommes de lacs et de rivières », ce qui exprime bien son côté nature. On y exploite la forêt pour ses arbres, la pêche et la chasse. Les gens sont accueillants, mais les montagnes et l’éloignement leur a forgé un caractère plutôt… réservé.
Bepolar : D’ailleurs est-ce que Mandeville a influencé l’écriture de votre histoire ? Est-ce que les lieux ont eu leur importance (ou est-ce que ce roman aurait pu se situer ailleurs ?)
André Marois : Bienvenue à Meurtreville a d’abord été publié en 2016 au Québec dans la collection Héliotrope Noir, une collection qui propose de « tracer, livre après livre, une carte inédite du territoire québécois, dans laquelle le crime se fait arpenteur-géomètre. » Les romans qui y sont publiés doivent donc se dérouler dans un lieu précis et nommé.
Ma blonde et moi avons un chalet à Mandeville depuis une dizaine d’années. J’avais déjà l’idée pour le livre et je l’ai donc implantée dans notre environnement.
L’histoire aurait pu se situer ailleurs, mais quand j’ai décidé de choisir Mandeville, je me suis rendu compte que c’était vraiment l’endroit parfait. J’ai fait plein de recherches, de repérages et de découvertes qui ont beaucoup nourri le roman, comme les caméras devant la sablière et le parc de mini-observatoires.
Bepolar : C’est un roman assez cynique puisqu’une affaire de meurtre ravit le conseil municipal puisqu’on parle enfin du village ! Est-ce que c’est aussi pour vous un portrait doux-amer de la réalité et une manière de dénoncer l’inexistence médiatique de certains lieux ?
André Marois : Bien sûr, dans ce roman noir, je tente de dresser un portrait cynique de la réalité d’un village parfois trop calme — même si cette tranquillité est en fait recherchée par ceux qui y séjournent.
Dans mes recherches, j’ai découvert plein d’exemples de tourismes du crime : des séjours en prison-hôtel, un parcours meurtrier à Paris et un autre qui suit en autobus la piste des attentats à la bombe à Jérusalem… Le cynisme ne sert souvent qu’à rappeler la réalité, à l’exposer.
La grande majorité des villages, au Québec comme en France d’ailleurs, n’a pas grand-chose à proposer pour attirer des touristes. À défaut de Sea, sex and sun, il nous reste le pouvoir de l’imagination… Et les médias, c’est bien connu, adorent le sang frais.
Bepolar : L’écriture est légère, avec une jolie pointe d’humour. Comment avez-vous construit votre roman ?
André Marois : Je voulais cet humour noir, mais sans tomber dans la blague. Je me suis donc concentré sur le comique de la situation, en la poussant à l’extrême et en conservant une écriture assez clinique, afin de garder une certaine vraisemblance et de renforcer le paradoxe de la proposition. Tout cela reste possible et plausible, même si je tire fort sur l’élastique. C’est absurde et amoral, mais ça se peut.
Le roman est écrit au présent pour le rendre plus froid dans sa description de la logique meurtrière de Chevalet.
La question du mobile du crime demeure essentielle pour moi. Pourquoi tuer ? Je cherche toujours des motifs qui s’éloignent de la classique vengeance. Je pense en avoir trouvé un pas pire.
Bepolar : Sur quoi travaillez-vous désormais ? Quels sont vos projets ?
André Marois : Je viens de publier Irrécupérables dans la même collection, qui est une suite à Bienvenue à Meurtreville, mais avec le sergent-détective Mazenc en personnage principal cette fois-ci. L’action commence deux ans après Meurtreville. Et je l’ai écrit au passé.
Je travaille présentement sur un projet de roman graphique pour jeunes : une suite aux enquêtes Le Voleur de sandwichs et L’Alerte au feu.
Mon premier album de BD noire devrait aussi paraître bientôt : un road trip malaisant…