- Acteurs : Penn Badgley, Charlotte Ritchie, Edward Speleers, Tilly Keeper
- Séries : You
La série "You" parvient-elle à réinventer et renouveler les aventures chaotiques sinon macabres de son antihéros Joe, tueur aussi séduisant que détraqué ? Nous nous sommes posé la question en visionnant la quatrième saison…
You, saison 4
De : Sera Gamble, Greg Berlanti
Avec : Penn Badgley, Charlotte Ritchie, Tilly Keeper, Edward Speleers
Genre : thriller, comédie
Pays : États-Unis
Année : 2023
Expatrié en Angleterre, Joe Goldberg le tueur presque charmant déniche un poste d’enseignant à Oxford sous le nom de Jonathan Moore. Mais après une nuit arrosée passée avec des amis richissimes, les cauchemars du passé refont brusquement surface. Pire : un étrange tueur le poursuit et tente de l’incriminer de meurtres qu’il n’a pas commis. S’agit-il d’hallucinations distillées par l’esprit tordu de Joe ou d’une authentique machination ?
Fidèle à ses habitudes, "You" va de nouveau droit au but. D’une subtilité encore et toujours digne d’un tractopelle, cette quatrième saison continue de distordre sa recette composite entre thriller et comédie romantique douce-amère. De la voix off mielleuse empruntée à la série "Dexter" au dispositif syncopé et très teenager de "Gossip Girl" – rappelons que l’interprète de Joe, Penn Bagdley, incarnait justement l’un des personnages centraux du célèbre soap –, aucun des ingrédients initiaux ne manquent à l’appel. Mieux : la faconde et la manière souvent axées comédie romantique à l’anglaise de la création de Sera Gamble et Greg Berlanti trouvent cette fois un écrin sur-mesure au détour de Londres et Oxford, sur le mode "Coup de foudre à Notting Hill" (Roger Michell, 1999) désenchanté. Sauf que son procédé à la fois sanglant et fleur bleue, déjà sérieusement usé lors des trois premières saisons, se doit de redoubler de trouvailles pour éviter la rengaine. Chose assez épineuse quand tout ou presque, qu’il s’agisse de surfer sur l’ère post #MeToo ou de méditer (avec ambiguïté) sur la nébulosité des relations sentimentales, a déjà été fait dans les saisons précédentes.
Pour son nouveau tour de piste et surtout pour échapper à son passé sanglant, le déséquilibré aux faux airs de prince charmant s’exile en Angleterre et devient cette fois Jonathan Moore, professeur à Oxford. Plus second degré que jamais, peut-être, "You" saison 4 multiplie sciemment les grosses ficelles. Et quitte à puiser derechef dans l’archétype et le grotesque, la série n’hésite pas en faisant de Joe, son tueur psychopathe, un arroseur arrosé (ou presque). Lui, le « stalker » harceleur subit en effet à son tour les tourments du harcèlement – c’est en tout cas lui qui l’affirme. Après une nuit d’ivresse, le protagoniste découvre un cadavre sur la table de sa cuisine. De fait, Joe semble victime d’une épouvantable conspiration. Ce truisme scénaristique permet de justifier l’usage d’un des motifs les plus clichés du thriller : le whodunit à la Agatha Christie. Dès lors, le serial-killer mute en pseudo enquêteur, passant piètrement en revue des personnages tous plus facétieux et douteux, entre twists et fausses pistes. Alors que la série donne l’impression d’esquisser une confrontation réflexive entre ce professeur prolo et les filles et fils impitoyables de milliardaires, le divertissement préfère finalement la fuite et la facilité.
Si "You" saison 4 se regarde sans déplaisir - en général grâce à ses interprètes, ses dialogues savoureux et parce qu’elle n’a pas peur du ridicule –, son concept peine grandement à se renouveler. Même en retournant artificiellement l’idée de départ, l’intrigue manque de souffle. De même que son antihéros dont la posture plus désabusée et le look légèrement plus sombre n’aboutissent in fine à aucune réelle transformation de fond. Pas de quoi crier au scandale non plus, car les rebondissements pullulent heureusement (notamment dans la deuxième partie), atteignant même un trop-plein à la limite de l’absurde – mais pourquoi pas.
Côté mise en scène, le format demeure plus ou moins identique aux précédentes péripéties. D’un conventionnel confondant, les cadrages reproduisent les stéréotypes les plus classiques et aseptisés. Façon toujours de dissimuler le stupre par-dessous les coutures rectilignes. La fluidité du montage et la durée très courte des plans procurent toutefois à l’ensemble un rythme bien senti. Sous couvert d’un style aguicheur et inconséquent, "You" saison 4 déconstruit ainsi dans le même temps – davantage en une forme de badinerie que d’une quelconque analyse vraiment pertinente – la masculinité toxique et l’inconscience crasse de jeunes nantis convaincus de leur toute-puissance. Tout cela s’avère efficace mais aussi lancinant, par manque de piquant et d’imagination.
Comme avec les autres saisons, on pourra du reste pointer du doigt les risques et écueils d’une narration trop souvent relayée par les monologues internes abjects du personnage. Mais n’est-ce pas devenir trop moraliste et passer à côté justement de l’humour caustique de la série, qui ne se prend résolument pas au sérieux ?
Tirée des romans de Caroline Kepnes, la série "You" navigue entre thriller psychologique et comédie mélodramatique. Sa quatrième saison est disponible sur Netflix.