- Auteur : Benedicte Soymier
- Editeur : Calmann-Lévy
Avec Benedicte Soymier, on plonge dans le roman noir, celui qui fait mal... Le Mal-épris raconte la violence conjugale et son horreur, la manière dont un homme bascule... Entretien..
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman, Le Mal-épris ?
Benedicte Soymier : Ce roman est la suite d’une nouvelle, écrite il y a plusieurs années, traitant de la laideur d’un homme malheureux en amour. J’ai eu envie de poursuivre son chemin et d’imaginer jusqu’où ses souffrances – son histoire, son passé, ses expériences, pourraient éventuellement le conduire.
Bepolar : C’est un roman noir avec comme personnages principaux Paul et Angélique. Comment pourriez-vous nous les présenter ?
Benedicte Soymier : Paul est un homme ordinaire. Un bon collègue, un bon voisin, gentil en apparence. Pas vraiment beau, plutôt réservé, malheureux et amer, il remplit les vides de sa vie par des manies comme celle d’observer sa voisine et de consigner ses idées sur un carnet. Peu à peu, ses frustrations alliées à un passé complexe et une nouvelle déconvenue amoureuse vont prendre le dessus et le submerger jusqu’à ce qu’il perde pied et sombre dans la violence. Des faits inacceptables quels que soient son histoire et ses malheurs ; Paul aurait pu devenir tout autre.
Angélique est une femme moderne élevant seule son petit garçon. Pulpeuse et sexy, elle souffre du regard des hommes qui ne la voient que comme une femme facile. En mal d’amour et de reconnaissance, elle espère rencontrer celui qui saura l’aimer. Loin d’être sotte, elle est pleinement consciente des travers de Paul, mais reste prisonnière de son emprise.
Bepolar : Vous parlez dans ce roman des violences faites aux femmes. Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire un livre sur le sujet ?
Benedicte Soymier : C’est un sujet qui me tient très à cœur. Il faut en parler ! Je tenais à décortiquer l’emprise à travers des faits relatés par le bourreau. Il est si facile de dire « cette femme n’avait qu’à partir » « elle aurait pu … » … toutes ces réflexions toutes faites ultra-culpabilisantes. En réalité, les choses sont beaucoup plus compliquées. Il y a l’emprise et les évènements qui ont construits la victime et le bourreau. Je voulais démontrer que rien n’est blanc ou noir, mais d’une multitude de gris. Mon roman est une l’histoire d’une bascule.
Bepolar : Vous donnez la parole à Paul, l’homme violent. Est-ce que c’était facile de se mettre dans ce personnage et pas trop déstabilisant de raconter sa vision des choses ?
Benedicte Soymier : Je suis infirmière – j’écoute et je soigne. Mon quotidien est fait de nuances face à l’âme humaine. Paul est le mélange de plusieurs personnes, de plusieurs situations, que j’ai pu rencontrer ou entendre. Je n’ai jamais été vraiment déstabilisée parce que c’est la vraie vie - celle que je côtoie sans filtre.
Bepolar : Comment êtes vous parvenu à le mettre à distance en tant qu’autrice pour écrire ses mots à lui ?
Benedicte Soymier : Je ne suis pas parvenue à rester à distance. Quand j’écrivais, j’étais complètement dans la tête de Paul ou dans celle d’Angélique. Je ressentais leurs douleurs. J’y ai mis mes tripes.
Bepolar : Il a une part de lui qui sait que ce n’est pas bien ce qu’il est en
train de faire, mais il ne peut s’en empêcher. On peut lui accorder une certaine lucidité non ?
Benedicte Soymier : Il est pleinement lucide. Il sait que ce n’est pas bien. Il sait qu’il devient ce qu’il ne veut pas devenir. Mais, il le fait quand même. Il est totalement responsable de ses actes. Et j’insiste sur ce point .
Bepolar : C’est votre premier roman. Il vient de sortir. Quel regard portez-vous sur cette expérience ?
Benedicte Soymier : C’est à la fois très angoissant et très riche. J’avais très peur de l’accueil de ce roman qui me tenait très à cœur. Avoir les retours positifs et enthousiastes de nombreux lecteurs me comble. Je me dis « waouhhh, tu fais passer un texte si ancré dans le réel, c’est formidable ! » Je suis à la fois fière et stressée. C’est une expérience indescriptible tant elle est intense. Et j’ai envie de dire « merci » tout le temps !
Bepolar : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Benedicte Soymier : J’ai commencé un second roman. Néanmoins, même si le sujet est bien ordonné dans ma tête, je n’avance qu’à très petits pas. J’espère arriver à poser les mots.