- Auteur : Michel Bussi
À l’âge de sept ans, Ophélie assiste au meurtre de sa mère par son père. Du moins, c’est ce qu’il lui semble voir. Un autre homme aurait pu la sauver, mais il n’a rien fait. Ophélie le hait, encore plus qu’elle ne hait son père, qui purge une peine de prison. Des années durant, du foyer où elle vit jusqu’au collège huppé où elle sait trouver la fille de son ennemi, Ophélie peaufine sa vengeance, entrainant ses amis Nina et Steevy dans une folle quête de justice. Mais où est la justice quand on ignore ce qu’il s’est réellement passé ?
« Je t’ai vue, maman, trois mètres plus bas. Je t’ai vue, étendue, bras en croix, sur le goudron de la rocade, au milieu des voitures arrêtées. »
Après la mort de sa mère, Folette (c’est ainsi que l’on surnomme Ophélie) réside à la Prairie, « une maison qui accueille des enfants (…) qui n’ont plus de parents pour s’occuper d’eux ». Elle s’y fait des amis, et mène une vie heureuse à ceci près que son chagrin et sa colère l’obsèdent. Petit à petit, elle élabore un châtiment qu’elle réserve à celui qui n’a rien fait pour leur porter secours, à sa mère et à elle. Et pour cela, elle enquête sur les faits tels qu’ils se sont vraiment passés, pas seulement tels qu’elle s’en souvient.
« J’avais déjà compris, Béné, que tout ce qui me restait, pour m’accrocher à ma vie, c’étaient ces miettes d’amour que tu m’offrais.
Et mon océan de haine. »
Le roman est divisé en quatre parties inégales, quatre âges de la vie d’Ophélie. Elle a sept ans lorsque sa mère meurt, en 1983. On saute ensuite en 1989, elle a treize ans et rentre au collège-lycée Camille-Cé. En 1995, elle a dix-neuf ans, est étudiante à la faculté de Rouen et manifeste dans la rue. Enfin l’histoire s’achève en 1999. Ces étapes de sa vie sont racontées autour des contes d’Andersen dont Ophélie possède depuis sa petite enfance un recueil dans la collection Rouge et Or. Au fur et à mesure qu’elle grandit et mûrit, Folette va s’identifier tour à tour aux protagonistes des différents récits, redécouvrir ceux qu’elle croyait ne pas aimer tant que ça.
La narration se fait à la première personne, avec beaucoup de dialogues. À chaque chapitre, Folette s’adresse à quelqu’un d’autre. Elle parle ainsi, successivement, à Maja, sa mère, à Béné, l’éducatrice si dévouée, à Nina, sa meilleure amie, ou encore à Lazare, un policier à la retraite qui vit dans son ancien quartier et mène l’enquête avec elle, à Steevy, un copain de la cité prêt à tout pour l’aider, et même à ses riches et arrogantes camarades de collège…
« (…) Tout le monde est au courant que toi et Nina, vous venez d’un foyer. Je sais comment ça marche, mon père c’est son boulot, figure-toi, organiser tout ça, protéger les gosses battus par leurs parents, ou violés, ou qui sont juste cinglés. »
Autant de chapitres brefs et rapides, et qui permettent à Ophélie de révéler peu à peu différents aspects de son histoire. C’est aussi une façon de tenir à distance le pathos qui pourrait trop facilement s’installer avec les thèmes dramatiques qui sous-tendent le récit : violences conjugales, féminicide, orphelinage, maltraitance d’enfants… le risque, bien sûr, étant de se tenir trop à distance du roman et d’en décrocher.
À cause de cette construction particulière, il est difficile de parler de l’intrigue sans en dévoiler un pan. On a beaucoup de surprises, vers la fin, qui arrivent en rafale et qu’il serait dommage d’avoir vues venir. De jolis retournements de situations, des explications inattendues et qui s’intègrent parfaitement, de manière tout à fait appropriée. Un polar signé Michel Bussi, quoi !
Lucie Chenu
Mon cœur a déménagé de Michel Bussi
Presses de la Cité / janvier 2024