- Réalisateur : M. Night Shyamalan
- Acteurs : Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge
Après "Old", Shyamalan revient avec un exercice de style résolument plus resserré...
Knock at the cabin : Shyamalan récite-t-il trop ses gammes ?
De : M. Night Shyamalan
Avec : Dave Bautista, Jonathan Groff, Ben Aldridge, Kristen Cui
Genre : thriller, horreur
Pays : Etats-Unis
Année : 2023
Après "Old", Shyamalan revient avec un exercice de style résolument plus resserré, sans jamais en devenir austère. Entre le thriller macabre et la parabole politico-eschatologique, le cinéaste ne choisit pas. En découle une œuvre séduisante mais aussi déroutante.
Une famille en vacances est contrainte par quatre mystérieux inconnus de sacrifier l’un de ses membres pour échapper à une invraisemblable et hypothétique fin du monde…
"Knock at the Cabin" télescope la plupart des obsessions de M. Night Shyamalan : le pouvoir mystérieux de la nature (on pense à "Phénomènes"), l’isolement (le huis-clos, comme souvent), la famille (dont on évalue quelque part la solidité, à l’image de "Signes"), ou encore la question de l’altérité (l’irruption d’autrui, forcément). Le metteur en scène vise cette fois moins la démonstration virtuose qu’un exercice de style plus resserré. Les ingrédients de ce singulier survival s’avèrent donc délibérément restreints : un bois, une maison, une famille en vacances, des assaillants aussi déterminés que curieusement amicaux et ingénus… Une poignée d’éléments qui passent au tamis des crises et transformations contemporaines (le climat, les croyances, les modèles familiaux…). Et compte tenu du résultat, satisfaisant sans pour autant surprendre les habitués de Shyamalan, l’économie de moyens paraît louable.
Par-dessous la thématique du marasme global et pluriel explorée par le réalisateur de "Sixième sens" et "Split", la même sensation saisit de nouveau le spectateur : ce fameux sentiment d’inquiétante étrangeté que l’on peut ressentir parfois, lorsqu’on se trouve seul, en éteignant la lumière. Déterminante, cette peur irrationnelle émerge toujours d’un détail anodin chez Shyamalan, comme ici via le hors-champ accentué par le grand angle – vecteur de resserrement – lorsque Wen attrape des sauterelles dans les fougères. Il y a également le symbole qui préfigure l’infortune : la sauterelle, huitième des dix célèbres châtiments de la Bible (Livre de l’Exode) – que Shyamalan remplace plus tard avec astuce, comme un retour de bâton de la crise environnementale, par des avions. Mais moins littéral que cela, c’est la végétation verdoyante baignée par le soleil qui distille paradoxalement le tourment. L’usage de l’effet « vertigo » dans la profondeur de champ y contribue par exemple en générant une sorte de tournis métaphysique. D’ailleurs, l’on pourrait dire en un sens que cette même végétation sécrète les antagonistes. Même si "Knock at the Cabin" plaide résolument davantage pour le réel que pour le fantastique.
Si le suspense occupe, comme d’habitude chez Shyamalan, une place importante, le cinéaste s’en détourne sciemment à la manière de "Old". On est loin notamment des grands tourbillons étourdissants de "Sixième sens", "Incassable" ou "Signes". Dès le générique, toute l’intrigue de "Knock at the Cabin" – jusqu’à son twist – se dévoile d’ailleurs en filigrane. Mais comme dans les premiers instants de "Seven", les indices s’accumulent trop vite pour qu’ils soient tous interprétables. Si bien que le secret demeure entier ou presque jusqu’au dénouement. Reste que la destination vaut cette fois moins que le voyage, qui repose en creux sur une réflexion méta à la fois sur le cinéma de Shyamalan et sur les incertitudes quant à l’avenir. Eperdument désenchanté, nihiliste et plus porté par le verbe que l’action, "Knock at the Cabin" n’en oublie pas cependant d’exalter allègrement le thriller et le macabre. Toujours aussi millimétrée et réflexive, la mise en scène de Shyamalan virevolte et danse autour des cadavres et questionnements, brouillant perceptions et sens. En serait-ce un peu trop théorique ? Peut-être, quoique l’ensemble continue néanmoins à séduire.
Si l’on a certes connu Shyamalan plus original par le passé – par exemple sur la question de la foi, abordée ici un peu trop frontalement et sans équivoque –, "Knock at the Cabin" possède une grande qualité : sa forme (huis-clos) ramassée autour de la cabane isolée dans la nature. De "Blanche-Neige et les sept nains" (David Hand & co, 1938) aux "Huit Salopards" (Quentin Tarantino, 2016) en passant par "Evil Dead" (Sam Raimi, 1983), "Cabin Fever" (Eli Roth, 2002) ou encore "La Cabane dans les bois" (Drew Goddard, 2012), le motif traverse de part en part le cinéma. Or, ce dispositif permet d’extraire la moelle des protagonistes et des idées du metteur en scène. Claquemurés dans cet espace limité et verrouillé, les personnages échangent, digressent autour de ce qui les différencie et ce qui les rassemble. La métaphore de la maison Amérique tombe bien sûr sous le sens – à la manière d’ailleurs des "Huit Salopards" mais dans une version façon casse-tête. Soulignons toutefois un écueil pour ce "Knock at the Cabin" décidément conceptuel (et sans doute bizarrement trop shyamalanien) : la faiblesse des flashbacks, qui manquent trop souvent de matière.
Tiré de la nouvelle horrifique "The Cabin at the End of the World" (Paul Tremblay, 2018), "Knock at the Cabin" est sorti en salles le 1er février 2023.