- Auteurs : Juan Díaz Canales, Juanjo Guarnido
Petit focus sur le polar vidéoludique "Blacksad : Under the Skin", point’n click redécouvert lors de sa mise à l’honneur au Festival national du film d’animation 2021.
Le Festival national du film d’animation 2021 fut l’occasion, au salon des expériences numériques animées (SENA), d’un petit coup de projecteur sur l’adaptation de l’illustre série de bande-dessinée Blacksad (5 albums, 3 hors-série) en jeu-vidéo. Intitulé "Blacksad : Under the Skin" (2019), le jeu développé par Pendulos Studios (connu pour la série "Runaway", notamment) en collab avec Dargaud et édité par Microids s’apparente à un point’n click sur fond d’enquête policière. Il reprend sans surprise à son compte tous les codes et matrices du film noir (détective raté, femme fatale, mensonges, complot et corruption…), le tout passé au tamis d’une intrigue pleine d’animaux anthropomorphes (chats, chiens, chevaux ou encore reptiles) évoluant dans l’atmosphère cafardeuse des États-Unis de l’après guerre.
Le synopsis est à l’avenant, quelque part entre "Le Faucon Maltais" (Huston, 1930) et "Angel Heart" (Parker, 1987) : on retrouve pendu à une corde le cadavre de Joe Dunn, propriétaire d’un club de boxe, et dans le même temps disparaît mystérieusement la vedette en devenir Bobby Yale, habituée des lieux. Le détective Joe Blacksad se voit aussitôt engagé par Sonia, la fille de Joe Dunn, pour mener l’enquête.
John Blacksad, le héros du jeu, apparaît comme l’archétype ultime du polar : vaguement alcoolique, sans le sou, fumeur invétéré, bagarreur, ténébreux et névrosé… c’est un Bogart en puissance mâtiné de Mitchum et de Cagney. Bref, avec un tel pedigree au compteur, l’histoire ne saurait idéaliser l’Amérique sinon mettre à nu ses travers les plus refoulés. En cela, "Blacksad : Under the Skin" ne trahit pas le matériau dont il s’inspire, géniale analogie de notre monde bien loin d’un Disney et créée par le dessinateur Juanjo Guarnido et le scénariste Juan Diaz Canales, deux ténors de l’animation. Le jeu fait même plutôt mouche : il s’approprie l’ampleur visuelle et allégorique de son modèle au gré d’un scénario plutôt bien écrit et mis en scène. De plus, le travail sur le son, que cela soit en matière de choix musicaux (jazz) et dans le doublage, est assez bluffant.
La seule ombre au tableau, qui n’est pas des moindres malheureusement, réside dans sa réalisation parfois passable et son manque de finitions (bugs et autres soucis techniques), qui finissent par ternir certains moments de la progression. De même, il n’est pas rare durant les premières heures de jeu de devoir sans cesse retourner sur ses pas pour avancer dans l’histoire, ce qui alourdit le déroulé. Il n’empêche que dans son genre, et ce même avec ses mécaniques archi classiques et ses trompe-l’œil en matière d’alternative dans les choix du joueur (là où l’éthique est en jeu), "Blacksad : Under the Skin" demeure une expérience vidéoludique de polar assez enivrante et qui plus est peuplée de personnages bien plus souvent attachants. Le jeu est dispo sur Switch, PS4, Xbox One et PC/Mac.