- Réalisateur : Alain Jessua
- Acteurs : Alain Delon, Jean Yanne, Michel Duchaussoy, Renato Salvatori
- Genre : Policier / Thriller
- Nationalité : Français, Italien, Belge
- Date de sortie : 16 mars 1977
- Durée : 1h36mn
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Résumé :
Louis Carrier, un artisan, sombre dans la mégalomanie. Avec l’aide d’un simple d’esprit, Einstein, il projette de faire exploser une bombe lors d’une émission télévisée. L’inspecteur Vivien fait appel à un psychanalyste pour traquer Carrier.
D’Alain Jessua on garde l’image d’un metteur en scène original, frayant avec une forme de cinéma dystopique, dont la dimension parfois visionnaire suscite un sentiment de malaise chez le spectateur. Après avoir collaboré une première fois avec Alain Delon dans le mémorable Traitement de choc, Jessua retrouve l’acteur, alors en pleine gloire qui, parallèlement à des films conçus pour le grand public, n’hésite pas à valider des projets artistiques plus risqués : Armaguedon fait partie de ces incursions intéressantes du comédien, dans le rôle d’un médecin psychanalyste confronté à un forcené.
Ce dernier est interprété par Jean Yanne qui donne une épaisseur plutôt saisissante à ce personnage, démontre, à la suite de ses rôles dans les films de Claude Chabrol ou de Maurice Pialat, qu’il est un acteur dramatique de tout premier plan, capable de condenser la tortuosité de son rôle dans la matérialité d’un corps imprévisible, tantôt hystérique, tantôt hiératique. L’histoire de ce citoyen lambda glissant vers la folie mégalomaniaque croise l’avènement d’une société médiatique et des outils technologiques qui catalyse la menace, comme si Louis Carrier, devenu Armaguedon, se nourrissait des possibilités offertes par la modernité où finalement toutes les incarnations du pouvoir n’ont jamais paru aussi accessibles, où s’approcher d’un ministre du gouvernement et d’une rock star comme Mick Jagger nourrit le sentiment d’une puissance absolue.
Cette impression d’invincibilité se prolonge dans des intentions totalement autotéliques, qui conduisent à l’escalade : plus Louis Carrier exprime son désarroi, plus il s’enfonce dans la folie meurtrière, jusqu’au final haletant, où un public est pris en otage dans un théâtre, alors que le criminel a symboliquement pris le contrôle des écrans de télévision, devenant pour quelques minutes un citoyen important.
La critique en filigrane des médias télescope la solitude d’un individu dans une société peu fraternelle, où l’on est volontiers prêt à se moquer. Jessua signe un film imparfait, mais dérangeant, qui n’a rien perdu de son actualité : le sentiment de n’être personne et la folie criminelle n’oublient jamais que dans une société médiatique un seul acte spectaculaire suffit à s’imprimer dans la mémoire. Si la mise en scène est parfois outrée, elle maintient notre attention, même si l’on déçu par la prestation d’Alain Delon, qui n’arrive pas à investir son rôle, demeure dans une distance trop décalée, comme si l’acteur avait confondu Jessua avec Melville.