- Auteur : Christophe Sambre
- Editeur : Éditions Rod
Christophe Sambre nous parle de Serial, son thriller sanglant.
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman ? Si j’ai bien compris, il a été écrit il y a quelques années ?
Christophe Sambre : Serial a été écrit il y a plus de 15 ans, en 2001 pour être précis, ce qui lui donne un petit côté « vintage » que les lecteurs de ma génération devraient apprécier. Rappelez-vous les années 2000, il n’y avait ni smartphones, ni tablettes, Internet n’en était qu’à ses premiers balbutiements et le monde tournait différemment.
L’idée de ce livre m’est venue alors que je venais d’achever l’écriture d’un roman de fantasy « classique » et que j’avais envie de m’essayer à un univers réaliste et actuel, un univers sombre, violent et outrageusement décadent. Le polar s’est très vite imposé comme une évidence, mais je ne voulais pas en suivre les codes ; je ne voulais pas d’une enquête longue, alambiquée servie par des personnages stéréotypés ; je souhaitais une histoire simple et crue, accompagnée d’une narration visuelle, vive, et sans concession.
Un roman où le tueur serait au centre de l’histoire.
J’eus alors l’idée d’explorer mon goût pour la beauté des mains des femmes, d’’imaginer ce que pourrait faire, ce que pourrait être, un psychopathe fasciné par les mains.
Bepolar : Un de vos héros, et pas forcément le plus gentil, porte votre prénom... Pourquoi ce choix ?
Christophe Sambre : Le roman ouvre sur le personnage de Christophe, un jeune homme apparemment sans histoire, les cheveux en bataille, des lunettes rondes, un jeans, un tee-shirt et un vieux sac US posé en vrac à ses côtés. Assis sur les marches de la Défense, il fume cigarette sur cigarette et se plait à observer les gens, à leurs inventer une vie, des douleurs, des joies, des fantasmes. Rien de très répréhensible en réalité, si ce n’est que ce jeune homme d’apparence inoffensive cache de terribles envies.
Avec ce personnage, je souhaitais interpeller le lecteur et l’amener à penser que derrière le passant le plus anodin ; derrière cet homme assis à ses côtés dans le métro, sur un banc ; derrière un voisin, un collègue que l’on pense connaître… derrière n’importe qui en réalité, peut se cacher le monstre le plus abominable. Et qu’il suffit parfois d’une simple étincelle pour que l’horreur s’invite dans notre quotidien.
Très rapidement, j’ai alors réalisé que la meilleure façon d’instiller ce sentiment d’insécurité chez le lecteur était de baptiser mon personnage du même prénom que moi.
Bepolar : Votre thriller est qualifié par certains internautes de "dérangeants". Vous aviez envie de mettre mal à l’aise le lecteur ?
Christophe Sambre : Plus que de le mettre mal à l’aise, j’avais envie de l’inciter à réfléchir sur l’existence de ces êtres psychotiques et sans état d’âme ; ces personnes meurtries par la vie, parfois incontrôlables, mais pourtant profondément humaines. Je voulais déclencher en lui de la fascination, du dégout ; de la pitié et de la répulsion ; l’emmener avec moi dans la tête du tueur, dans celles des inspecteurs, le contraindre à observer ses pensées, ses pulsions, sa propension à juger de la vie des gens. Je voulais provoquer des questionnements, parfois peut-être une prise de conscience, celle de se dire que nos pensées, nos jugements, nos comportements ne sont pas toujours si éloignés de ceux d’un psychopathe.
Et qu’est-ce, qui dès lors, fait la différence entre Christophe et nous ?
Et après ces questionnements, n’offrir aucune échappatoire au lecteur ; garder la noirceur omniprésente, ne jamais se soucier de rassurer le lecteur.
Bepolar : Quelles sont vos influences en matière de polar ?
Christophe Sambre : Quelque soit le genre dans lequel je m’exprime (polar, fantasy, fantastique ou SF), mon inspiration se nourrit toujours de bandes dessinées, de cinéma, de musique et bien évidemment de littérature.
Pour ce qui est de la genèse de Serial, elle se situe au cœur de plusieurs univers : d’abord celui les romans graphiques de Frank Miller (Dark Knight Returns, Sin City) pour leur violence faite d’ombre et de lumière crue, leurs villes sans issue, noyées dans le pêché où seules les âmes solitaires survivent ; ceux du duo Gaiman/Mac Kean (Arkham Asylum, Black Orchid, Violent Case) pour leur construction déstructurée, la réinvention surprenante et ambigüe des personnages ; puis viennent ensuite les thrillers de Thomas Harris (Le Silence des Agneaux, Dragon Rouge) pour la complexité des protagonistes, la finesse des interactions, la subtilité de l’intrigue ; j’évoquerais aussi la littérature underground et morbide de Poppy Z. Brite (Le Corps Exquis, Âmes Perdues) pour son écriture sans concession, crue, ses personnages révoltants et pourtant fascinants ; et je finirais par les romans noirs de Thierry Di Rollo (Archeur, La Lumière des Morts) pour l’absence pesante de lumière et leur profondeur oppressante.
Passionné de cinéma, j’aime à dire que mon écriture est visuelle et qu’elle s’inspire d’atmosphères cinématographiques souvent marquées. Ainsi, pour « Serial » j’avais en tête les couleurs dégoulinantes de David Fincher (Seven, Fight Club), les rues souillées d’immondices, ineffaçables malgré la pluie.
Pour finir, je parlerais également des influences musicales qui ont accompagné l’écriture du roman : Massive Attack, « Mezzanine » bien sûr, « Protection » ou encore « Blue Line ». Serial a été construit et écrit « sous » Massive Attack d’une certaine façon ; orienté, dirigé par les rythmes lancinants du groupe.
Bepolar : Comment pourriez-vous nous présenter vos deux inspecteurs, Marsy et Geoffrey ?
Christophe Sambre : Ces deux inspecteurs, chacun à leur façon, sont des hommes abimés par la vie. Bien plus que leurs parcours de flic, c’était leur relation, leurs fêlures qu’il m’intéressait d’explorer et de développer.
Marsy est le plus vieux des deux et aussi le plus déglingué. C’est un homme rustre, maladroit et vulgaire ; sans attaches, sans principes ni moral… il se fiche d’être apprécié et ne s’encombre jamais des états d’âme de Geoffrey. Son passé est trouble, entaché de lourdes blessures, mais c’est un bon flic... instinctif, direct et rapide.
Geoffrey, quant à lui, est un homme droit, subtil et élégant… un peu trop sans doute. Cultivé et curieux, il aime prendre son temps pour tout analyser, tout prévoir et organiser. Malgré son aversion pour le franc parler de Marsy, il ne voudrait sans doute aucun autre équipier que lui.
Bepolar : Pourra-t-on vous voir prochainement en dédicace ?
Christophe Sambre : Originaire du Nord-Est de la France, d’un petit village près de Metz, j’aurais le plaisir dans les mois qui viennent de présenter mon roman dans divers salons locaux : d’abord au salon Bouq’In de Boulay, les 29 et 30 juin ; puis au Salon du Livre de Yutz le 8 Septembre et enfin au salon Mémoire d’un Terroir de Scy-Chazelles, les 28 et 29 Septembre.
Ensuite, je participerai au salon Mon’s Livre en Belgique les 16 et 17 Novembre.
Bepolar : Quels sont vos projets ? Avez-vous un autre roman en cours ?
Christophe Sambre : J’ai plusieurs projets en cours de réalisation ou en préparation.
Le premier est une aventure à la frontière entre anticipation et Fantasy Urbaine, destinée à un public Jeunes Adultes, sur laquelle je travaille depuis plusieurs années et dont les deux premiers tomes sont finalisés ; le troisième et dernier étant en cours de construction. Il n’y a pas encore de sortie annoncée, mais j’espère bien le voir publié courant de l’année prochaine.
Ensuite, je prépare pour la fin de l’année un projet composé de trois recueils de nouvelles, illustrés par des amis : Pascal Izac, Aalhex Pantin et Gianmarco Liacy. L’idée étant de proposer trois recueils de sept textes chacun, avec un illustrateur par recueil et une illustration par texte. Des recueils qui pourront être achetés séparément ou dans un coffret conçu pour l’occasion. Pour ce projet, je réfléchis actuellement à une campagne de financement participatif.
Enfin, je prépare à un nouveau thriller. Le synopsis n’en est pas encore complètement fini, mais les lecteurs de Serial devraient y retrouver tous les ingrédients qui les ont enthousiasmés une première fois.