- Auteurs : Michaël MENTION, Benoît Philippon, Nicolas Jaillet , Claire Raphaël
Trouver un bon polar n’est pas toujours chose simple. Qu’est-ce qui fait la qualité d’un roman policier ? Nous avons demandé à leur avis aux principaux concernés, quatre auteurs : Michael Mention, Claire Raphaël, Benoît Philippon et Nicolas Jaillet.
Michael Mention est un habitué de nos pages. Il y a quelques mois, il a répondu à nos questionspour son roman De Mort Lente autour des perturbateurs endocriniens... Pour lui, "chaque auteur a son écriture"...
Il faudrait demander à François Guérif ! Tout dépend de quoi on parle, des émotions procurées ou de l’efficacité… un page turner n’est pas forcément un « bon bouquin ». Ça peut dépendre de la sincérité de l’auteur, en partie, car ça ne fait pas tout : j’ai lu des tas de bouquins où la sincérité se sentait, mais qui m’ont profondément emmerdé. Chaque auteur a son écriture, sa manière d’articuler le récit.
Pour ma part, je crois plus en ce que j’écris qu’en ce que je suis. Ce qui me guide, c’est la curiosité, de la phase de documentation à la fin de la rédaction, avec toujours l’obsession du plausible, cette réalité transcendée propre à la fiction. En ça, De Mort lente est très représentatif de ma démarche. Après, que le roman soit bon ou pas, ça ne m’appartient pas, le lecteur juge en fonction de ses attentes et de ses critères personnels. On vit une époque de plus en anxiogène et, dans la rue, les couloirs du métro, on voit souvent des affiches de promo avec des slogans du genre « un film qui fait du bien », ce qui a tendance à m’agacer. Comme le personnage de Franck, je préfèrerais vivre dans un monde où les livres et les films « feraient du bien en faisant réfléchir », ce que j’essaie de faire en mêlant divertissement et information.
Claire Raphaël a publié cette année, Les Militantes, un polar original et particulièrement intéressant. Pour elle, c’est d’abord la banalité du mal...
Un bon polar, c’est un livre qui montre la banalité du mal, la puissance de la violence, la force de la volonté, c’est un livre qui met en scène une lutte dont on ne sait pas à l’avance ce qu’elle va coûter, c’est un livre qui offre à ses personnages le droit de souffrir et de franchir toutes les limites.
Avec Benoît Philippon, on s’est plongé dans le monde du jeu avec son dernier roman, Joueuse... Pour lui, ce qui fait un bon polar, ce sont d’abord les personnages et l’ambiance...
Les personnages / L’atmosphère.
Au cinéma, je dirai l’ambiance/la direction artistique. En roman, le ton/la plume.
C’est un peu générique, ma réponse. Perso les enquêtes, ça m’intéresse pas, ou peu. Moi, j’aime le côté psychologique, émotionnel. Avec des vrais thèmes humains. Le glauque pour le glauque, le thriller à effets gratuit, l’enquête à rebonds, mouais, ok, mais au final, on raconte quoi ? Tout ça peut être très bien, mais si c’est porté par des personnages qui ont de la chair, et surtout s’ils ont une trajectoire forte, un combat intérieur. Là, oui, ça m’intéresse. Il faut que ce combat peut permette de réfléchir à une thématique humaine, psychologique, sociétale. Mais c’est très personnel.
Roman détonnant, Mauvaise graine de Nicolas Jaillet est l’une des belles surprises de cette année. Quand on lui a posé la question, il nous a parlé d’honnêteté...
Très difficile. Je lis surtout des romans noirs, plutôt que des romans d’investigation à la Agatha Christie. Ce que j’y cherche, c’est une certaine honnêteté. La volonté de dire les choses telles qu’elles sont. De rendre la complexité de la question du bien et du mal. Cette complexité, je la trouve dans tous les romans de Jim Thompson, de Robin Cook, de Dostoïevski, de Hammett, de Japrisot, de Manchette... la liste est longue, heureusement.