- Acteurs : Michael C. Hall, Julia Jones, Johnny Sequoyah
Ressurgi d’entre les morts (et enterrés ?), Dexter nous revient 10 ans plus tard dans une bourgade glacée et anonyme où il a changé d’identité. Un retour du « gentil » serial-killer plutôt soigné en comparaison du naufrage des saisons 6-7-8, mais qui manque sérieusement de renouveau…
Dire que l’on n’attendait rien ou presque de la suite/revival de "Dexter" tient de la douce litote, tant les dernières péripéties du serial killer le plus sympa des séries faisaient peine à voir. Il faut dire qu’après trois saisons plutôt léchées et une quatrième pratiquement aussi réussie, les choses avaient ensuite très vite tourné court en matière de scénario et d’enjeux. Et c’est peu de le dire. Rien d’étonnant à cela toutefois : après avoir trituré avec soin le concept du tueur en série à la fois menaçant et attachant dans tous les sens, le showrunner Clyde Phillips s’en était allé à l’issue de la saison 4. Résultat, la chaîne Showtime avait choisi de maintenir sa série à succès envers et contre tout, quitte en chemin à saborder tout ce qui constituait son essence, et ce, le temps de quatre longues et calamiteuses saisons. Personnages secondaires, intérêt pour le protagoniste central, psychologie… tous les attraits du programme furent anéantis un à un jusqu’à un final délirant où Dexter prenait la fuite et se reconvertissait en une sorte de bucheron barbu en clôture de la huitième saison. D’autres, à l’instar de l’interminable "Walking Dead", n’ont certes par la suite pas fait mieux en matière de carnage scénaristique, mais la solution ne serait-elle pas d’envisager de produire de nouvelles séries aux concepts plus frais et contemporains que de marteler des idées déjà mille fois éculées ? À cette question, ShowTime – épaulé cette fois de nouveau par le showrunner Clyde Phillips – répond par la négative en choisissant de ressusciter la franchise avec une neuvième saison baptisée "Dexter : New Blood". Pour le pire ou pour le meilleur ?
L’intrigue se déroule 10 ans après les événements du final de la saison 8, et, comme son nom le laisse supposer, entend redonner du souffle (du « sang neuf ») à la série. L’expert médico-légal Dexter Morgan, qui a changé d’identité pour devenir un tenancier de boutique (une sorte d’armurerie) nommé Jim Lindsay, se terre dorénavant dans une ville fictive du nom d’Iron Lake, située dans l’État de New York. Ayant réussi à contenir tant bien que mal ses pulsions meurtrières, le héros coule une existence paisible dans cette bourgade où il connaît tout le monde par son prénom. Mais, bien sûr, l’apparente tranquillité du personnage cache un tiraillement épouvantable : une soif de sang dévorante se rappelle peu à peu à lui au cours de ses promenades en forêt, allégorisée par la présence d’un cerf innocent arpentant une neige blanche immaculée (oui, les clichés sont de la partie). Pire : un être proche tout droit sorti de son passé s’apprête à refaire surface ici à Iron Lake, véritable retour du refoulé. Le décor, un brin Twin Peaksien, est planté et bonne nouvelle : la catastrophe annoncée n’a pas lieu comme l’on pouvait s’y attendre. Le résultat s’avère même relativement honorable, toutes proportions gardées.
Les teasers de "Dexter : New Blood" avaient laissé craindre un virage définitivement sombre pris par la série, comme si toute l’ironie et le second degré du protagoniste avaient laissé place au pur désenchantement. En pratique, la réalité se trouve plus nuancée. On aperçoit très vite Dexter-Jim évoluer dans une localité avec une aisance et une volubilité qui rivaliseraient presque avec les meilleurs jours du Bill Murray de "Un Jour sans Fin". Même si notre antihéros n’a intérieurement jamais été aussi désabusé, le caractère solaire qu’il présente au tout-venant n’est ainsi pas dénué d’humour. Si bien que l’on retrouve un peu de l’atmosphère que réservaient les premières saisons de Dexter, quoique sous des latitudes plus froides et ténébreuses. La mise en scène, même si trop tapageuse lorsqu’elle use et abuse des plans en plongée pour écraser le personnage central sous le poids de la fatalité, s’avère plutôt acceptable. Quant à la musique, elle hésite entre une standardisation du suspense (la facilité) et une maladresse un peu gênante (quelques morceaux font vraiment tache). Ce qui n’empêche pas cependant "Dexter : New Blood" de laisser une impression pas si désagréable.
Hormis le changement de décor et la temporalité nouvelle, rien n’a réellement changé dans le dispositif par rapport aux premières saisons – on sent que ShowTime et Phillips ont travaillé en ce sens pour limiter la casse et rassembler les fans de la première heure. Dexter-Jim doit donc rejouer le jeu des faux-semblants et trouver suffisamment de chair fraîche (une chair fraîche moralement condamnable, comme toujours) pour assouvir ses pulsions. Une recette qui fonctionne encore mais qui peine à apporter quelque chose de véritablement novateur au concept initial. Comment Dexter, cet homme complexe et énigmatique dévoré par des trauma abyssaux, peut-il éclairer notre époque actuelle ? Ce psychopathe passionnant dit-il seulement quelque chose de notre présent ? Rien n’est moins sûr et c’est ce qui gêne probablement le plus ici. La décennie écoulée n’a eu souvent de cesse de dézinguer les hommes hantés et violents, alors peut-on seulement les réhabiliter, et si oui comment ? La suite de cette neuvième saison, qui débute tout juste, nous le dira peut-être, à condition de trouver une tonalité nouvelle pour se libérer du passé et des standards exclusivement « bankables ». Si "Dexter : New Blood" réussit certes l’exploit de réparer bon nombre des écueils catastrophiques des saisons 5-6-7-8 (Clyde Phillips et ses équipes partaient de loin…), il ne crée pas non plus pour autant l’événement. Affaire à suivre.
Disponible sur la chaîne ShowTime et en décembre 2021 sur Canal +.