- Auteur : Anouk Shutterberg
- Editeur : Plon
Bepolar : Comment est née l’idée du roman Jeu de peaux ?
Anouk Shutterberg : L’idée a germé il y a quatre ans. J’ai toujours été fascinée par l’univers de l’art contemporain pour ce qu’il a parfois d’excessif dans les prix exorbitants qui s’affichent en salle des ventes et des artistes qui vont toujours plus loin dans leurs œuvres parfois à l’excès.
Bepolar : Votre récit évolue dans le monde du tatouage. Votre héros est initié au Japon à la technique du tatouage Irezumi. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous plongez dans cet univers ?
Anouk Shutterberg : J’en reviens à l’art. Je considère que le tatouage n’est pas encore assez reconnu en tant qu’art à part entière. Mais il est en passe de le devenir tout comme la photographie en son temps. Depuis son invention au XIXè siècle, la photographie a eu le temps d’établir ses lettres de noblesses : Doisneau, Cartier-Bresson, Robert Capa, Man Ray. Aujourd’hui des artistes comme Gllles et Georges ou David LaChapelle sont devenus des incontournables de la scène artistique internationale.
Je souhaitais créer le lien entre le tatouage et le monde de l’art. Le tatouage Irezumi, tel que pratiqué depuis des siècles au Japon est la forme la plus pure de cet art mais aussi la plus douloureuse. Il permet des explosions de couleur et des contrastes proche d’un tableau sur toile. Ce que ne permet pas toujours le tatouage tel qu’il est pratiqué généralement. Enfin, tout dépend de l’artiste au bout de l’aiguille. Des artistes tatoueurs comme Mickael de Poissy par exemple réalise de véritables tableaux sur peau.
Bepolar : Le commissaire Stéphane Jourdain et l’inspectrice Lucie Bunevial sont saisis de l’enquête. Qui sont-ils ? Comment les voyez-vous ?
Anouk Shutterberg : Stéphane Jourdain est au premier abord un flic un peu caricatural avec sa mauvaise humeur et ses coups de gueule. Mais au fond c’est un vrai tendre du haut de ses I,95. Il a des problèmes de quadra entre vie de famille et vie professionnelle et il a du mal à gérer les deux de front. Ce n’est pas différent des problèmes que tout le monde rencontre dans la vraie vie au fond. Il est beaucoup plus sensible qu’on l’imagine, il faut passer le cap de la première impression. Visuellement si je devais faire un casting se serait Javier Bardem.
Lucie c’est une armure en titane du même acabit que Jourdain. Mais évidemment ce n’est que qu’une façade qui la protège du monde extérieur. Orpheline, elle apprend très vite à se débrouiller seule, sans filets. Peu sociable mais fidèle en amitié elle est pragmatique et fonceuse. Sa part de masculinité est assez puissante. Visuellement quand je l’imagine je pense à l’actrice Leïla Bekhti : une jolie fille dotée d’un sacré caractère, impulsive et explosive mais dotée d’un cœur en or. En tout cas c’est telle que je l’imagine.
Bepolar : Vous avez de nombreux personnages qui passent dans votre roman. Ils sont de plusieurs nationalités. Comment construisez-vous vos personnages ?
Anouk Shutterberg : En fait je ne les écris pas je ne fais que décrire les images qui m’arrivent en tête. C’est comme décrire une série ou un film que je visionne. Les nombreux personnages m’ont poussée parfois à forcer leur description physique et leur caractère pour que le lecteur identifie immédiatement chaque personnage. J’ai plusieurs dossiers en parallèle dans lesquels je les décris notamment : personnalité, filiation, environnement familial et leur enfance souvent chaotique qui va déterminer leur personnalité à l’âge adulte. Les personnages les plus violents et les plus cruels de mon roman ont eu une enfance désastreuse ce qui permet de mieux comprendre leur distanciation par rapport à leurs actes sans toutefois les excuser de leurs crimes.
Bepolar : Vos descriptions de charnier ou de crucifixion demandent un cœur bien accroché. Est-ce qu’elles ont été faciles à écrire ces scènes ?
Anouk Shutterberg : Franchement j’ai lu dans quelques critiques qu’il ne fallait pas mettre mon roman entre toutes les mains. Ok. Mais honnêtement, certains classiques du cinéma comme Le Silence des agneaux, Seven, Scarface montrent des scènes franchement sanguinaires sans pour autant nuire au scénario. Les scènes violentes que j’ai décrites ne sont pas là pour choquer, elles font parties intégrantes de l’univers dans lequel se place les actions. Pour répondre à votre question. Non, ces scènes ne m’ont pas posé de problème à l’écriture car plusieurs fois j’ai imaginé des ralentis cinématographiques à la Guy Ritchie. Je me distancie de l’acte et de l’image qui me vient en tête pour avoir une vue d’ensemble, toujours dans un registre cinématographique. Pour la crucifixion, j’avais en tête une des dernières scènes du Silence des Agneaux lorsque Lecter est prisonnier dans sa cage et qu’il arrive à se libérer.
Bepolar : Vous avez trois chapitres dans lesquels vous donnez la parole au meurtrier. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?
Anouk Shutterberg : Jeu de peau n’est pas un thriller linéaire. Il y a beaucoup de flashback et de scènes violentes. Donner la parole au meurtrier permet étrangement d’apaiser le récit, de le ralentir, pour que le lecteur reprenne son souffle.
Bepolar : Un petit mot sur vous. C’est votre premier thriller. Comment avez-vous vécu ces premiers pas d’autrice les dernières semaines ?
Anouk Shutterberg : Fébrile ! Mais j’ai la chance d’avoir une super éditrice Céline Thoulouze et une belle équipe chez Plon pour la promotion de mon premier roman. Mais comme tout primo-auteur, je traverse des alternances entre enthousiasme et doute.
J’essaye d’émerger dans un contexte difficile et très concurrentiels avec de nouveaux auteurs et les plus grands noms du thrillers, des incontournables qui sortent leur dernier livre. C’est un peu chaotique parfois dans le ressenti mais je reste confiante car je sais que mon intrigue est originale et la fin surprenante.
Bepolar : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Anouk Shutterberg : Je suis actuellement en cours d’écriture sur le deuxième thriller. On retrouvera certains protagonistes de Jeu de Peaux mais dans une enquête très différente entre un cold case en lien avec des disparitions de jeunes adolescentes et qui refait surface dix ans plus tard avec des faits similaires. Dans Jeu de Peaux, cette future enquête est annoncée entre les lignes. Tout comme mon prochain thriller à sortir en avril ou mai 2022 qui annonce déjà les prémices d’une troisième et future enquête policière.
Jeu de Peaux sortira dans la collection Pocket en avril 2022 ce dont je me réjouis et mon deuxième tome sortira chez Plon en grand format au même moment.