- Réalisateur : Patrick Schulmann
- Acteurs : Jean-Luc Bideau, Jean-François Devaux, Erik Colin, Bee Michelin, Chantal Neuwirth
- Distributeur : Parano Films
- Genre : Fantastique, Comédie
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 5 novembre 1980
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Résumé :
Jean-Pierre et Marie ont un accident de voiture avec, comme passagère, une sorcière. Elle décide de se venger en intervertissant leurs personnalités.
De Patrick Schulmann, victime en 2002 d’un accident de voiture fatal, on retient surtout Et la tendresse ? Bordel !, immense succès populaire, comédie générationnelle sur les relations de couple, sorti en 1978, voire P.R.O.F.S, une évocation potache et libertaire du monde enseignant, qui rencontra aussi un vaste public en 1985. Ces deux longs métrages ont éclipsé une production certes foutraque, mais suffisamment iconoclaste pour qu’on s’y attarde. Rendez-moi ma peau fait partie de ces tentatives pas complètement abouties, mais plutôt originale dans la comédie hexagonale, dans la mesure où le film part d’un événement surnaturel, pour en tirer un profit scénaristique à travers des situations absurdes et une réflexion sociétale, qui n’a jamais la lourdeur de s’annoncer comme telle.
Ces intentions, plus conformes à l’histoire du cinéma anglo-saxon qu’à la tradition rationnelle, naturaliste de la production française, font de Schulmann un précurseur de réalisateurs qui, bien plus tard, sauteront le pas pour aller jusqu’au bout d’une idée en apparence insensée (Alain Chabat ou Quentin Dupieux, par exemple). A l’époque où Rendez-moi ma peau sort, la comédie française est dominée par Claude Zidi, Gérard Oury ou Francis Veber dont la fibre fantastique n’est pas le trait dominant.
Mais Schulmann n’est pas de la même génération et l’on a bien compris que l’influence de mai 68 lui inspire des questions bien en relation avec l’évolution des mœurs, dans cette décennie 70 où une deuxième génération du féminisme milite pour l’égalité réelle des droits entre les hommes et les femmes, commence aussi, dans le sillage des réflexions du Deuxième Sexe, à interroger la notion de genre : tout cela est bien présent à travers Rendez-moi ma peau, construit sur un sortilège lancé par une sorcière furibarde : Jean-Pierre investit malgré lui le corps féminin de Marie et elle devient à son tour Jean-Pierre, avec toutes les conséquences que l’on devine, potentiellement comiques, mais pas seulement, puisque Schulmann évoque avec des années d’avance ce qu’on appelle aujourd’hui des stéréotypes de genre, fraie avec des scènes qui font bifurquer le film vers le drame : on pense en particulier à cette séquence où Marie manque d’être violée, avant que les agresseurs ne s’aperçoivent qu’un homme habite ce corps en apparence féminin. Bien sûr, l’histoire demeure globalement fidèle à son désir de faire rire, n’y parvient pas toujours, parce que les gags sont souvent épais, parce que le désir d’efficacité rend l’humour un peu trop systématique, parce qu’enfin l’interprétation plutôt hésitante affaiblit la densité des protagonistes.
Mais Schulmann propose un univers parallèle qui interroge notre monde, fidèle à la tradition du récit de science-fiction qui tend un miroir à nos sociétés. Et cette prise de risque, dans l’univers très calibré des comédies de cette époque, mérite d’être saluée.