Sur fond de sécheresse, de misère et de villages déplacés, c’est une histoire sanglante que conte le Malien Modibo Sounkalo Keita dans L’archer bassari (1984), considéré comme le premier roman policier de la littérature africaine de langue française. Dans une ville du Sahel que l’on chercherait en vain sur une carte du continent, plusieurs figures locales, dont les affaires florissantes ont peut-être des origines douteuses, sont victimes d’un mystérieux archer au geste aussi sur que fatal. Le commissaire local, pourtant entouré d’une bonne équipe, est tout d’abord un peu perdu devant une affaire plutôt opaque impliquant des commerçants locaux et des politiques, mais aussi quelques proxénètes et leurs protégées… Le commissaire Mbaye pourra toutefois compter sur l’aide de Simon Dia, un ami journaliste qui cherche pour sa part à découvrir sur le terrain les dessous de l’aide financière et alimentaire apportée (ou pas) aux victimes d’une sécheresse endémique.

Qui se cache derrière le mystérieux tueur en série ? Que penser du détournement de l’aide alimentaire par ceux dont l’intérêt personnel prime sur la solidarité ? Les forces des esprits peuvent-elles l’emporter sur la rationalité ? Cri d’alarme dans les années 80, toujours malheureusement d’actualité, sur la catastrophe écologique et humaine qui menaçait le Sahel, L’archer bassari mêle habilement intrigue policière, considérations politiques et remarques ethnologiques. Parfois proche de l’essai politique, c’est un très bon roman, mêlant crimes de sang et crimes économiques, qui n’a rien à envier aux auteurs européens. On ne peut que regretter que Modibo Sounkalo Keita n’ait pas poursuivi dans cette voie, privilégiant sa carrière de journaliste.