- Auteur : Céline Denjean
- Editeur : Marabout
Avec Le Cercle des mensonges, Céline Denjean propose un polar qui donne aussi la parole au tueur du roman. On lui a posé quelques questions...
Bepolar : C’est un roman particulier puisque dès le début, on suit un assassin qui vient de tuer son amie Céline. Comment est née l’idée de ce roman ?
Céline Denjean : J’ai toujours ressenti un vif intérêt à essayer de plonger dans l’esprit du criminel, à tenter de saisir ses motivations, son regard sur le monde, sa folie, son histoire… Ainsi, dans chacun de mes romans, je donne une voix au criminel, et cette voix doit permettre au lecteur de faire sa connaissance.
Dans Le Cercle des mensonges, un criminel s’exprime en première partie, et un second en deuxième partie. En plus de la plongée dans l’âme de ces deux hommes, la complémentarité de leurs voix va également renseigner peu à peu le lecteur sur certaines articulations de l’intrigue.
Mais je tiens à préciser que le fait de savoir que tel personnage à tué tel autre ne vient absolument pas dire pourquoi il l’a fait, dans quel contexte, etc… Dans Le Cercle des mensonges, connaître l’identité d’un tueur dès le départ ne donne aucunement une vue sur les ressorts globaux de l’intrigue qui dépasse de loin la dimension du crime commis. En réalité, ce crime est une simple porte d’entrée pour les enquêteurs (et les lecteurs) vers la découverte d’une trame à tiroirs, dans laquelle un meurtre peut en cacher un autre !
L’idée de ce roman est née des progrès de la science en termes de biologie de synthèse : savoir qu’on peut désormais créer la vie en laboratoire ouvre un large champ de possibles en termes d’intrigues noires.
Bepolar : Il y a deux enquêtes qui se chevauchent. Comment avez-vous écrit ce roman qui en plus se déroule après Le Cheptel ? Est-ce que le plan des deux romans était établi dès le départ ? Comment les avez-vous construits ?
Céline Denjean : Il y a affectivement deux enquêtes officielles parallèles, l’une conduite par les gendarmes, l’autre par les policiers toulousains. Au regard des ramifications de l’histoire, je trouvais intéressant que le lecteur suive deux enquêtes parallèles qui n’ont pas l’air reliées initialement et qui vont pourtant se rejoindre. Cette construction vient donner du rythme par l’alternance des points de vue et découvertes de chaque équipe, et elle crée aussi une certaine tension chez le lecteur qui, peu à peu, commence à tresser des liens entre les deux enquêtes parallèles, alors que les enquêteurs eux-mêmes ne peuvent avoir cette vision globale…
Le Cercle des mensonges propose, en outre, de boucler une porte laissée ouverte dans Le Cheptel, avec une troisième enquête conduite en off par ma gendarme Eloïse. De très nombreux lecteurs m’avaient fait part de leur frustration devant la fin « ouverte » du Cheptel, ils pensaient vraiment qu’il y aurait une suite… Or, « Double Amnésie », le roman qui est sorti après Le Cheptel, n’était absolument pas une suite, tout simplement parce que ce n’était pas prévu du tout !
Les lecteurs ont beaucoup insisté, et j’ai fini par me dire : « après tout… pourquoi ne pas boucler définitivement Le Cheptel ? »
Pour autant, je ne voulais vraiment pas qu’il s’agisse d’une suite pure et dure, une sorte de Cheptel tome 2, donc j’ai greffé une enquête officieuse à l’intrigue principale que j’avais commencé à élaborer.
Donc, pour répondre à votre question : non, je n’ai absolument pas construit de story-boards préalables à l’écriture de ces deux romans qui, aujourd’hui,se complètent.
Bepolar : On retrouve Eloïse Bouquet qui mène l’une des deux enquêtes et que l’on avait déjà suivie dans le Cheptel. Comment la présenteriez-vous ?
Céline Denjean : Eloïse est apparue pour la première fois dans « La fille de Kali », et je n’avais pas encore envisagé d’en faire un personnage récurrent ! Je l’ai donc construite au fil des romans : c’est un personnage complexe, à la fois pugnace et fragile, maladroite mais sincère, parfois attachante, souvent agaçante par son côté un peu binaire, dirigiste, à vif…
Bepolar : Quelle place a-t-elle dans votre esprit d’autrice en tant que personnage récurent ?
Céline Denjean : Pour être franche, un personnage récurrent, c’est à la fois une forme de « confort » et un fil à la patte empêchant ! Le personnage récurrent impose une cohérence de psychologie, de fonctions, de lieu d’action… Et ces contraintes sont limitatives dans l’élaboration de certaines intrigues. D’où l’intérêt du one-shot que l’on retrouve chez de nombreux auteurs ayant un personnage récurrent !
Bepolar : On suit également le Lieutenant Urbain Malot et le major Margaux Dutilleux. Comment pourriez-vous nous les présenter ?
Céline Denjean : Je les ai créés pour mener l’enquête de police parallèle à celle de la gendarmerie, et cela a constitué une respiration pour moi, justement parce que ces nouveaux personnages m’ont permis d’alterner avec mon personnage récurrent !
Urbain Malot est un quadragénaire vif d’esprit, à la personnalité entière et placide, sportif invétéré (c’est un nageur, il évoque d’ailleurs son rapport à cette discipline)
Margaux Dutilleux est sa jeune subordonnée : elle a un tempérament plutôt exubérant, un brin moqueur et provocateur, mais elle travaille d’arrache-pied et voue un sincère respect à Urbain, son chef d’équipe.
Bepolar : Les chroniques sur le web louent votre précision et votre sens du détail, notamment dans le déroulement des enquêtes. Quelle est la part de documentation ?
Céline Denjean : C’est vrai, j’essaie d’être assez précise. Mais soyons clairs, il y a toujours une part avantageuse de liberté que l’on prend dans l’écriture vis à vis des procédures et de leurs temporalités notamment (les résultats de labo qui tombent en quelques jours par ex)
L’idée, c’est surtout de ne pas écrire d’énormités qui rendraient l’intrigue irréaliste. Donc, oui, je consacre un temps important à me documenter et, au besoin, je recours à des demandes de renseignements auprès des professionnels de terrain !
Bepolar : Quels sont vos projets, sur quoi travaillez-vous ?
Céline Denjean : Je viens de terminer un thriller, ce sera un one-shot, sans Eloïse, une petite respiration avec des personnages tout neufs (qui reviendront peut-être, qui sait ?!) Je suis actuellement en phase de relecture/corrections, mais je commence déjà à réfléchir au suivant...