- Réalisateur : Thierry de Peretti
- Acteurs : Roschdy Zem, Vincent Lindon, Pio Marmaï
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Auteurs : Thierry de Peretti, Jeanne Aptekman
- Nationalité : Français
- Durée : 2h03min
Tournant le dos au spectaculaire, Thierry de Peretti met en scène un univers trouble et poreux, où la discursivité l’emporte sur les scènes d’action.
Le goût du détail et le réalisme hyper référencé constituaient déjà les caractéristiques essentielles des deux drames Les Apaches et Une vie violente, réalisés par Thierry de Peretti. Le nouveau film du metteur en scène ne dément pas cette manière de faire, à la fois dense et subtile.
Enquête sur un scandale d’état s’inspire de l’affaire François Thierry, ancien chef de la lutte contre les trafics de drogue en France, mis en examen pour complicité de trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs. Suite à la découverte en 2015 d’une très importante quantité de cannabis à proximité du domicile de son principal informateur, le policier avait été accusé et, au-delà de sa personne, c’est tout un fonctionnement institutionnel qui avait été pointé du doigt.
Le long métrage reprend cette trame et se focalise sur trois protagonistes de cette histoire qui occupent des fonctions différentes : il y a un journaliste d’investigation du quotidien Libération, un haut responsable de la police et un infiltré des stups sur lequel se concentre la première scène du film, qui donne à la fois le ton et définit la forme très originale de ce long métrage : tournant le dos à la tradition du thriller politique, où les héros incarnent, au-delà d’eux-mêmes, des typologies marquées, Thierry de Peretti pose les fondations d’un univers trouble, poreux. Le manichéisme se trouve évacué par la complexité des scènes très largement discursives, pour la plupart saisies en plans séquences.
Rien d’ostentatoire là-dedans, on n’est pas dans Bac Nord. On ne glisse pas sur des personnages, des situations, des environnements pour les évoquer de façon sommaire et somme toute caricaturale. La matière même des mots, leur densité évocatrice font émerger dans l’imaginaire du spectateur les séquences spectaculaires qu’une caméra plus paresseuse aurait mécaniquement mises en scène. Une sorte de deuxième film s’immisce dans l’imaginaire du spectateur. En cela, la configuration du long métrage rappelle The Guilty, qui parvenait déjà à capter l’attention par la force d’un dispositif globalement statique.
Au fur et à mesure que les éléments s’agencent, on s’éloigne de toute velléité d’élucidation qui, trop souvent, a plombé le film d’investigation à la française, de Cayatte à Boisset. La grande qualité d’Enquête sur un scandale d’état est de documenter un mystère de plus en plus opaque et il n’est pas innocent que le long métrage s’achève dans l’obscurité, pour offrir au spectateur une fin véritablement ouverte, intellectuellement stimulante.