Bepolar : Avec Le Dernier bistrot, vous nous emmenez un 24 décembre dans un café, alors qu’il y a un meurtre et que plusieurs clients vont arriver. Comment est née l’idée de ce roman ?
Anna V. El Baze :L’idée de ce roman est née il y a fort longtemps, au lendemain de l’attentat du Bataclan, le 14 novembre 2015 très exactement. Plusieurs terroristes restaient introuvables et un journaliste avait interrogé une femme sur le quai d’un métro. Elle disait que tout était soudain différent, mais que cela n’avait rien à voir avec un sentiment de peur. La veille, elle prenait le métro sans se soucier des autres, et aujourd’hui elle allait le prendre à leurs côtés, avec eux. Une forme de solidarité invisible venait de naître de cette indicible horreur.
Bepolar : Le Bar de l’Avenir n’est pas très clinquant. C’est un petit bar de quartier. Vous le vouliez le plus typique possible, le plus proche aussi des gens, sans touristes ? Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’archétype du bar ?
Anna V. El Baze :Ce qui m’intéresse dans l’archétype du bar de quartier c’est qu’il réunit tous types de clients. De l’ouvrier au chef d’entreprise, ils vont prendre un verre côte à côte. Et puis c’est le lieu de tous les hasards, un rendez-vous de vie où pourtant les solitudes s’entrechoquent.
Bepolar : On va découvrir six personnages, six destins, six solitudes aussi… Rokia la caissière, Christophe le concessionnaire, Marilyne la Call girl... Comment vous avez construit ce roman choral ? Et comment avez-vous construit ces six destins ?
Anna V. El Baze :Ces six destins se sont peu à peu imposés, au fil des dialogues, des interactions et des réactions. Je me suis largement inspirée de personnes existants dans la vraie vie, allant parfois jusqu’à interroger des inconnus sur leur parcours, leurs espoirs, leurs détresses aussi. Chaque vie, chaque personnalité est unique et recèle d’insoupçonnables aventures personnelles pour qui s’y intéresse.
Bepolar : Chacun a son histoire. Quel lien avez-vous avec vos personnages ?
Anna V. El Baze :J’entretiens avec chacun de ces personnages un lien de respect et de tendresse, même avec les plus « défaillants » d’entre eux ! J’ai grandi dans un bar-restaurant et j’ai donc eu le loisir de m’imprégner de l’ambiance si particulière d’un bistrot, d’observer les inconnus qui s’y retrouvent sans se parler. Quant au patron du Bar de l’Avenir, et à son histoire de famille, je me suis largement inspirée de celle de mon père ; il fut l’un des résistants français juifs au régime de Vichy qui permirent le débarquement à Alger des troupes alliées le 8 novembre 1942 (l’opération Torch). Il est aussi de ces héros oubliés et déracinés en 1962, dont les vies s’en sont forcément trouvées bouleversées.
Bepolar : Ce n’est pas simple l’histoire de leurs six parcours, il y a de la tension lié à l’arme que le patron a sortie et au meurtre d’une jeune femme. Qu’est-ce que vous aviez envie de faire ? Nous happer par le suspens et le destin de chacun ?
Anna V. El Baze :En démarrant l’histoire avec le meurtre de cette jeune femme, je voulais amener le lecteur hors du bistrot avant de l’y boucler à double tour ! Je souhaitais brouiller les pistes sur ma véritable intention ! Ajouter un mystère supplémentaire aux raisons de la présence de ces femmes et de ces hommes dans ce vieux bar un soir de Noël.
Bepolar : Qu’est-ce que vous aimeriez que les lectrices et lecteurs gardent en eux une fois la dernière page tournée ?
Anna V. El Baze :Une fois la dernière page tournée, j’aimerais que les lecteurs soient envahis par une forte vague d’émotion aussi inattendue que l’est la fin de cette histoire. Et puis, qu’au-delà de l’intrigue et du suspens, qu’ils soient convaincus que rien n’est plus puissant que l’Homme, pour peu qu’il parvienne à s’ouvrir aux autres. Accepter de « tendre la main », même à des inconnus auxquels rien ne semble nous lier, c’est aussi se retrouver. Ce roman noir, porte un message de lumière et de foi en l’humain. L’amour de l’autre est la plus noble des armes et notre monde doit, aujourd’hui plus que jamais, ne pas l’oublier.
Bepolar : Quels sont vos projets, sur quoi travaillez-vous ?
Anna V. El Baze :Il est trop tôt pour parler de mon prochain roman qui n’est qu’à l’état de réflexion. Par ailleurs, je viens d’achever la co-écriture d’un scénario, une comédie romantique, actuellement entre les mains de producteurs…
Bepolar : Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Anna V. El Baze :C’est bien sur l’intrigue, mais tout autant ses personnages, l’attachement qu’ils suscitent, les émotions qu’ils procurent. Au-delà de l’histoire, de ces rebondissements, j’aime les anti héros et les « monstres » attachants donc dérangeants. Un bon polar doit être émaillé de petits et grands moments de suspens. Pas de temps mort ! Enfin, il doit être plus vrai que la réalité, surprendre et toujours amener le lecteur là où il ne s’y attend pas.
