Le mythique David Lynch avait déjà joué avec les codes du polar dans la série Twin Peaks. Là, il théâtralise l’affaire, en se mettant dans la peau d’un enquêteur interrogateur, qui, cigarette aux lèvres, essaie de faire "craquer" son interlocuteur : un singe, dont l’expressivité est tellement manifeste que l’anthropomorphisme trouble tout au long de l’échange (la bouche est celle du réalisateur, ajoutée en postproduction). Or, le trouble, Lynch connaît, s’en est même fait le spécialiste tout au long de sa carrière. Et cette mise en boîte surréaliste des codes du polar n’est finalement pas surprenante, jusque dans le cadrage qui saisit le questionneur en contre-plongée, raillant sa fonction inquisitrice, tandis que le choix du noir et blanc réfère au premier film du réalisateur, le terrible Eraserhead.

Le court-métrage est savoureux, parce qu’on y retrouve tous les ingrédients d’une bonne scène de polar, mais totalement décalée à la lumière d’une affaire délirante, qui nous vaut un affrontement psychologique entre l’interrogateur et l’interrogé. Chacun fourbit ses armes aux fins de l’emporter : ainsi, le sens de la répartie du singe s’appuie sur des situations absurdes ("On a Sally" assène l’enquêteur, "Qui va croire un orang-outan ?" rétorque l’animal), quand sa volonté de ne rien céder ne l’incite pas aux métaphores les plus bravaches ("la fête est terminée, cow-boy"). De son côté, le détective ne s’en laisse pas compter et mène l’interrogatoire jusqu’à la confession autobiographique de son adversaire.
La trame de histoire, qui associe sentiments et vengeance, permettra au spectateur de découvrir une poule nommée Toototoban, enjeu essentiel du crime. Mais nous n’en dirons pas plus, si ce n’est que notre accusé, lyrique à souhait, finit par pousser la chansonnette.
Tourné en 2016 et jusque-là visible dans quelques festivals, Qu’a fait Jack ? suscitera la joie des fans de David Lynch, qui y décèleront de multiples allusions à son œuvre. Les autres ne pourront que s’incliner devant la qualité de cette excellente parodie.