- Acteurs : Nicolas Duvauchelle, Nina Meurisse, marie dompnier, Tewfik Jallab
... mais un peu rigide
Cœurs noirs
Avec : Nicolas Duvauchelle, Marie Dompnier, Tewfik Jallab, Nina Meurisse
De : Corinne Garfin, Duong Dang-Thai
Genre : thriller, action, drame
Pays : France
Avec son casting soigné, sa réalisation solide et ses scènes d’action captivantes, "Cœurs noirs" possède plus d’un argument à faire valoir. Mais parce que ses personnages manquent un peu de nuances et que le scénario ne laisse pas vraiment d’espace pour leurs émotions, la monotonie guette…
Alors que la bataille de Mossoul s’apprête à s’engager, en octobre 2016, un commando des Forces Spéciales françaises est déployé sur le terrain en Irak. La mission de ses membres consiste à retrouver et exfiltrer la fille et le petit-fils d’un important responsable local de Daech fraîchement capturé. Car une chose est sûre : ce dernier n’acceptera de coopérer avec le renseignement qu’à la seule condition de voir les siens rentrés sains et saufs…
La mini-série "Cœurs noirs" dispose sur le papier de plus d’un atout dans son jeu. Et pour cause, la réalisation de ses six épisodes est signée par l’excellent réalisateur libanais Ziad Doueiri ("Baron noir", "Dérapages"…). Tandis que deux anciens scénaristes du "Bureau des Légendes", Duong Dang-Thai et Corinne Gardin, sont à l’origine de la série. Or en pratique, "Cœurs noirs" se révèle bel et bien aussi efficace qu’escompté. Rythmé, plausible et servie par un casting de qualité (Nicolas Duvauchelle, Marie Dompnier, Tewfik Jallab, Nina Meurisse, Thierry Godard…), la série entremêle les genres avec finesse.
L’intrigue réunit l’espionnage, l’action, le mélodrame et le suspense. Autant d’ingrédients savamment dosés qui permettent à la fois de proposer une trame géopolitique plutôt astucieuse, un divertissement haletant, tout en articulant des protagonistes parfois intéressants. Dotés d’une psychologie souvent assez fine, les personnages s’affranchissent des stéréotypes sur les combattants – chose rare. Ils n’apparaissent pas simplement définis par les affrontements mais aussi par leur vie intime. Leurs trajectoires personnelles et professionnelles s’entrecroisent et c’est notamment tout l’enjeu de "Cœurs noirs" : scruter tous ces interstices où s’opposent ces différentes facettes plus ou moins conciliables. Cela permet à la fois d’accentuer le caractère tragique de certaines trajectoires, mais aussi d’exalter le suspense. Ou quand l’intimité d’un individu déborde et risque de mettre en péril toute une mission de renseignement. Autre choix d’écriture bienvenu : la présence d’une femme dans le commando des forces spéciales, Sabrina, qui officie en tant que tireuse d’élite longue distance – même si cette particularité dépasse hélas jusqu’à présent le réel.
En matière d’action, "Cœurs noirs" – particulièrement lors de la scène du pont dans l’épisode 1 – démontre un savoir-faire éclatant. La mise en scène nerveuse, redoublée par une photographie granuleuse façon photoreporter du plus bel effet (toutes proportions gardées, numérique oblige), n’est pas étrangère à cette réussite. Mais l’autre point fort des séquences les plus palpitantes de la série découle aussi de son sens extrêmement méticuleux du détail. Pendant les scènes d’infiltration, les déplacements des commandos des forces spéciales renforcent par exemple considérablement le réalisme et l’immersion. Cohérentes, les attitudes fourmillent de minutie et cette impression ne relève pas du hasard : pour gagner en vraisemblance, les acteurs de "Cœurs noirs" ont en effet bénéficié d’une formation et d’entraînements militaires réalisés par le 13e régiment de dragons parachutistes. Une initiative qui paye.
Néanmoins, l’ultra-réalisme de "Cœurs noirs" et l’authenticité de ses personnages ne font pas tout. Car par-delà la tension et l’atmosphère – remarquable état des lieux de l’environnement irakien –, l’émotion manque trop souvent à l’appel. À qui la faute ? Au récit un peu trop aride et à des personnages – aussi épais soient-ils – qui peinent à s’incarner. Quid par exemple des doutes existentiels de Spit, trop peu développés pour émerger et remuer ? Avec un peu plus d’espace dédié aux troubles et doutes de chacun, toute la narration, et avec elle les sensations du spectateur, auraient pu nettement s’étoffer. De même, la mini-série "Cœurs noirs" ne s’engage en général que trop timidement sur les sentiers politiques, préférant en rester à ses antichambres. Cela ne remet pas en question les qualités déjà citées de la série, mais ne leur permet pas toujours de resplendir à leur juste valeur.
Librement inspiré d’un article du New York Times de 2017 sur la traque des jihadistes français en Irak, "Cœurs noirs" est disponible sur Prime depuis le 3 février 2023. Cette mini-série est coproduite par Prime Video et France Télévisions.