- Auteur : Olivier Truc
- Editeur : Métailié
Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman ?
Olivier Truc : L’idée est née il y a de nombreuses années déjà au cours de reportages que j’ai réalisés dans cette région de Laponie, après des rencontres avec des éleveurs de rennes sami de la vallée de Pasvik et avec le commissaire à la frontière. Ils m’avaient parlé de ces rennes qui traversaient la frontière, et cela avait fait naitre en moi des tas d’idées.
Bepolar : On se trouve avec votre roman à la frontière entre Norvège et Russie, dans la vallée de Pasvik. Parlez-nous un peu de ce lieu. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’y raconter votre histoire ?
Olivier Truc : C’est une vallée norvégienne encaissée en Finlande et Russie, où les tracés de frontières ont écartelé des clans sami, avec une accélération au cours du siècle passé. C’est un mélange de lieu reculé et mystérieux où les gens s’accrochent pour survivre qui vient se heurter à la géopolitique. La petite histoire rencontre la grande, tout pour me plaire !
Bepolar : Comment les lieux influencent vos histoires ?
Olivier Truc : Dans Les Chiens de Pasvik, la force de la géographie s’impose naturellement. Le côté encaissé et reculé de la vallée recèle de vieilles histoires, la neige les étouffe, mais la fonte les libère. Des pâturages ancestraux déchiquetés par les tracés de frontières, des champs de bataille faussement assoupis qui crachent toujours leurs cadavres, un océan arctique qui souffle et ramène les hommes à la dureté du lieu.
Bepolar : C’est la quatrième enquête de la police des rennes. On suit plus particulièrement Klemet et Nina. Comment pourriez-vous nous les présenter ? Quels liens avez-vous avec eux ?
Olivier Truc : Klemet est un policier qui a pas mal de bouteille, suédois par sa mère, sami de Norvège par son père, mais un Sami dont le grand-père a été amené à quitter l’élevage de rennes, ce qui est très compliqué à vivre tant la culture sami s’assimile à l’élevage du renne. Klemet est le fruit de cette déchirure, il se débat avec des questions identitaires et culturelles.
Nina est originaire du sud de la Norvège, et lorsqu’elle est arrivée dans le grand nord, c’est la première fois qu’elle y mettait les pieds, elle découvrait aussi le monde sami, elle a des yeux neufs sur cet univers, elle est aussi imprégnée de culture scandinave, féministe, avec des idées tranchées du bien et du mal, peu enclin à s’en laisser conter.
Ces deux personnages m’ont été inspirés par un binôme d’inspecteurs de la Police des rennes que j’avais suivi en reportage.
Bepolar : Il y a aussi le berger norvégien Piera Kyrö. Parlez-nous de lui...
Olivier Truc : Piera, ce sont trois respirations tournées vers l’Est. Il a grandi dans la nostalgie des pâturages perdus du côté russe de la rivière Pasvik, et va se laisser embarquer dans une folle aventure pour que ses rennes retrouvent le lichen magique de la vallée de Pasvik.
Bepolar : Ce livre parle aussi des Samis, un peuple autochtone entre la Suède, la Norvège, la Russie et la Finlande. Quels liens avez-vous avec eux ?
Olivier Truc : Je fréquente le peuple sami depuis presque 25 ans, j’y ai des amis, que ce soit à Stockholm ou en Laponie, qu’ils soient éleveurs de rennes, artistes, journalistes ou cuisiniers. Ils ont une identité très forte, fière, et se débattent pour la faire vivre, à leur façon, et j’essaye d’accompagner ça, à ma façon.
Bepolar : Il y a aussi un peu de géopolitique entre les deux pays. Quelle a été la part de documentation ?
Olivier Truc : Beaucoup de lecture, livres et journaux, du temps passé sur le terrain, des patrouilles le long de la frontière, des entretiens, en Russie et en Norvège, du temps passé à flâner dans les petites villes russes de la péninsule de Kola ou dans les recoins de la vallée de Pasvik.
Bepolar : Vous êtes journaliste. Comment votre métier joue-t-il dans l’écriture de vos romans ? Quels sont les liens ?
Olivier Truc : J’ai découvert avec le temps que le polar était un prolongement assez naturel de ma façon d’exercer le journalisme, de l’immersion, des rencontres, une envie de raconter les coulisses, de décortiquer les mouvements de la société, de tremper la plume dans la plaie. Les deux s’y prêtent parfaitement, l’enquête dans les deux cas, avec dans le cas du roman la possibilité de rentrer dans la tête des gens ou de relier des événements entre eux même si vous n’en avez pas la preuve. Dans les deux cas, ce sont les limites qu’imposent le journalisme.
Bepolar : Quels sont vos projets, sur quoi travaillez-vous ? Est-ce qu’on retrouvera la police des Rennes dans une prochaine histoire ?
Olivier Truc : Je vous trouve bien indiscret…