- Réalisateur : Nora Fingscheidt
- Acteurs : Sandra Bullock, Vincent D'Onofrio, Jon Bernthal, Aisling Franciosi
Dans ce thriller social, Sandra Bullock joue une femme dévastée et condamnée pour le meurtre d’un policier. Parfois touchant, souvent ampoulé, le film oscille entre Stéphane Brizé et Hitchcock non sans difficultés. Quelques réussites pourtant, émergent derrière les maladresses…
Ruth Slater sort de prison après vingt ans de réclusion pour le meurtre d’un policier commis dans des circonstances étranges. Bien qu’ayant déjà purgé sa peine, elle continue d’être surnommée la « cop killer », la tueuse de flic. L’opinion publique conservatrice et populaire ne cesse ainsi de la maudire ou de la harceler. L’expression du visage de Ruth ne varie presque jamais : c’est un masque de tension et de fatalité, avec un regard distant et hostile. Il y a pourtant chez elle une tristesse infinie, mais que dissimulée derrière la sauvagerie. Comme un passé traumatisant que l’on noierait sous la défiance. Ruth cherche à renouer contact avec sa petite sœur, présente lors du drame puis placée dans une famille d’accueil au moment de sa détention. En parallèle, les deux fils du policier décédé, dévorés par l’envie de vengeance cherchent à nuire à Ruth…
Thriller social s’il en est, Impardonnable se place à la frontière du drame et du suspense. Non content de suivre avec empathie et finesse la trajectoire épineuse de Ruth, sa réalisatrice Nora Fingscheidt dresse le portrait d’un microcosme délaissé et anonyme : celui des ouvriers et laissés pour compte de Seattle. Hésitant entre le misérabilisme, la tension narrative et le constat amer des inégalités et injustices, le film jongle avec plusieurs thématiques complexes, sinon glissantes. Méconnaissable et habitée par son rôle de femme désespérée, solide malgré tout, Sandra Bullock rivalise d’adversité. La profondeur de son malheur, de son amour et de son dégoût du monde, suinte à chaque regard. Deux longs-métrages s’imbriquent : le drame social vécu par Ruth, qui tente de remonter la pente dans au gré d’un quotidien impitoyable, et le suspense inhérent au plan vengeur des deux frères endeuillés.
On pourrait regretter (à raison souvent) le fatalisme et la dimension légèrement tire-larmes d’"Impardonnable". Pourtant, quelque chose d’assez puissant opère parfois en sous-pente, par exemple à mesure que s’égrainent les flashbacks du jour fatidique ayant amené l’héroïne en prison. Aussi, la maison du drame initial, mise en scène depuis le passé et le présent, reflète bien par son paradoxe (la misère y a laissé place à l’aisance) le rêve brisé de Ruth. D’un côté se trouve l’horreur refoulée et tue (le meurtre), de l’autre une catharsis (la nouvelle famille occupant la maison, riche et heureuse, symbole de réussite) à laquelle elle n’accédera sans doute jamais. Toujours très morcelés et brouillés (de sorte que le personnage central ne dispose jamais d’un espace à elle pour exister sereinement), les plans illustrent toujours - à la manière d’un film noir - le destin empoisonné de Ruth. Toutes les séquences à l’usine, parce qu’elles constituent une aliénation doublée d’un enfermement, apparaissent à ce titre comme des modèles de fatum. Un tragique que le réalisateur choisira d’atténuer opportunément en cours de route. Même si "Impardonnable" pêche par son emphase et son misérabilisme, à ainsi trop hésiter entre le drame et le suspense, il n’en demeure pas moins une œuvre parfois intéressante et sensible.
Disponible sur Netflix.