- Acteurs : Thomas Brodie-Sangster, David Thewlis
Relecture bariolée de l’univers de Charles Dickens, "Le Renard : Prince des voleurs" retrouve l’un des antihéros les plus marquants d’« Oliver Twist » : le pickpocket Jack Dawkins, devenu chirurgien dans une colonie en Australie… mais toujours aussi sensible à la filouterie. Un retour irrésistible.
Le Renard : Prince des voleurs
De : James McNamara, Dvid Maher, David Taylor
Avec : Thomas Brodie-Sangster, David Thewlis, Maia Mitchell
Genre : policier, comédie, drame
Pays : australie
Année : 2023
Au sein de la colonie de Port Victory en Australie, Jack Dawkins, dit « le Renard », a troqué ses habitudes de voleur contre la profession plus respectable et paradoxalement non moins misérable de chirurgien. Mais le retour de Fagin, ancienne connaissance ayant finalement échappé à la potence, cherche à lui faire regagner les sentiers du crime. Heureusement pour Dawkins, sa rencontre avec Lady Belle, fille du gouverneur qui cache par-dessous son oisiveté une vertueuse chirurgienne en devenir, l’aide (un temps) à rester dans le droit chemin…
On lui aurait préféré l’élégance et le minimalisme émanant de son titre original "The Artful Dodger" (l’équivalent du surnom « renard » en V.O.) mais qu’importe, son sobriquet français à rallonge "Le Renard : Prince des voleurs" n’écorne pas pour autant ses qualités. Sorte de suite ou de spin off d’ « Oliver Twist », cette série australienne mise le tout sur une galerie de personnages hauts en couleurs. Inutile de chercher ici la profondeur de l’intrigue ou l’immersion à travers des décors fastueux ou une mise en scène sophistiquée : les créateurs de "Renard : Prince des voleurs" semblent résolument avoir choisi de laisser ces composantes au second plan pour privilégier la flamboyance des portraits. Un peu à la manière de Dickens, justement, bien que l’auteur rivalisait souvent de détails minutieux pour constituer une atmosphère. Hôpital, chambre de bonne de Dawkins, demeure du gouverneur, maison du capitaine Gaines, bar, forêt tropicale voisine… les lieux principaux de l’intrigue restent somme toute peu nombreux, en une sorte de huis-clos. Si bien que l’on s’approprie très vite les tenants et aboutissants de la colonie de Port Victory, ses jeux de domination, ses tractations, ou encore ses rivalités. Autant de petits détails qui permettent d’installer avec efficacité les divers conflits, intérêts et passions unissant les protagonistes.
À la fin du plus célèbre des romans de Charles Dickens, « Oliver Twist », le pickpocket Jack Dawkins (connu sous le nom de « Rusé matois » ou de « renard », en fonction de la traduction) se retrouve condamné à la déportation en Australie à la suite d’un larcin. Avec Fagin, le chef du gang des voleurs, il représente l’un des principaux antagonistes auxquels est confronté le jeune Oliver Twist. La série "Le Renard : Princes voleurs" imagine donc la suite d’"Oliver Twist" mais en donnant exclusivement une consistance à ses antihéros – le rôle d’Oliver relevant ici davantage du personnage secondaire. Il ne s’agit pas de racheter le passé déplorable de Dawkins ou de Fagin mais d’en mieux comprendre la trajectoire et la complexité. Du reste, rien d’étonnant à voir Jack Dawkins prendre la tête d’affiche de la série : dans « Oliver Twist », ce personnage disposait d’un à-propos souvent décoiffant, avec un climax saisissant notamment lors de son procès avec son brillant réquisitoire contre la justice. Or, « le Renard » n’a rien perdu de son mordant ni de sa gouaille impertinente dans la série qui lui est dédiée. Mieux : son arrogance et sa soif de justice, agrémentées par sa maladresse et son charme nonchalant, composent un protagoniste aussi génial qu’attachant.
L’écriture de "Le Renard : Prince des voleurs", sans jamais chercher l’affectation, fonctionne à merveille avec des entrelacements multiples. Outre le destin de Jack Dawkins, la série se penche sur le devenir d’innombrables protagonistes, qu’ils soient probes, un peu ou pas du tout. Ce feuilletage passe par la recherche d’affranchissement de Lady Belle, les élans criminels de Fagin, les désirs totalitaires du capitaine Gaines, les tromperies et duperies de son second Darius le capitaine du port, par l’arrivisme du Dr Sneed, le besoin de conventions sociales de Lady Fanny Fox, les enfantillages du gouverneur Edmund Fox, ou encore le conservatisme hypertrophié de son épouse Lady Jane Fox. De quoi esquisser une myriade de mouvements parallèles avec une facilité et une économie de moyens souvent impressionnantes. Ainsi, "Le Renard : Prince des voleurs" jongle avec différentes tonalités avec brio, passant du suspense au mélodrame, de la lutte des classes au buddy movie, du braquage à la course-poursuite en un battement de cils.
Outre une bande son aux accents pop, un côté gore assumé, un découpage et un rythme admirablement ficelés, la réussite de cette série policière tient surtout au jeu impeccable de ses actrices et acteurs. Qu’ils soient secondaires ou non, tous se révèlent aussi bien brillants au gré des scènes les plus sobres qu’au long des débordements les plus explosifs. Si l’on peut bien sûr louer les performances de Thomas Brodie-Sangster ("Love Actually", "Game of Thrones", "Le Jeu de la dame"…) et David Thewlis ("Harry Potter », "Fargo"…), à mi-chemin toujours entre l’intériorité cérébrale et le cabotinage, le jeu mutin et flegmatique de Maia Mitchell resplendit d’épisode en épisode. Mention spéciale, entre autres, pour Damon Herriman en impitoyable Gaines et pour Huw Higginson en prêtre désopilant. Habile alliage entre le théâtre et le cinéma.
Tirée de l’univers de Charles Dickens (en imaginant la suite du roman « Oliver Twist »), la série "Le Renard : Prince des voleurs" (8 épisodes) est disponible sur la plateforme Disney +.