- Acteurs : Gérard Depardieu, Zabou Breitman, Kad Merad, Aure Atika, Rod Paradot
Que vaut vraiment la série "Un homme d’honneur", thriller en six épisodes estampillé TF1 avec Kad Merad, Zabou Breitman, ou encore Rod Paradot ?
La vie de Richard, juge respecté, bascule lorsque son fils Lucas s’enfuit après avoir renversé un motard s’avérant être le fils d’un puissant baron de la pègre. Par delà bien et mal, commence une fulgurante descente aux enfers.
Pour les spectateurs vétilleux (et dont nous faisons partie), la seule évocation d’une série à suspense avec Kad Merad en rôle-titre, propulsée tambours battants par TF1 et avec Gérard Depardieu en guest star (qui ravive le pénible et douloureux souvenir du "Marseille" de Netflix), avait de quoi susciter l’ironie sinon l’inquiétude. Les enjeux semblaient déjà palpables d’avance, tout comme le style TF1 déjà vu et revu mille fois (impersonnalité du montage, du rythme, ou encore de la musique…), et ce, avant d’avoir aperçu un seul plan. Il n’empêche que sans tout à fait remettre en cause ce préjugé féroce, "Un homme d’honneur" fait un peu plus que s’en tenir au cahier des charges habituel de la chaîne généraliste. Sans particularité aucune et sans non plus dépasser le téléfilm acceptable, la série monte néanmoins un peu en tension, ménage un brin de suspense et réussit à accrocher tant bien que mal son spectateur.
"Un homme d’honneur", c’est l’adaptation d’une adaptation : la mini-série TF1 reprend la même trame scénaristique que la série américaine "Your Honor" (Showtime, 2019-2020), qui elle-même calquait son intrigue sur la série israélienne "Kvodo" (2017-2019) – d’autres moutures (allemande, italienne…) sont d’ailleurs en cours. Le dispositif ne change donc pas d’une once ou presque : on retrouve un juge à l’apogée de sa carrière et au-dessus de tout soupçon qui voit son quotidien changer brutalement le jour où son fils commet un délit de fuite impliquant un membre de la mafia. Il s’agit de contempler de quelle façon l’innocence se fissure et finit par voler en éclat, un concept hautement frelaté mais qui fonctionne encore et toujours. Dans la peau du juge, se trouve Kad Merad qui a la lourde tâche de succéder Yoram Hattab et à Bryan Cranston (un habitué des situations a priori paisibles mais tournant au cauchemar – voir "Breaking Bad"). Si ce n’est le style passablement dilué et aseptisé, rien ne bouge question script à part le décor, passé de Tel Aviv et la Nouvelle Orléans à Paris.
Sauf qu’"Un homme d’honneur" élague le synopsis au maximum : avec 6 épisodes au compteur (contre 10 pour la version américaine et 12 pour le programme original), la série de TF1 va droit au but, beaucoup trop sans doute. Résultat, il ne faut pas s’attendre dans cette perspective à une quelconque plausibilité, que cela soit dans le portrait psychologique des personnages, dans la dimension juridique ou encore dans les affrontements armés. Cet aspect passe au second plan pour se concentrer sur le potentiel récréatif du produit – pas une came très rock, hein. Et force est de constater qu’il y a dans cet amoncellement ininterrompu de péripéties quelque chose de régressif. Si bien que l’on se laisse un peu prendre dans les maillons de cette recette, aussi niaise que balisée. Mais n’allons pas pour autant jusqu’à parler de plaisir coupable, car "Un homme d’honneur" fait tellement fi de toute bribe de sophistication ou de singularité que le spectateur, sans totalement s’ennuyer, sait exactement où tout cela le mène. Efficace (plus ou moins à la manière de "Baron noir") mais plutôt transparent, Kad Merad n’aide pas le dispositif à sortir de ses gonds. Il en va de même pour Zabou Breitman ou encore Gérard Depardieu, assez bons mais sans véritable scène pour leur donner corps. On aimerait avoir plus de compassion pour Nicolas Duvauchelle ou encore Rod Paradot, acteurs qui se hissent dans le haut du panier, mais la direction d’acteurs inexistante s’avère trop en retrait pour les faire briller. Reste que pour tous les spectateurs recherchant précisément ce même formatage rassurant et resservi série après série, téléfilm après téléfilm, "Un homme d’honneur" relève le niveau.