Le Clan des Belen est un formidable premier roman qui vous emmène au cœur des Ardennes, dans un petit village dans la forêt dans lequel une jeune mère de famille vient de s’installer après sa séparation. Elle cherche à retrouver un peu de calme et de sérénité avec sa fille. Mais un soir, un loup blessé croise sa route. Vétérinaire, elle n’hésite pas à le soigner, s’attirant les foudres de certains... Julia Castel a accepté de répondre à nos questions.
Bepolar : Le Clan des Belen est votre premier roman. Qu’est-ce qui vous a mené jusqu’à cette publication ? Racontez nous comment vous êtes "entrée" en écriture ? Vous écrivez depuis toujours ?
Julia Castel : Contrairement à beaucoup d’écrivains, je n’ai jamais eu cette vocation enfant ou adolescente. Mon rêve, c’était d’être réalisatrice de film et de clips ! Mais j’ai toujours été passionnée par les histoires, sous toutes leurs formes, avec un vrai appétit pour l’étrange, le surnaturel et l’imaginaire. J’ai pris conscience très tardivement de cette possibilité de créer une histoire. Ce qui m’a fait écrire pour la première fois, c’est la dépression (comme quoi, on n’en sort pas forcément perdant !). J’ai eu besoin d’écrire sur ce que je traversais. Très vite, j’ai pris goût à l’esthétique de l’écriture. C’était un journal intime, et pourtant, je cherchais la phrase qui claque, le cliffhanger, la bonne formule. J’ai rapidement arrêté d’écrire sur moi, et j’ai commencé à écrire une histoire (deux solitudes qui se rencontrent dans un Paris post-apocalyptique, belle métamorphose de la dépression !). C’est là que j’ai compris, à 30 ans, que je n’avais pas besoin d’entrer à la Fémis et d’avoir toute une équipe de tournage : il me suffisait d’écrire pour faire mon film. Ça a été une vraie révélation.
Bepolar : Comment est née l’idée du Clan des Belen ? Qu’est-ce que vous aviez envie de faire ?
Julia Castel :Tout est parti d’une frustration de lectrice ! Je cherchais un bon roman de loup-garous à me mettre sous la dent, et je ne trouvais que des pitchs pour ado. La littérature Young Adult s’est beaucoup emparée des vampires, loup-garous, et autres monstres fantastiques. Rien d’anormal à ça, étant donné que ça parle de métamorphose, mais j’avais envie d’autre chose. J’ai donc décidé d’écrire le roman que je cherchais : un bouquin qui parle de monstres, mais pour adultes, sur un format thriller très réaliste. La nouvelle bête du Gévaudan, en somme.
Bepolar : Nora est vétérinaire. A la suite d’une séparation, elle part vivre avec sa fille dans le village de son enfance, pour retrouver un peu le terroir de ses origines. Mais très vite, tout dérape. Racontez-nous un peu Nora. Comment vous la voyez, vous son autrice ? Comment vous pourriez la présenter ?
Julia Castel :Nora, c’est une femme qui survit en mettant beaucoup de choses sous le tapis. La dépression de sa mère, l’absence de son père, un mariage insatisfaisant, une vie qu’elle subie en gobant des tranquillisants. Le livre parle de sa bascule. De ce moment de rupture qui l’oblige à se reconnecter à ses origines et aux zones d’ombres de son histoire. Je pense qu’on est nombreux à se retrouver en elle (bonjour à tous les adeptes du refoulement !). Ça parle aussi de la parentalité. Du miroir que lui offre sa fille, si différente d’elle. Et de l’instinct de protection qui l’anime.
Bepolar : On est dans Ardennes avec ses brumes et ses forêts. Pourquoi avoir choisi ce secteur et quel place a-t-il dans le roman ? Est-ce que votre histoire pourrait se dérouler dans une autre région ?
Julia Castel :Je cherchais une région excentrée, faiblement peuplée, pleine de forêts, de brume et de mystères. Je tenais également à ce que ça se passe en France ! J’ai très rapidement mis le doigt sur les Ardennes. Et plus je me renseignais, plus j’avais cette excitation en moi qui me disait : « oui, c’est exactement ça ! ». Prenez simplement le nom « Ardennes » : il vient de la divinité Arduinna, de la mythologie celtique, déesse de la faune, de la chasse et des bois. Étymologiquement, c’est dérivé de la racine arduo- qui signifie hauteur. On pense directement à ces forêts vertigineuses couvertes de brouillard. À ces bois et ces villages secoués par les légendes et les meurtrissures de la guerre. C’était le décor et le contexte idéal pour Le clan des Belen, une histoire de retour aux sources et de réveil des légendes. Ça m’a permis d’installer une ambiance très forte, dans un village isolé à la lisière de la forêt, avec une atmosphère brumeuse qui colore tout le roman. L’histoire aurait pu se passer ailleurs, oui, mais elle aurait été moins bonne !
Bepolar : Nora va sauver un loup, ce qui va provoquer une cascade d’événements et d’abord l’animosité des villageois. Vous aviez envie de parler aussi de cause animale dans votre roman ?
Julia Castel :Ça n’a jamais été une volonté, ça s’est imposé par l’histoire. Je ne pouvais pas parler de loups sans mettre en scène les questions que pose la réintégration des loups sur le territoire. Et j’ai tenu à nuancer les propos, à ne surtout pas rentrer dans le clivage bon/méchant, qui a raison, qui a tort. On voit tous les profils, tous les « camps » : les défenseurs des animaux, les chasseurs, les éleveurs, les villageois. Et on peut - j’espère - comprendre chacun d’entre eux. Si je n’avais suivi que mon avis et mes principes, l’histoire aurait vraiment perdu en nuance : je suis fermement anti-chasse, j’ai été très longtemps végétarienne, je condamne toute violence faite aux animaux, et je n’arrive même pas à empêcher ma chienne de venir sur le lit ! Mais quand j’écris, c’est pour raconter une histoire. Je n’ai aucun objectif de message ou de morale. En tant que lectrice, je déteste quand je sens que l’auteur essaie de donner une leçon.
Bepolar : Vous parvenez bien à faire monter votre suspens. Comment travaillez-vous ? Comment avez-vous structuré votre roman et son ambiance ?
Julia Castel :La question de la tension narrative était un point qui me tenait vraiment à cœur. J’ai voulu construire le roman comme un thriller qu’on ne peut pas lâcher. J’ai d’abord établi le squelette de l’histoire, en découpant l’action par chapitres, sans temps mort : il y a toujours un évènement qui fait avancer l’intrigue, et les chapitres sont courts, avec un petit cliffhanger dès que possible.
Mais il n’y a pas de suspens si le lecteur n’est pas impliqué : il fallait que j’accroche le lecteur à Nora. Qu’on puisse s’identifier à elle, s’imaginer à sa place, comprendre ses enjeux. La narration à la 1ère personne a beaucoup aidé en ce sens. C’est plus immersif.
Pour captiver le lecteur dès le début, j’ai écrit la mise en place comme l’ouverture d’un film d’horreur : Nora arrive avec sa fille dans la maison familiale dont elle vient d’hériter, au fin fond des Ardennes. Sa maison ressemble à celle de Boucle d’or et les trois ours, mais on sent qu’il va se passer quelque chose de grave. Grâce au prologue, le lecteur sait qu’il y a un monstre dans les bois. C’est classique, mais ça fonctionne !
Bepolar : Quels sont désormais vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Julia Castel :J’ai pas mal de manuscrits en cours, et chacun revisite une créature du bestiaire fantastique : zombie, vampire, loup-garou, fantôme, sorcière… Ecrire les monstres et l’étrange sous un angle fantastique et réaliste, voilà mon projet !
Actuellement, je me concentre sur mon deuxième roman : un thriller fantastique qui se déroule dans le Paris des années 30, où une jeune femme retrouve toute sa famille assassinée, et va être en proie aux agressions d’un spectre. Vous l’aurez compris, cette fois-ci, je m’attaque aux fantômes ! Ma nouvelle héroïne va elle aussi se retrouver aux prises d’un engrenage écrasant qui la dépasse, et découvrir des secrets de famille qui vont l’entraîner dans le Paris de la contrebande, de l’occulte et des maisons closes. Ça parle de deuil, de complot, de vengeance, et du pouvoir de la colère. Je me régale, et j’espère que les lecteurs se régaleront tout autant !