Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman, Verita ?
Karel Gaultier : Je me suis inspiré d’un fait divers sur le divorce à scandale d’un oligarque russe. Divorce retentissant dans l’univers des milliardaires dont je fréquentais la plupart des intervenants. Dans cet univers confiné, tout le monde se retrouvait dans le même restaurant, clairement pas à la même table ! Je décris ce microcosme dont les codes sont régis par l’argent et l’alignement des intérêts de chacun. Concomitamment, je lisais un ancien dossier de feu mon père avocat qui défendait le faussaire de génie « Pierre Le Gros ». Je vous laisse imaginer le sujet du roman.
Bepolar : Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser aux lanceurs d’alerte ?
Karel Gaultier : J’aime l’idée que nous, citoyens, soyons souverains de l’information, c’est un symbole fort pour lutter contre certains abus. Cela peut être mal utilisé, nous l’observons sur certains lanceurs d’alerte qui publient des fausses infos et demandent des rançons pour arrêter de les divulguer. Ce sont des réseaux d’influence d’une puissance extrême puisqu’ils se servent des réseaux sociaux et que l’on vit dans un univers ou l’information circule à une vitesse folle. J’ai souhaité décrire comment se servir de cette nouvelle arme du pouvoir d’influence.
L’histoire tourne autour de l’oligarque Youri Karatov, roi de l’acier russe, qui va cacher ses avoirs en achetant un tableau célèbre.
Bepolar : Qui est-il cet oligarque ? Comment pourriez vous le décrire ?
Karel Gaultier : L’histoire tourne autour de chacun des personnages de la toile Crucifixion dont Youri fait parti. Il a grandit dans l’Oural, entouré de criminels, où règne la loi du plus dangereux. Il va se hisser au sommet de la chaîne des supers prédateurs au détriment de toute forme d’empathie et d’humanité. Il dispose des gens comme de biens au gré de ses besoins.
Youri ne s’intéresse pas à l’art mais pour dissimuler une partie de ses avoirs revenant à sa femme, il va acquérir un gigantesque Picasso venant d’être découvert.
Novice, il fait son entrée dans un monde d’initiés, une fresque de faussaires ou pour la première fois il est la proie « tel est pris qui croyait prendre » La Fontaine.
Bepolar : Vous êtes vous même banquier. Vous connaissez bien le monde des grandes fortunes. Pourquoi avoir voulu écrire un polar dans cet univers ?
Karel Gaultier : Je suis un des rares témoin et insider dans ce monde difficile à pénétrer, ce qui me permet d’avoir une source d’informations proche, voire très proche de la réalité. Je voulais donner un récit précis et mettre en lumière les enjeux des ultras riches que nous, communs des mortels, ne pouvons même pas imaginer.
Comme privatiser une île en Corse et la transformer en une île des Caraïbes ou comme acheter une toile de Maître de plus de 400 millions d’euros sans même la voire pour échapper au fisc.
Bepolar : Quelle est d’ailleurs la distance entre la fiction et la réalité ? Vous ne portez pas un regard très bienveillant sur le monde de la finance...
Karel Gaultier : Cette histoire est inspirée de faits réels, d’ailleurs certaines personnes se reconnaîtront. Comme d’autre activités par exemple la politique, la finance peut elle aussi être utilisée à mauvais escient comme la spéculation à outrance mais c’est également le meilleur outil pour soutenir des entreprises et des start-ups/licornes qui ont révolutionné et facilité notre quotidien.
Bepolar : Est-ce que c’est facile d’ailleurs de garder la bonne distance entre la réalité et la fiction quand on est écrivain ?
Karel Gaultier : Pour ma part, je n’ai aucune difficulté à discerner la réalité de la fiction et à ce propos je me souviens qu’un de mes éditeurs m’avait demandé de baisser le salaire de certains financiers (qui pourtant étaient bien réels) et d’amoindrir les montants des délits. La réalité dépasse souvent…
Bepolar : On plonge aussi dans les ateliers de peinture et dans les secrets du monde de l’art. Quelle a été la part de la documentation ?
Karel Gaultier : Dans chacun de mes romans, la documentation et la recherche sont une part importante de mon travail. J’ai rempli ma bibliothèque d’ouvrages d’histoire de l’art, notamment sur les techniques de peinture et les matériaux utilisés. J’ai interrogé les plus grands historiens d’art spécialistes de Picasso et certains des plus fameux collectionneurs et marchands qui m’ont fait les confidences folles sur ce marché opaque et manipulé.
Bepolar : Et quels sont vos projets pour de nouveaux romans ?
Karel Gaultier : Je suis entrain de finaliser une demie douzaine de contes avec comme toile de fond « la crypto monnaie » et je commence à réfléchir à un roman sur la relation entre l’argent et la religion.