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Alain Jessua, le franc-tireur du cinéma français

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Alain Jessura n’a réalisé que dix films. Et pourtant, il aura construit une œuvre forte et cohérente qui, frayant volontiers avec l’anticipation et le fantastique, aborde des thématiques plus que jamais contemporaines.

"Ce qui marque mes films, c’est la marge et la solitude", résume le cinéaste Alain Jessua, après un rire malicieux et une définition très modeste de son art, qu’il juge éphémère. Le documentaire de Jérôme Wybon, consacré au metteur en scène disparu en 2017, paraît trop court par rapport aux anecdotes que raconte ce créateur original, dont les longs métrages valent à coup sûr d’être réévalués. Jessua s’avère un interlocuteur à la fois accorte et pertinent, qui revient sur son parcours de cinéphile, puis d’assistant-réalisateur, livrant des commentaires passionnants sur deux de ses maîtres, Jacques Becker et Max Ophüls, jugeant aussi, avec une lucidité louable, le milieu du cinéma de l’époque comme un monde très hiérarchisé, quasiment "militaire", selon ses propres mots.

Nanti d’une formation d’autodidacte, bien loin de l’IDHEC, l’auteur de Traitement de Choc s’immerge dans sa passion pour le septième art qui transpire à travers chacun de ses mots, tout comme son amour des comédiens. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Jessua aura fait tourner les artistes les plus talentueux de leur génération, de Charles Denner à Patrick Dewaere, en passant par Alain Delon, Annie Girardot, Gérard Depardieu ou Michel Duchaussoy, à qui le réalisateur a offert son premier grand rôle dans Jeu de massacre, en 1967.

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La filmographie de l’artiste est évoquée dans l’ordre chronologique, mais on aurait aimé plus de détails sur l’intention de chaque long métrage, pour éclairer une réputation à la fois justifiée et piégeuse de "franc-tireur". Faute d’une analyse approfondie qui aurait excédé le court format de 52 minutes, on a le droit à un digest qui sort de l’ombre ce cinéaste injustement oublié, lequel nous rappelle que son réflexe est avant tout de raconter des histoires.

Sa bifurcation vers la littérature est d’ailleurs abordée, mais de manière si allusive qu’on en ressort plutôt frustré. On attend maintenant un hommage en images plus consistant. Les films de Jessua le valent bien.

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