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Gilles Vidal nous présente son nouveau polar, La Boussole d’Einstein

Bepolar : Parle-nous de La Boussole d’Einstein, comment est née l’idée de ce roman ?  
Gilles Vidal : Je n’ai pas de plan prédéfini quand je commence un roman : juste des scènes qui se mettent en place et des personnages qui s’imposent au fil de l’écriture. Disons qu’au tiers, la structure est bâtie et qu’au trois quarts tout est là qui s’impose. Quant à la cerise sur le gâteau, c’est la trouvaille qui devient évidente et qui donne le titre au livre, à savoir La Boussole d’Einstein (alors que je n’en avais aucun de « stable » au départ).

Bepolar : C’est un roman dans lequel le héros, Félix Meyer, va plonger dans son passé. On va le découvrir peu à peu à travers ses souvenirs. Comment as-tu travaillé, comment as-tu composé ton roman ?
Gilles Vidal : Même s’il est paraît-il préférable de laisser de côté le passé et de se concentrer sur le présent et l’avenir, nous sommes tous habités par une certaine nostalgie de ce que nous fûmes avec de bons souvenirs mais aussi des événements difficiles, parfois durs qui, en fin de compte, ont forgé ce que nous sommes devenus. Il en est de même pour Meyer qui n’a pas particulièrement été gâté par la vie avec des épreuves que l’on ne souhaite à personne. Dans les souvenirs de Meyer il y a aussi les miens pour une bonne part, mais travestis bien sûr, minorés ou sublimés selon ce qu’ils pouvaient apporter au personnage, à l’histoire. Ce qu’est véritablement Meyer se constitue en effet peu à peu, au fil du roman, à l’aide de ce que l’on peut considérer comme les pièces d’un puzzle.

Bepolar : Ton personnage principal porte en lui une part de violence. Tu voulais un héros un peu écorché ?  
Gilles Vidal : Oui, une violence sourde, difficile à maîtriser quand elle gagne la partie, qui vient de son enfance bien sûr et des épreuves qu’il a traversées. C’est quelqu’un qui ne sait pas aimer car il n’en a jamais eu l’occasion, la vie ne lui a jamais tendu la main. D’ailleurs, certains ont su l’appréhender et s’en sont servis pour faire de lui ce que je ne dirai pas ici mais que l’on devine au cours de la lecture du roman. Mais rien n’est jamais perdu dans la vie, nous avons tous droit à un joker : on le voit avec ce qui se passe à la fin du livre et que je ne dévoilerai pas.

Bepolar : Tes romans sont souvent marqués par une proximité avec tes personnages. Ils sont très humains, très sensibles, on est proches d’eux. Comment travailles-tu tes personnages justement ? 
Gilles Vidal : En dehors du personnage principal, primordial, avec lequel je fais corps, il y a les autres, les « seconds rôles », mais ils sont pour moi aussi importants que le premier. Ce sont pour beaucoup des gens que j’ai croisés dans ma vie ou que je croise aujourd’hui, que j’ai observés, aimés ou détestés et à qui je donne une deuxième vie en quelque sorte. Et puis il y a ceux inventés de toutes pièces qu’il faut « animer » si je puis dire, faire en sorte qu’ils existent pour de bon – qu’ils amusent ou rendent triste.

Bepolar : Ce n’est pas ton premier roman, loin de là, ni ton premier polar. Comment te sens-tu évoluer en tant qu’écrivain ?  
Gilles Vidal : Je pense que je vais revenir progressivement à ce que je faisais avant de me mettre au polar, à mes premières amours : au roman tout court. Peut-être suis-je lassé de ces trames à suspense qui reviennent finalement chaque fois sur scène ? D’ailleurs, bien qu’il soit tout de même noir par quelques côtés, mon prochain roman qui sortira l’année prochaine chez le même éditeur est de cette veine.

Bepolar : Passons à la collection Textures. Comment est née l’idée de cette collection ? Et en tant que directeur de cette collection, qu’as-tu envie de faire ?  
Gilles Vidal : J’ai été comme tu le sais éditeur dans les années 80 et 90 (L’Incertain), puis j’ai dirigé diverses collections, littéraires et policières (au Castor Astral, chez Fleuve noir…). Ça faisait un bon moment que l’idée me trottait dans la tête de repiquer au jeu. Et puis, au cours d’une discussion avec Fabienne Germain, l’éditrice de Zinédi, mon idée est revenue sur le tapis et elle l’a repris de volée ! Comme nous sommes sur la même longueur d’onde, les choses se sont accélérées. Textures est une collection qui accueillera des ouvrages relativement courts (cent mille signes en moyenne) d’auteurs ayant en quelque sorte carte blanche. Carte blanche d’accord, mais avec un souci très très littéraire – même si tous les genres y seront représentés. J’aimerais que les auteurs qui y seront sortent du bois, dévoilent leurs faces cachées, les choses d’eux les plus intimes, les choses qu’ils n’ont pas encore osé mettre au jour dans leur œuvre.

Bepolar : Peux-tu nous présenter les deux premiers titres qui sortent en septembre, de Didier Goupil et Fawaz Hussain ?
Gilles Vidal : Didier Goupil est un auteur, et ami, que je connais depuis près de 25 ans et dont j’apprécie l’écriture, toute en sensibilité, élégance, finesse et érudition, une écriture qui se différencie de toutes les autres dans le sens qu’elle reflète un univers propre. Il n’y a qu’à lire ses derniers ouvrages (Journal d’un caméléon, Les Tiroirs de Visconti, Traverser la Seine…). Brûler le Louvre est de la même veine, où il est question cette fois de peinture et des affres de la création (y défilent Monet, Soutine, Franciam Charlot et bien sûr son peintre fétiche Roger Cosme Estève) ; comme l’écrit Didier, «  face aux non-dits de la famille, au silence de la société et à l’indifférence des académies, tous finiront par délaisser les pinceaux et se mettront à peindre avec leurs mains, quand ce n’est pas avec leurs poings  ». Quant au Kurde qui regardait passer les nuages, Fawaz Hussain continue avec ce livre de raconter son parcours de déraciné, parsemé à la fois de belles fleurs et d’orties. Ici, tout en nous narrant ses petits problèmes du quotidien et ceux de Kurdes de ses connaissances cherchant à s’intégrer, la nostalgie de sa jeunesse et de son non-pays perdus, il ouvre son cœur, et nous dévoile l’objet d’un amour qu’il a toujours au fond des tripes et qu’il aimerait pouvoir retrouver tout en sachant que c’est impossible, que l’on ne peut pas revenir en arrière : Magalie Tenenbaum, une artiste juive torturée qui peint inlassablement des baraquements oblongs de camp de concentration tombant du ciel à n’en plus finir, de toile en toile. L’écriture de Fawaz est incisive et directe et j’ai eu le plaisir de la retrouver dans Les Sables de Mésopotamie (Points Seuil) où il raconte son enfance au sein d’une famille kurde dans une Syrie natale qui le rejettera, le rendra apatride.

Bepolar : Quels seront les prochains titres ?
Gilles Vidal : Je ne peux rien t’annoncer car nous sommes en attente de textes de la part d’auteurs que j’apprécie et aussi de coups de cœur tout court qui viendraient à tomber du ciel comme des météorites. Ce sera de toute façon pas avant l’année prochaine.

Bepolar : Et ta ou tes prochaines productions personnelles ?  
Gilles Vidal : Un recueil de nouvelles noires, De but en noir, à paraître chez SCUP/La Déviation en 2020, et comme je te l’ai déjà dit, un roman chez Zinédi, toujours en 2020, dont le titre est Loin du réconfort.

Bepolar : Et quand pourrons-nous te voir en dédicace ?  
Gilles Vidal : Sans doute en novembre au salon de L’Autre livre à la Halle des Blancs-Manteaux et, si mon éditrice participe au Salon Livre Paris, en mars prochain. Avant, rien n’est prévu.

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