Jack l’Eventreur - Le mystère non élucidé.
C’est l’un des meurtriers les plus célèbres et, pourtant, on ne connaît toujours pas son identité. Le mystérieux Jack l’Éventreur, tueur en série qui a sévi à Londres, continue d’obséder quelques historiens, généticiens et généalogistes, convaincus de pouvoir résoudre cette mystérieuse affaire qui défraya la chronique à la fin du XIXe siècle.
Jack l’Éventreur, qui a tué cinq prostituées en 1888 à Londres. dans le quartier de Whitechapel, avait attiré l’attention de nombreux écrivains, mais aussi de détectives qui voulaient résoudre cette affaire. Durant ces multiples enquêtes, le nom d’Aaron Kosminski est ressorti.
Mais, sans preuves suffisantes, l’homme n’a jamais pu être arrêté...
Une nouvelle étude menée par le biochimiste Jari Louhelainen, de l’université John Moores de Liverpool, et son confrère David Miller, expert en reproduction et fertilité masculine à l’université de Leeds, a été publiée mardi 12 mars dans le Journal of Forensic Sciences et prétend confirmer, analyses ADN à l’appui, l’une des principales pistes de la police de l’époque : Aaron Kosminski, un barbier polonais, serait bien Jack l’Eventreur.
Toutefois, ces travaux, qui relancent une théorie déjà publiée en 2014, doivent être pris avec recul.
Le contexte
En 1888, Londres, capitale britannique, est la ville la plus peuplée du monde et la révolution industrielle bat son plein. D’immenses quartiers ont poussé très rapidement pour loger une population grandissante en quête de travail. Et l’est de Londres, dont le quartier misérable de Whitechapel voit s’entasser des dizaines de milliers de personnes.
Dans cette atmosphère déjà difficilement vivable, une série d’assassinats vient ajouter la terreur au dénuement. En trois mois, cinq femmes sont victimes d’assassinats sordides : Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes (également appelée Kate Conway), Mary "Ginger" Kelly.
Les victimes ont toutes une quarantaine d’années, sauf la dernière qui a tout juste 25 ans. Contrairement à ce qui est souvent écrit, il n’y a aucune preuve qu’elles aient eu en commun d’être des prostituées. Mais elles étaient pauvres, certaines étaient sans abri, d’autres mariées et employées (de maison, par exemple).
Sans compter, qu’à ces meurtres commis en 1888 à quelques rues de distance sont parfois ajoutés six autres, sans que personne puisse définitivement les relier aux cinq crimes premiers.
Pendant trois mois, des lettres sont adressées à la presse, signées "Jack" ou "Jack the Ripper". L’un de ces courriers est accompagné d’un morceau de rein humain. "L’autre morceau, je l’ai frit et mangé, c’était très bon", écrit l’auteur.
La pression médiatique et populaire sur Scotland Yard est infernale, l’enquête difficile. Car les indices sont quasi inexistants. Un témoin pense avoir aperçu une silhouette en chapeau et long manteau. Et un message accusant des juifs est inscrit à la craie sur un mur du quartier de Whitechapel... Pour éviter des violences contre la communauté juive, la police efface l’inscription.
Toutefois, les crimes ne seront jamais élucidés. Sont-ils le fait d’un seul serial killer ? Ou bien de plusieurs tueurs qui se seraient copiés entre eux ?
A l’époque, la police identifie sept suspects, mais ne trouve aucun coupable...
Et maintenant ?
Le biochimiste Jari Louhelainen et son confrère David Miller, expert en reproduction et fertilité masculine, estiment que d’après leurs tests sur ces taches, "les séquences ADN complétées correspondent à la victime et au suspect".
Ils affirment avoir mené "l’analyse ADN la plus systématique et la plus avancée à ce jour concernant les meurtres de Jack l’Eventreur".
Ainsi, leur étude conclut que "toutes les données collectées soutiennent l’hypothèse selon laquelle le châle porte le matériel biologique de Catherine Eddowes et que les séquences d’ADN mitochondrial obtenues à partir des taches de sperme correspondent aux séquences de l’un des principaux suspects de la police de l’époque, Aaron Kosminski".
Aaron Kosminski est-il notre tueur ?
Peut-être ou peut-être pas !
En effet, même en admettant que les chercheurs aient bien détecté le sperme d’Aaron Kosminski sur un châle ayant appartenu à Catherine Eddowes, cela ne prouve pas le meurtre. Tout au plus une relation sexuelle entre ces deux personnes. Une relation qu’on ne peut pas prouver, ni exclure, les deux ayant fréquenté Whitechapel et la victime s’étant occasionnellement prostituée...
De plus, il semblerait que le châle soit d’origine incertaine, ce qui laisse la place au doute quant à la culpabilité de Kosminski. Car depuis 130 ans, il est passé de mains en mains, gardant peut-être au passage le matériel biologique d’un grand nombre de personnes, brouillant les pistes un peu plus.
Coté scientifique, c’est aussi compliqué.
Les deux chercheurs ont utilisé de l’ADN mitochondrial pour lier les taches au suspect. Mais cet ADN mitochondrial n’est transmis que par la mère. Il est impossible qu’un suspect masculin l’ait transmis à des descendants, comme l’explique encore Turi King (connue pour avoir identifié Richard III grâce à son ADN) sur Twitter.
Dans le meilleur des cas, l’ADN mitochondrial peut relier ces descendants à la mère du suspect, pas à lui directement.
A noter qu’en criminologie, l’ADN mitochondrial n’est fiable que pour exclure un lien entre deux personnes. Car des séquences identiques peuvent être portées par un très grand nombre de personnes. Conséquence : si un suspect ne porte pas de séquence commune avec un échantillon de référence (une trace de sperme sur un châle, par exemple), on peut l’écarter totalement. Mais s’il y a des points communs, cela ne peut pas suffire à l’incriminer (contrairement à l’ADN nucléaire, propre à chacun).
Enfin, il semblerait que les auteurs ne donnent que trop peu d’éléments précis quant à leur méthodologie.
Mais alors, saura-t-on un jour qui était Jack l’Éventreur ?
Pour Adam Rutherford, c’est non : "Il y a une industrie colossale autour des meurtres de cinq femmes par un homme connu sous le nom de Jack l’Eventreur. La question de son identité, j’en suis sûr, ne sera jamais réglée".
Pour lui, ces publications constituent de "la science désastreuse et de l’histoire désastreuse" fondées sur "une vision fantasmée des meurtres brutaux de cinq femmes. Et nous devrions tous essayer d’être meilleurs que cela."
Nonsense like this paper and a gullible media does nothing but foment scientific and historical illiteracy built upon the grotesque romanticisation of the brutal murders of five women. And we should all try harder to be better than this.
14/14— Dr Adam Rutherford (@AdamRutherford) 18 mars 2019