- Acteurs : Kaya Scodelario, Theo James, Daniel Ings
- Séries : The Gentlemen
Guy Ritchie signe un spin-off amusant et caustique de son film "The Gentlemen". Brouillon et irrésistible, le résultat s’avère, comme souvent avec le réalisateur anglais, à forte teneur en THC.
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Depuis près de trois décennies, le réalisateur Guy Ritchie essaime les genres. De la comédie de gangsters ("Snatch", "Arnaque, Crimes et Botanique"…) au thriller ("Revolver", "Un homme en colère"…) en passant par le film d’aventures ("Le Roi Arthur"), l’adaptation littéraire ("Sherlock Holmes") ou encore la commande hollywoodienne ("Aladdin"), son style haut en couleurs en passe par moultes métamorphoses. Des changements de cap certes intéressants sinon audacieux, mais qui menacent souvent d’écorner ou tout au moins de diluer la patte de la mise en scène du cinéaste. Comme si la subtilité et la cohérence s’estompaient chez lui peu à peu, à force de flirter avec une sorte d’opportunisme. Non pas que le cinéaste ne prenne pas quelquefois des risques au-delà du calcul ("À la dérive", "The Covenant"…), mais le fil directeur de sa filmographie s’évanouit souvent à force d’accumuler les pas de côté. Avec la série "The Gentlemen", déclinée de son film éponyme "The Gentlemen" (2019), Guy Ritchie revient pourtant plus ou moins aux sources, le tout avec une certaine ferveur.
Plusieurs dynamiques s’entrecroisent ainsi dans la série "The Gentlemen" : le polar désopilant dont le réalisateur a le secret, mais également en creux une veine plus sombre et violente – celle qu’il explore par exemple dans "Un homme en colère". Par-dessous l’humour et une certaine sophistication british à grand renfort de tweed et de flegme, perce en effet une matière nettement plus sombre et impétueuse. En cela, "The Gentlemen" incarne-t-il une sorte de synthèse des différentes facettes du cinéma de Guy Ritchie. Soit la tentative de raccorder les pulsions pour les bastons et joutes rigolotes avec des instincts plus primaires et irrévocables. Toute cette recette entre rire et fatum ne relèverait pas du réalisateur si elle ne comportait pas bien sûr une brochette de protagonistes cocasses et poseurs, aux prises de dialogues mordants.
Avec de tels ingrédients, la mise en place et l’entrée en matière de "The Gentlemen" ne manquent ni de piquant, ni d’attrait – la scène de la poule, entre autres. D’autant que les acteurs, comme souvent chez Guy Ritchie, s’en donnent manifestement à cœur joie - Theo James, Kaya Scodelario, Daniel Ings, Vinnie Jones ou encore Giancarlo Esposito en tête. La comparaison, toute subtilité mise à part, avec Quentin Tarantino ou Sergio Leone (pour ne citer qu’eux), tient toujours, sans surprise. Il n’y a guère que dans l’humour et les décors souvent typiquement anglais que Ritchie trouve son autonomie et son originalité. Ce relatif manque de singularité, propre depuis toujours à son cinéma, n’entache toutefois qu’assez peu l’expérience, dans un premier temps très attachante.
L’intrigue, les personnages, les péripéties et la réalisation apparaissent le plus souvent soignés. Il faut dire que le carambolage entre noblesse flétrie et pègre irréductible conté dans "The Gentlemen" recèle ne serait-ce que sur le papier quelque chose de jouissif. Aussi, voir ces deux mondes-là s’absorber l’un l’autre au gré des scènes et séquences bariolées se révèle souvent croustillant.
Dommage toutefois que les trajectoires des protagonistes finissent en partie par se perdre en chemin lorsque vient le moment de boucler la saison. Car ce qui pouvait sembler crucial ou important l’espace de quelques séquences clés à mi-parcours, ne tient en définitive parfois d’un point de vue scénaristique que du remplissage – un remplissage attrayant peut-être, mais inutile dans la dramaturgie. Autant de détails a priori anodins, qui une fois enterrés dans les diverses ellipses de "The Gentlemen", assèchent un peu trop la série, qui finit à force de confusion par laisser légèrement sur sa faim. Quelques erreurs de parcours qui ne ternissent cependant que partiellement la série, dans l’ensemble agréable et recommandable.
"The Gentlemen" est disponible sur Netflix depuis le 7 mars.
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