- Réalisateur : Andrew Davis
- Acteurs : Steven Seagal, Pam Grier, Henry Silva, Sharon Stone, Daniel Faraldo
- Auteur : Nicole Gonthier
- Nationalité : Américaine
- Editeur : Les Passionnés de Bouquins
Les secrets d’Un Crime tissé de soie.
BePolar : Un Crime tissé de soie, votre dernier roman, vient de paraître aux éditions Les Passionnés de Bouquins. On y suit une nouvelle enquête menée par Arthaud de Varey, prévôt de la ville de Lyon.
Quelle a été l’idée à l’origine de cette série ? Qu’aviez-vous envie de faire ? De dire ?
Nicole Gonthier : Lorsque j’ai commencé à mettre en scène ce prévôt de police de l’archevêque de Lyon, dans le premier roman que j’ai écrit en 2012, le Crime de la rue de l’Aumône, j’étais loin de me douter que d’autres aventures suivraient, au rythme d’une par an. (Un Crime tissé de soie est le 7ème de la série.)
Je n’avais en tête que de tenter une nouvelle expérience, celle de l’écriture d’un roman. Le sujet choisi était lié à ce qui me préoccupait alors, puisque le roman fait suite à un colloque sur la trahison où l’épisode de la coalition des princes du sang contre Louis XI, en 1465, était le centre de ma communication.
Dans ce premier roman, le prévôt était encore pour moi un personnage un peu lointain, « messire de Varey », dont les traits de caractère étaient encore peu fouillés, les actions et les sentiments surtout orientés vers l’accomplissement de sa mission d’ordre et de police. Il n’avait guère plus d’importance que les autres personnages, Pierre, Guillaume, ou Jacquemette.
Ce premier roman naissait sous le clavier de mon ordinateur à un moment où j’allais quitter l’activité de professeur d’université pour la retraite, donc à une période de mutation. C’était une gageure que je me lançais : es-tu capable de faire autre chose que des cours, des articles, des livres scientifiques ? Es-tu capable de transmettre tes connaissances et ton enthousiasme pour cette période historique du Moyen Age qui a été ton terrain de recherche pendant quelque 30 ans, autrement ?
J’ai commencé avec la naïveté des débutants, et quand je suis arrivée à boucler cette première histoire, j’ai eu envie de continuer… d’autant que j’avais trouvé un éditeur (Pygmalion) et que celui-ci me faisait confiance pour développer et améliorer encore ce type de fiction. Ce qui m’a poussée aussi à persévérer, ce sont les critiques positives des lecteurs rencontrés dans les dédicaces ou les salons, ce sont les encouragements de mes amis qui se sont faits supporters de mon héros et donc de son auteur.
BePolar : Après Peine capitale, paru l’année dernière, on retrouve Arthaud de Varey aux prises avec un meurtre mystérieux, un contexte politique complexe et des personnes à ménager. Pouvez-vous nous parler un peu de cette nouvelle enquête ?
Nicole Gonthier : Pour chacun de mes romans, je pars d’un évènement ou d’une situation politique ou économique ou sociale qui ait une importance particulière pour la ville de Lyon ET pour le royaume de France.
Dans Un Crime tissé de soie, j’aborde un épisode peu connu des Lyonnais mais très révélateur du génie du roi Louis XI et de son talent visionnaire : il s’agit de l’essai d’implantation de l’industrie de la soie à Lyon entre 1467 et 1470. Le roi a voulu réduire l’hémorragie des monnaies d’or et d’argent provoquée par l’achat des tissus de soie aux marchands italiens (Génois, Florentins, Lucquois, Vénitiens, Milanais) lors des foires de Lyon (4 foires par ans, tous les 3 mois). Il fait venir des ouvriers italiens pour former des artisans lyonnais, il fait acheter aux frais des Lyonnais tout le matériel pour cette industrie. Mais la ville est trop attachée à la pérennité des foires et à la présence des riches marchands étrangers pour souscrire à ce plan : elle boycotte donc ce projet et le fait échouer en l’espace de trois ans.
Le roman commence en 1470, lorsque le roi envoie un commissaire pour dresser le bilan de cette entreprise et constater les négligences coupables des Lyonnais. Ceux-ci s’attendent à des peines exemplaires et l’atmosphère du roman est donc celui de la crainte de la colère du roi, de la perspective d’une confiscation des foires.
Le milieu social que j’ai voulu illustrer est celui des courtiers de foires qui sont les intermédiaires entre les marchands de nationalités différentes pour le traitement des affaires, un milieu interlope et réputé pour ses fraudes. Je traite aussi de l’impact de la rumeur (les fake news de l’époque) sur les « commotions populaires », la xénophobie latente, la tentation du mercantilisme. Cela sonne comme un écho à des problèmes contemporains mais reste un témoignage de la mentalité médiévale.
Le quartier illustré dans ce roman est celui d’Ainay, ou plus exactement le monastère et son importance seigneuriale dans la ville.
Les évènements relatés en lien avec cette intrigue : le problème des digues sur le Rhône, le long d’Ainay, les malversations probables du lieutenant du bailli Jehan Grant, la venue du commissaire Macé Picot, les débats consulaires embarrassés, les menaces de partage des foires avec la Savoie, les conséquences de l’épisode de Péronne, les intrigues du comte Philippe de Bresse sont directement tirés des archives lyonnaises.
BePolar : Arthaud de Varey est un personnage très attachant et qui a réellement existé. Comment vous y êtes-vous pris pour lui donner vie ? Avez-vous du faire des choix entre fiction et historicité ?
Nicole Gonthier : Plus j’écris ses enquêtes, plus ce personnage mentionné à quelques reprises dans les archives en qualité de prévôt de l’archevêque prend de l’épaisseur. Attachant, il le devient davantage parce que je lui prête des réflexions, des sentiments, une morale, des enthousiasmes, des peines et des joies, des défauts aussi, même s’il reste un « type bien », un héros positif.
Je l’ai librement imaginé, faisant le choix d’un héros sympathique. Je dois avouer que deux mentions des archives font allusion à une volonté d’Arthaud de Varey d’échapper à la taille (mais cela je ne le mentionnerai jamais dans un roman, cela ne concernera pas mon Arthaud de Varey !). Pour tout autre chose, le personnage représente bien les fonctions et les actions dévolues à un prévôt de police de l’archevêque de Lyon à l’époque. Telle est la répartition entre fiction et histoire.
BePolar : En 2017, lors d’une rencontre à la librairie La Virevolte, vous indiquiez que vous aviez accès aux archives judiciaires de Dijon. Est-ce que vous vous basez sur de vraies affaires criminelles ou est-ce juste une source de documentation et d’inspiration ?
Nicole Gonthier : Les documents judiciaires – qu’ils soient dijonnais ou lyonnais – me donnent des exemples des types de criminalité (quelles armes, quelles méthodes pour tuer, quels types de victimes, quels mobiles ?) et les liasses des procès livrent les témoignages ou les dépositions ou les aveux tels qu’ils ont été prononcés : j’y puise le ton des dialogues entre le prévôt et les prévenus, la réalité des interrogatoires et des mises à la question ; j’y trouve aussi les conceptions morales et religieuses qui sous-tendent les comportements et les discours.
Mes romans ne sont pas le récit de crime ayant réellement été perpétrés, mais ils décrivent une criminalité correspondant à la société de l’époque et aux tensions qui la déchire.
De plus, les documents judiciaires donnent une exacte vision des moyens d’investigation de la police, des méthodes de répression de la justice. Là, je dispose de tout l’acquis de mes recherches (deux thèses sur la marginalité puis sur la criminalité, la justice et la société de la fin du Moyen Age).
BePolar : Écrire un polar historique doit demander beaucoup de travail de recherche. Comment procédez-vous ?
Nicole Gonthier : J’ai passé trente années à me documenter sur les sociétés, les mœurs, la sensibilité du Moyen Age, je peux me dispenser de longues recherches initiales. Mais bien sûr je me documente sur les aspects techniques, lorsque j’aborde des descriptions matérielles comme le travail de la teinture des soies, comme les qualités de ces tissus (histoire des diaprés aux oiseaux par ex.), comme le rouissage du chanvre, etc. Les lectures complémentaires sont essentielles pour compléter les connaissances, enrichir l’information donnée. Quelques personnages historiques qui apparaissent dans le roman doivent aussi bénéficier de la lecture de leur biographie quand elle a été faite.
BePolar : Lorsque vous écrivez un nouveau livre, votre but, c’est de divertir le lecteur, le faire frissonner, ou le pousser à la réflexion ?
Nicole Gonthier : Les trois ! Lorsque vous écrivez un roman, vous visez bien sûr tout d’abord à ne pas être lassant, ennuyeux pour le lecteur. Le but est toujours celui de Shahrazade : raconter une histoire si passionnante, si prenante, que le lecteur ne refermera pas le livre avant d’en connaître la fin ou – si le temps lui manque pour le dévorer d’un trait – qu’il aura hâte et plaisir de reprendre la suite. Là intervient l’inventivité dont vous pouvez faire preuve mais aussi le séquençage des épisodes, leur cadence aussi. Une bonne histoire, avec une mise en scène dynamique.
Mais, à la façon de Pascal blâmant le divertissement, il ne s’agit pas de divertir son lecteur pour le déposséder de son intelligence, pour satisfaire ses goûts les plus médiocres, ou pour le plonger dans une habitude confortable. Il s’agit de l’émouvoir en le faisant vibrer avec les héros, frissonner en effet en ménageant les effets de suspens, il s’agit aussi de l’éveiller à des questions relatives à l’Histoire.
Là intervient le style avec lequel vous pouvez instiller les informations, suggérer les sentiments, peindre les décors. Il faut instruire le lecteur sans douleur, sans qu’il se rende compte qu’il entre non seulement dans un univers romanesque mais dans l’intimité de l’Histoire.
BePolar : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Nicole Gonthier : Je commence la prochaine enquête, qui se situera au moment où les menaces de la Savoie pèsent sur le bourg Saint-Vincent, entre 1472 et 1474. La guerre est aux portes de Lyon. La problématique concernera la contradiction entre les intérêts internationaux de Lyon ville de foires et ceux du royaume de France, en lutte contre la Bourgogne et son allié savoyard, qui prétend se servir de la ville pour soutenir la guerre, stratégiquement et financièrement.
En même temps, je prépare plusieurs conférences à donner dans le premier trimestre de 2019.
BePolar : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Nicole Gonthier : Je serai en conférence à Vienne, librairie Passerelles, le 13 décembre à 19 h pour présenter les thèmes de mes romans et mes méthodes d’écriture, sous le titre : Un roman à rebours.
Je serai en dédicace à la librairie Mise en page, avenue des frères Lumières, Lyon 3e, le 15 décembre de 15 h à 18 h.
En janvier, j’interviens trois vendredis de suite auprès d’une classe d’histoire de seconde au lycée Germaine Tillion à Sain Bel sur les rapports de l’Histoire et du roman historique, sur l’utilisation des sources, les formes d’écriture, etc.
Je serai en dédicace le 2 février, à Villefranche, à la librairie des Marais.
Le 7 février, je présenterai mon nouveau roman à la société de lecture Sélyre à Lyon.
Le 8 février, je donnerai une conférence sur la vie à Lyon sous Louis XI à Saint-Genis les Ollières à 20 h.
Le 5 mars, je donnerai une conférence sur Les médecins dans la société lyonnaise à la fin du Moyen Age pour la Société d’histoire de la médecine à l’université Claude Bernard, salle des conférences, à 18 h (entrée libre).
D’autres dédicaces auront lieu dans certaines librairies de Lyon (La Virevolte ?), de Craponne et du Bois d’Oingt, entre janvier et mars, mais elles ne sont pas encore fixées.
BePolar : Et une dernière question... Si vous pouviez rencontrer Arthaud, qu’aimeriez-vous lui demander ?
Nicole Gonthier : J’avais vaguement imaginé un scénario de nouvelle sur ce sujet… Arthaud frappant à ma porte pour me demander des comptes de ce que j’ai dit ou de ce que je n’ai pas dit sur lui et sur le Lyon de son époque !
En fait il finit par être présent assez quotidiennement dans ma vie, soit parce que je pense à la prochaine scène à écrire, soit parce que je me reproche de traîner sur la réalisation d’un chapitre… Il me fait la tête parfois, quand l’inspiration ne vient pas !
J’espère que là où il est, il n’est pas mécontent d’être un peu ressuscité par mes histoires et que les Lyonnais d’aujourd’hui connaissent son nom et ses responsabilités. Vous savez sans doute qu’il a été honoré du grand prix Sang d’Encre de la ville de Vienne dans Peine capitale, le 17 novembre dernier ?
Et c’est la question que je lui poserais si je le rencontrais : ai-je approché la vérité de son existence ou l’ai-je complètement trahi ? Est-ce qu’il m’en veut ou non de l’avoir tiré de l’oubli ?