- Réalisateur : Donald Glover
- Acteurs : Dominique Fishback, Chloe Bailey, Billie Eilish, Nirine S. Brown
- Séries : Swarm
Le showrunner excentrique de l’enivrante série "Atlanta" rempile avec une fable horrifique sondant la trajectoire sanglante d’une meurtrière obnubilée par une popstar. Pour un résultat remarquable, ou juste décevant ?
Swarm : que vaut la nouvelle série macabre de Donald Glover ?
Avec : Dominique Fishback, Chloe Bailey, Nirine S. Brown, Billie Eilish
De : Donald Glover, Janine Nabers
Genre : thriller, épouvante, drame
Pays : USA
Année : 2023
Dre est une jeune femme sans horizon enchaînant les petits boulots. Rien ne compte davantage pour elle que sa colocataire et amie Marissa, sans oublier bien sûr sa passion sans borne pour la chanteuse Ni’Jah, dévorante. Mais son obsession excessive et impérieuse pour la popstar la mène vers une descente aux Enfers macabre et sans retour…
Acteur, scénariste, réalisateur, rappeur (sous le nom de Childish Gambino), mais aussi DJ, humoriste… l’artiste Donald Glover jongle en virtuose avec d’innombrables casquettes depuis près d’une décennie. Qu’il s’agisse de son jeu, de son écriture ou de sa singularité, il semblait jusqu’ici difficile de prendre son talent à défaut, tous champs confondus. Une habileté qui confinait même souvent au génie à la lumière des dérèglements et décrochages jouissifs de sa série surréaliste "Atlanta" (2016-2022), histoire tragi-comique de deux cousins afro-américains confrontés à l’indifférence du racisme ordinaire et cherchant à percer dans le milieu du rap. Et pour cause : Donald Glover décrocha pour "Atlanta" en 2017 l’Emmy Award du meilleur réalisateur pour une comédie, chose jusqu’alors inédite pour un metteur en scène noir. À peine sa série "Atlanta" conclue (non sans quelques pirouettes jusqu’au-boutistes voire tocs et tape-à-l’œil dans sa dernière saison), le créateur embraye donc d’office avec "Swarm", série qu’il a co-créé avec Janine Nabers pour la plateforme Prime d’Amazon. Avec ses effets cradingues, son irrévérence et son humour noir, la série séduit un temps mais tourne quelque peu en rond.
Présentée par Donald Glover lui-même comme un mélange entre les films "La Pianiste" (Michael Haneke, 2001) et "La Valse des Pantins" (Martin Scorsese, 1983), "Swarm" est une mini-série recherchant résolument le choc – un peu trop sans doute. Comme si les créateurs voulaient quelque part surtout à insuffler à leur bébé quelque chose de l’essence légendaire de l’âge d’or des productions HBO (à la "Oz"), entre insolence, stupre et politiquement incorrect. L’amorce de "Swarm" mérite pour autant bel et bien le détour : au carrefour de l’échec grandiloquent, de la candeur et de la ringardise, le portrait de ses protagonistes – Marissa et surtout Dre – apparaît sensible et touchant. Si bien que l’on s’attache très vite à ces êtres inadaptés et entiers, adulescentes marginales que l’on dirait sorties de la série "Girls" (2012-2016) mais hantées malgré elles par l’épouvante et le sang – le racisme dont elles sont victimes, réalité dont Donald Glover se dépare rarement, entre aussi en ligne de compte. Ado attardée sinon sociopathe, Andrea – aka Dre -, incarnée dans une frénésie de folie et de fougue par la stupéfiante Dominique Fishback ("The Deuce", "Les Derniers Jours de Ptolemy Grey"…), attire la compassion tout comme l’effroi. Opposition qui caractérise à bien y réfléchir assez précisément la série "Swarm". Petit à petit, cet antihéros dévoré jusqu’au délire par son fanatisme à l’égard de Ni’Jah (chanteuse clairement inspirée de Beyoncé) révèle son côté obscur, au croisement des paradoxaux Don Draper ("Mad Men") et de Tony Soprano ("Les Soprano").
À ceci près que "Swarm" ne se distingue pour sa part que trop peu par sa subtilité. Au gré d’atmosphères crapoteuses et affectées – dynamique faussement humble et sous l’influence notamment d’"Euphoria" (2019) –, la mini-série tente d’esquisser en creux une satire sociale féroce. Puisque Dre se sent transpercée jusque dans sa chair - elle qui s’identifie en une afro-américaine libérée, vénérée et célèbre -, elle ne peut s’empêcher de tuer pour se venger du stigmate qu’elle ressent indirectement. Sauf qu’une fois la plongée sans retour de Dre initiée, l’incursion meurtrière devient pratiquement l’unique ressort du scénario. Désireux d’illustrer l’idée fixe des « Beyhive », ces fameuses fans inconditionnelles de Beyoncé, Donald Glover et Janine Nabers ne se concentrent que sur la lubie de Dre : à savoir exterminer toutes celles et ceux se permettant de déprécier son idole Ni’Jah sur les réseaux sociaux ou ailleurs. Dès lors qu’un mot prononcé ou écrit laisse planer le doute du dénigrement, la foudre s’abat sur l’infortuné détracteur. La violence fait quelquefois irruption avant de se matérialiser, s’infiltrant d’abord par le son (le bourdonnement d’une multitude d’abeilles) puis par une image subliminale (la ruche grouillante). La distorsion créée rappelle alors légèrement les furieux débordements de la série inclassable "Legion" (2017-2019). Malheureusement, ces quelques souffles d’inventivité n’apportent pas grand chose (convoquer l’horreur pour mieux décrire le réel s’avère une astuce bien connue) et l’impertinence d’"Atlanta" manque au bout du compte à l’appel. Plus gênant, un sentiment de déjà-vu affleure finalement et l’on se dit que tout cela manque d’inspiration. Restent toutefois quelques caméos truculents bienvenus pour tromper l’ennui : c’est le cas des apparitions de Paris Jackson (qui s’irrite de ne pas être acceptée comme noire, alors qu’elle est blanche) ou encore de Billie Eilish, dans la peau d’une gourou sectaire terrifiante. Pas non plus honteux, "Swarm" manque en somme de matière.
Mini-série en sept épisodes, "Swarm" est disponible sur la plateforme Amazon Prime depuis le 17 mars 2023.