- Auteur : Guillaume Audru
Avec "Nous sommes bien pires que ça", Guillaume Audru nous offre un personnage marquant et trouble, Simon Fleurus, qui après la première guerre mondiale est muté en Algérie française, dans un bagne de l’armée, en plein désert du Sahara... Bienvenu dans un pan peu reluisant de notre histoire nationale...
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman en 1918 ?
Guillaume Audru : Ce roman, mon quatrième, est né à l’occasion d’une visite à la médiathèque de ma ville de résidence. Il y a déjà cinq ans. La tranche rouge, le titre, tout concourait à éveiller ma curiosité. Ce livre, c’est Biribi de Dominique Kalifa, brillant historien décédé l’an dernier. Par la suite, je me suis procuré le bouquin afin d’y mettre mes propres annotations.
Bepolar : Qu’est-ce qui vous intéressait dans cette période de la fin de la Guerre, et notamment dans un bagne de l’Algérie française ?
Guillaume Audru : Au-delà de l’aspect purement historique, on ne va pas refaire les batailles de la Marne, de Verdun ou de la Somme. Ce qui m’intéressait, c’est la façon dont étaient façonnés les rapports de domination entre condamnés et gardiens, mais aussi entre détenus. Ceux qui avaient une certaine autorité naturelle, mais aussi physique, souffraient un peu moins. Il y avait aussi la manière dont l’armée, donc l’état, justifiait la mise en place de cette structure, notamment en termes d’éducation, de rédemption.
Bepolar : Le capitaine Simon Fleurus est un personnage plutôt ambigu. S’il a été un bon soldat, il a aussi participé aux tribunaux des mutins au Chemin des Dames. Comment pourriez-vous nous le présenter ?
Guillaume Audru : C’est un personnage qui peine à se faire sa place au sein des gradés de l’armée. C’est pour ça qu’il s’est couvert de gloire sur les champs de bataille cités précédemment. Il a eu toujours l’impression de devoir justifier son grade. C’est aussi pour ça qu’il a participé aux tribunaux de guerre, toujours en espérant se faire mieux accepter. Mais, progressivement, ce désir de reconnaissance va s’effriter.
Bepolar : Le bagne est un univers assez terrible. On est choqué du manque d’humanité de ceux qui le dirige. Vous vouliez faire aussi un roman sur le pouvoir et la manière dont on peut rapidement en abuser ?
Guillaume Audru : On pourrait croire que ce sont des mœurs d’un autre temps. Or, ces bagnes extrêmement répressifs, dénués de la moindre once d’humanité, ont existé du milieu du dix-neuvième siècle jusqu’au tout début des années soixante-dix. C’est dire l’étendue du système. C’est surtout un roman sur la mainmise de l’homme par l’homme, dans ce que l’être humain peut produire de plus abject.
Bepolar : Quelle a été la place de la documentation pour préparer ce livre ?
Guillaume Audru : Le travail documentaire a été la phase la plus compliquée. L’armée n’a aucun intérêt à ressortir ses dossiers rances. Alors, il faut savoir dépasser les livres de Georges Darien, les articles d’Albert Londres et de Jacques Dhur et prendre des chemins de traverse.
Bepolar : Dans vos précédents livres, vous nous avez amené dans le Massif central et sur une île au large de l’Ecosse. Comment choisissez-vous le cadre de vos histoires ? Est-ce que les lieux sont déterminants pour la conception du récit ?
Guillaume Audru : Pour mes romans dits "écossais", c’est presque le cadre qui a nourri l’histoire. En revanche, pour mon second opus qui se déroule entre Corrèze, Lozère et Puy-de-Dôme, le cadre était imposé à cause des faits qui s’y déroulent. Pour Nous sommes bien pires que ça, c’était le Sahara ou rien. C’est une question de crédibilité et j’aime prendre plaisir à me documenter sur les lieux de mes romans.
Bepolar : Quels sont vos projets désormais ? Sur quoi travaillez-vous ?
Guillaume Audru : Je peaufine tranquillement un nouveau roman, pour une sortie logiquement prévue fin 2022, début 2023. Je ne vais pas en dire trop pour l’instant. Je peux juste avouer que ce sera encore du noir.