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Le Mur, le Kabyle et le marin - Antonin Varenne

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Résumé :

Ce livre a reçu le Prix des Lecteurs Quais du polar - 20 minutes (2012) et le Prix du Meilleur Polar francophone (2011). " Le vieux approchait. Le Mur accéléra pour le croiser à la hauteur du parking souterrain. Tape pas trop fort George, va pas le tuer, l’ancêtre, reste calme. Bendjema s’arrêta et redressa. Qu’est-ce qu’il fout, bordel ? s’inquiéta le boxeur en ralentissant. C’était un sac d’os. Autour des yeux, au-dessus des pommettes hautes, des rhizomes de rides profondes. Les lèvres de l’Arabe tremblèrent : ? Qui vous envoie, monsieur ? Crozat était pétrifié. Une fatigue centenaire embrumait le regard du vieux. ? Vous ne savez pas ? Si vous voulez, je peux vous expliquer. Depuis le tabassage d’Alain Dulac, je savais que je serai le suivant. ? Vous avez une arme dans votre poche ? ? J’ai bien plus que cela, monsieur, j’ai une guerre. " Un voyage âpre dans le temps : 1957-2009. Dans les mois qui précédèrent sa mort, le père s’était décidé à dire son " refus " de partir pour l’Algérie, et la sanction qui s’ensuivit : l’affectation dans un DOP, un de ces lieux destinés à la " recherche du renseignement par la torture ". Le talent d’Antonin Varenne a fait le reste. Un exercice sur le fil de l’émotion et du besoin d’exorciser. Le Mur, le Kabyle et le marin... Un combat contre l’oubli. 2009. Sur un ring, un boxeur observe sans complaisance l’adversaire qu’il va affrontrer, un gamin de vingt ans... Faisant fi du manichéisme, le roman bouleverse par la justesse du plus humble de ses personnages, comme par son intuition des rêves d’une génération saccagée.

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  • universpolars 18 septembre 2024
    Le Mur, le Kabyle et le marin - Antonin Varenne

    Deux hommes, deux époques, deux destins. Deux personnes atteintes au plus profonds de leurs âmes, l’un par la guerre, en tout les cas les deux par la vie.

    Antonin Varenne, par son écriture acérée, brutale et hachée, nous dévoile la destinée de ces deux hommes qui ne l’ont de loin pas choisie. L’une de ces personnes s’avère être son père, Pascal Varenne, qui a eu droit à une de ces destinées et qui a dû vivre avec. La guerre d’Algérie, la Sale guerre.

    Année 2009

    "Le Mur". C’est son surnom. George Crozat, la quarantaine, flic et boxeur, est surnommé le Mur. Il encaisse, encore et encore, quoiqu’il arrive. La boxe est toute sa vie mais voilà, il semble y avoir une fin à tout, Crozat encaisse durement et difficilement, voir plus du tout. La fin est proche, la fin d’une vie de boxeur, une fin de vie tout court ? Il galère, il se tâte, sa déprime nous envahie également ; on le suit sans rien pouvoir faire, et de toute manière ce n’est pas du tout le genre de gars qui demanderait de l’aide. Cela tombe bien, sympathique comme il est, nous n’avons pas vraiment envie de lui en fournir ... George Crozat n’a plus confiance en sa force, ses entraîneurs et nous non plus.

    Ce flic un peu paumé ne se contente pourtant pas de grand chose ; la boxe, combattre, donner, recevoir, encaisser, être sur le ring semble pour lui synonyme d’un bien être vital ; un excellent point de repère dans sa vie, probablement. La boxe donc, mais aussi retrouver de temps en temps Mireille, l’opulente pute africaine aux grosses fesses qui sait si bien l’écouter, qui sait si bien lui faire plaisir. Un peu d’écoute attentive et quelques petits massages, que demander de plus dans la vie ?

    Mais la Mireille il faut bien la payer et ses combats de boxe qui deviennent de plus en plus rares ne lui rapportent plus grand chose, pas plus que son job. Alors George accepte un jour une proposition - indécente ? -, quelques billets de 100 Euros pour aller casser la gueule à des gars, à des inconnus, le soir, après son boulot de flic. Sûrement des types infidèles - quelque chose dans le style - c’est ce que pense Crozat, ou plutôt ce qu’il veut bien se faire croire.

    Son commanditaire n’est pas très clair, George ne sait pas vraiment pour qui il passe des mecs à la moulinette, et surtout pourquoi. Un contrat, deux contrats, et plus possible de revenir en arrière, la machine à cogner est lancée ; notre flic castagneur est allé probablement bien trop loin. Pour des histoires de nanas ou de maris infidèles qui méritent une bonne raclée, non, il n’y croit plus du tout, et nous non plus.

    Et il a raison sur toute la ligne. George Crozat ne s’attaque visiblement pas à ce genre de personnes, il s’en rendra compte à ses dépends. Des remords ? Mais l’histoire est bien plus compliquée qu’elle n’y paraît, l’origine de cette affaire débute peut-être même dans l’Histoire... Il y a des choses bien enfouies qui ne devraient pas ressortir, il y a des évènements vis à vis desquels certains protagonistes ne voudraient en aucun cas qu’ils soient révélés. La honte de ne pas pouvoir assumer sa honte ? Même pas sûr...

    Années 1957 à 1958

    Pascal Verini, la vingtaine, vit à Nanterre, dans le département des Hauts-de-Seine, en France. Ouvrier dans une usine, passionné de lecture, Verini va être appelé malgré lui à partir pour l’Algérie, au sein de cette guerre qu’il ne connaît pas. Il vit en France, l’Algérie est en Afrique, il ne se sent pas vraiment concerné par ce qu’il se passe là-bas. Il ne voulait pas y aller, il ne devait pas y aller, mais Pascal Verini doit tout de même le prendre un peu sur lui ; son départ en Algérie est une punition suite à "une pété de plombs", des actes d’insubordination, désobéissance, voie de faits et abandon d’armes. Le tribunal militaire l’a décidé ainsi.

    Départ en navire depuis Marseille, voyage pas vraiment agréable parmi les tas de vomis et le tangage de l’embarcation ; quelques discussions entre "appelés", ça rigole, ça fait les malins, mais surtout ça rit plutôt jaune. Pascal Verini, paumé, débarque en Algérie, dans l’inconnue, et débute son service dans un CCI (Centre de coordination interarmées), où il se voit subir un lavage de cerveau en bonne et due forme ; diffusions à profusion de projections à répétition, on leur inculque des mensonges, la vérité est totalement biaisée.

    On leur montre des images insoutenables, le message ? Les partisans du FLN (front de libération nationale), parti politique algérien créé en novembre 1954 qui tend à obtenir de la France l’indépendance de l’Algérie, sont des monstres, des tueurs d’enfants, des tortionnaires. Ce qu’ils ne savent pas encore, évidemment, c’est que la France, par son armée, ses barbouzes notamment, est elle-même la Reine des tortionnaires.

    Pascal Verini débarque donc malgré lui, avec nous, dans la Sale guerre, et nous en prenons plein la gueule. Verini est transféré dans un endroit isolé appelé La Ferme ; quelques cahutes, un hangar, des caves... Dans ces caves des algériens ; soit des hommes, des femmes, des jeunes. La torture. Des personnes martyrisées, persécutées, violentées ; et oui, le renseignement est sacré ! A gerber...

    Pascal Verini trouvera la force, aidé par un ou deux appelés, d’éviter les "corvées de bois", comme on dit là-bas. Mais c’est tout de même deux ans qu’il aura à passer, parmi des "confrères" affamés et avides de sang, de souffrance et de mort, dans une ambiance de haine, de merde, de salopards et de tortionnaires. Il observera, il subira sa nouvelle fonction, il ne dira rien ; mais ce qui est sûr, il n’adhérera pas à ça. Deux ans à entendre ces cris, ces hurlements, cette injustice, soit une guerre inéquitable qui repose sur l’hypocrisie ! Voici dans quelle galère nous emmène l’auteur, avec son écriture déchiquetée, franche et dure.

    Les destins de George Crozat, dit le Mur, et Pascal Verini vont évidemment se croiser, malgré eux, pour une dernière mission. Une rédemption ? Une délivrance commune propre à chacun ? Le mot délivrance semble un peu fort, je l’avoue ; il y a des épisodes de la vie qui s’accrocheront méchamment à certains qui, pourtant, n’avaient rien demandé à personne. Le cas de Pascal Verini, dans le roman ; le père de l’auteur, est dur à encaisser.

    Personnellement je n’imaginais pas les choses comme cela. La guerre d’Algérie a visiblement bien des secrets, des mensonges qui devraient être cassés pour ainsi dévoiler la vérité, quelle qu’elle soit. Mais apparemment, les faits que nous suivons aux côtés de Pascal Verini sont tellement abominables, odieux et abjects, que je ne vois pas très bien qui pourrait en assumer les responsabilités ! Ce qui est certain, c’est qu’il doit bien y avoir encore quelques connards sur cette terre qui doivent avoir du mal à dormir tranquille. Et les autres, ils sont certainement en train de se retourner dans leur tombe, dérangés par la honte et le mépris qu’ils ont propagés ! Au nom de qui ?

    Merci Antonin Varenne pour cette histoire au nom de ton père. C’est courageux.

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