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Sur la piste du Serpent : comme un goût de malaise

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Le documentaire de Jean-Charle Deniau revient de manière très sérieuse sur le parcours de celui qu’on a surnommé "le serpent". Mais la place accordée aux témoignages du tueur en série lui-même suscite le malaise.

Charles Sobhraj a purgé plusieurs années de prison en Inde et au Népal, accusé d’avoir assassiné une trentaine de personnes dans les années 70, pour leur piller leurs biens. Le documentaire réalisé par Jean-Charles Deniau retrace le parcours de cet homme qui a inspiré la série à succès de Netflix, Le Serpent, avec Tahar Rahim dans le rôle-titre. On y suit l’itinéraire de Sobhraj, enfant mal aimé d’une mère vietnamienne et d’un père indien, bientôt livré à lui-même, arpentant les rues, avant de basculer dans la délinquance à partir de l’adolescence.

Très fouillé, le propos donne la parole aux enquêteurs, aux victimes, à celles et ceux qui ont aussi connu le tueur en série au temps où, avec sa compagne québécoise Marie-André Leclerc et son complice indien Ajay Chowdhury, il enchaînait les escroqueries et les vols de pierres précieuses, dépouillant surtout des touristes de passage à Kanith House, dans la ville de Bangkok. Le mode opératoire était toujours le même : Sobhraj suscitait la confiance de ses hôtes, promettait des bijoux d’une grande rareté à ces gens qui recherchaient les perles rares, les droguait et les spoliait de tous leurs biens. L’homme ne nie absolument pas les faits et ses témoignages, sous forme de conversations audio enregistrées ou de témoignages face caméra, après sa libération en décembre 2022, décrivent par le menu les stratégies mises en place pour aboutir à ces larcins.

Mais il n’y a pas que des vols : il y a aussi et surtout des cadavres, par dizaines, des corps retrouvés quelques jours après que les victimes ont rencontré Sobhraj. Pourtant, ce dernier nie tout en bloc : il n’est responsable de rien, n’a tué personne, avoue même que pour l’un des décès, la cause est "naturelle". La placidité de celui qu’on a surnommé "le serpent" a de quoi glacer, d’autant que l’accusé s’exprime tranquillement installé dans un canapé, répondant aux questions de son interlocuteur, qui le connaît depuis plus d’une vingtaine d’années, a mené plusieurs entretiens avec lui lorsqu’il était en prison. C’est une tendance très nette du "true crime", la parole du criminel lui-même occupant une place centrale dans le dispositif du documentaire.

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Certes, d’autres témoignages sont accablants et contrebalancent les propos de Sobhraj, expert en manipulation. Mais, bien que le film constitue une mine d’informations sur cette terrible affaire, on en garde le goût d’un malaise, comme si, malgré lui, le travail de Deniau avait plutôt servi l’image d’un sinistre individu.

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