Bepolar : Comment est née l’idée de ce polar avec en titre la mort de Marc Voltenauer, auteur de polar suisse ?
Xavier Michel : L’origine du roman est une anecdote réelle que je cite telle quelle dans le livre. Elle s’est déroulée en 2019 au Livre sur les quais, festival littéraire incontournable en Suisse romande qui a lieu à Morges. Alors que Marc Voltenauer, qui avait son espace de dédicaces à quelques mètres de nous, n’était pas à son poste, nous nous sommes dit avec mon voisin de table (Christophe Meyer) : « Mais qui a tué Marc Voltenauer ? ! » Ça nous a fait rire un moment et ça nous a donné envie de nous amuser à écrire quelque chose autour de ça à quatre mains. Pour différentes raisons nous n’avons pas pu le faire ensemble, mais j’ai creusé l’idée de mon côté.
Bepolar : Dans ce polar parodique, on croise de nombreux auteurs et autrices, de Nicolas Feuz à Amélie Nothomb, d’Alexandre Jardin à Marie-Christine Horn. Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer avec le milieu littéraire, de le mettre en scène ?
Xavier Michel : Mon métier est d’écrire (et d’interpréter) des chansons. Mon « milieu naturel » est donc plus celui de la musique que de la littérature. Cela me permet peut-être d’avoir un certain recul. Mais ce n’était pas prémédité : l’idée m’est tombée dessus, et tuer l’un des rois du polar romand, le faire apparaître dans un livre à la place du mort me semblait assez cocasse, plein d’ironie. Alors j’ai pris pas mal d’éléments réels (le cadre, les personnages, certaines situations) et je les ai mélangés à de la pure fiction. Je me suis bien amusé à fantasmer tout ça, sans me fixer trop de limites.
Bepolar : On a l’impression à vous lire que vous y avez pris du plaisir. Mais est-ce si facile de mettre en scène des gens qu’on connait bien ?
Xavier Michel : A vrai dire, je ne connaissais pas tellement mes « personnages ». A commencer par Marc Voltenauer lui-même ! La plupart, je les avais juste croisés, j’avais échangé avec certains, mais ceux que je connaissais bien au moment d’écrire étaient minoritaires. Cela m’a permis peut-être une certaine liberté, de ne pas trop penser aux susceptibilités. Je me suis demandé si j’aurais pu faire la même chose à partir du milieu musical ; peut-être que non, peut-être que j’y suis trop impliqué. Toujours est-il que dans ce livre j’ai l’impression de ne pas avoir traité différemment ceux que je connaissais un peu, beaucoup ou pas du tout.
Bepolar : Est-ce qu’il y a une appréhension pendant l’écriture de savoir ce qu’ils vont en penser ? Et ce qu’ils vont penser d’eux-mêmes ?
Xavier Michel : Dans la phase d’écriture, pas du tout. Ensuite, quand on a décidé de publier le roman, je me suis posé quelques questions, c’est vrai. J’espérais qu’ils auraient suffisamment de recul et d’autodérision pour ne pas se vexer ou prendre mal le fait que j’aie emprunté leurs traits. Mais c’est vraiment manifeste que je suis dans le second degré de la première à la dernière ligne. Je ne crois pas avoir été méchant, ni m’être amusé aux dépens de quelqu’un, ce n’était en tout cas pas du tout mon intention, je n’avais aucun compte à régler. Pour l’instant les retours vont dans ce sens, heureusement.
Bepolar : Pourquoi avoir fait de ce pauvre Marc Voltenauer la victime ?
Xavier Michel : Tout simplement car il était là au mauvais endroit, au mauvais moment ! Je pense que c’aurait tout à fait pu être Nicolas Feuz, par exemple. Mais pour que ce soit drôle, il fallait quand même un cas d’or du polar romand.
Bepolar : C’est un ouvrage très plaisant à lire. Est-ce facile quand on écrit un livre humoristique de suivre une intrigue bien ficelée ?
Xavier Michel : J’avoue que ma préoccupation initiale était de m’amuser avec le petit monde de la littérature romande et avec les codes et les clichés du polar, et je n’étais pas du tout sûr d’arriver à rendre cela intéressant, ni d’ancrer cette ambition dans une intrigue suffisamment bien ficelée. Côté intrigue, je pense avoir fait ce qu’il faut pour que ça tienne debout (j’admire ceux qui nous tiennent en haleine sur 600 pages, je ne pense pas en être capable), toutefois l’intérêt n’est pas dans l’enquête, il me semble, mais dans le contexte. En ce sens, c’est plutôt une sorte d’anti-polar.
Bepolar : Quels sont vos projets désormais ? Sur quoi travaillez-vous ?
Xavier Michel : Nous venons de sortir un nouvel album avec mon groupe Aliose – mon activité principale – et repartons bientôt en tournée ; j’écris également des chansons pour d’autres artistes ; je tourne un spectacle électro-poétique ; j’ai un projet de spectacle musical pour 2024… Je n’ai pas le temps de m’ennuyer ! Pour l’aspect plus « littéraire », je travaille actuellement sur un roman. Dans un autre genre. Plus « classique ». Nous verrons bien s’il finit par sortir !