- Réalisateur : Charlotte Sanson
- Acteurs : Théo Fernandez, Khalil Ben Gharbia, Raïka Hazanavicius
Au programme de Les 7 vies de Léa, un cold-case, un voyage dans le temps en mode Walkman en 1991 et un teen-movie avec tout ce que cela suppose de parcours initiatique. Une recette plutôt bien exécutée mais qui manque de piquant et d’originalité.
Léa est une adolescente comme les autres : pleine de rêves, de fantasmes et de chaos entremêlés. Par un après-midi de fête arrosée, aux abords des Gorges du Verdon, le spleen la submerge tandis qu’elle songe à son avenir incertain. Légèrement enivrée et droguée, elle succombe aux idées noires, déambule dangereusement le long des gorges.
Alors qu’elle titube en s’apprêtant à tenter de se suicider, elle découvre par hasard un squelette. À qui ce dernier appartient-il ? Tout à coup, le destin de Léa se télescope avec celui de cet inconnu, un "cold case" mort il y a près de vingt ans. Chose étrange, Léa se réveille littéralement dans la peau de l’adolescent trépassé, à l’été 1991. Débute une sorte de whodunit teinté de teen-movie, de fantastique et de mélodrame, au gré d’une mini-série en sept épisodes.
De par l’épais mystère entourant le squelette retrouvé dans les gorges du Verdon, et via l’enquête en lien, Les 7 vies de Léa emprunte directement les codes du polar. Mais cet air de famille relève aussi du trompe-l’œil. La mini-série s’empresse en effet très vite de brouiller les pistes en explorant avant toute chose le rapport au monde de l’héroïne. Chaque jour, à mesure que progresse l’enquête, Léa se réveille malgré elle en 1991, dans la peau d’un protagoniste de l’entourage de l’adolescent trépassé. Les informations qu’elle y glane lui permettent ensuite de mieux appréhender le présent, jusqu’à le modifier quelquefois.
Si la voix off de Léa, qui restitue le flot de ses pensées et interrogations, apparaît parfois désagréable sinon maladroit, la série parvient malgré tout à trouver un équilibre. Sans lésiner sur les stéréotypes mais non sans une certaine diversité, Les 7 vies de Léa dessine un portrait de l’adolescence assez prenant et sensible. Le parallèle entre la temporalité contemporaine et l’été 1991 - les plans insistent sur la sortie de Terminator 2, autre film sondant les questions de voyages dans le temps - réservent quelques contradictions et nostalgies bienvenues. L’ère "me too" est passée par là et la mini-série s’empresse de le rappeler. Chaque fois dans la peau d’un nouveau protagoniste, Léa prend des décisions morales et impose un rapport aux autres peut-être inattendu en 1991. Jugements de valeurs, distinctions sociales et de genres… Les 7 vies de Léa déconstruit ainsi joyeusement les idées reçues (grossophobie, représentations sexuelles…), sans doute avec une faconde un peu trop scolaire mais souvent du meilleur effet.
À l’image de la problématique morale d’une série de crime/teen telle que 13 Reasons Why, où chaque personnage délivre des secrets insoupçonnés et un double-fond inattendu, on sent également la prétention de Les 7 vies de Léa d’appréhender l’adolescence à travers toutes ses nuances et sa complexité. Le ton, un brin solaire et fleur bleue ici, a beau se distinguer de la noirceur du thriller, la structure reste semblable - le public ado reste clairement visé. À cela s’ajoute une dynamique sensitive assez proche de la série Sense 8 - en moins radicale et plus sage. À l’intérieur de l’autre, Léa explore aussi malgré elle d’autres identités et sensibilités sexuelles : tour à tour homme, femme, elle fait ainsi malgré elle l’expérience de l’altérité jusque dans les situations les plus intimes. Comprendre l’autre, c’est donc littéralement se mettre à sa place. Aussi peu élégant et déjà-vu soit le dispositif de Les 7 vies de Léa, ce dernier a le mérite de fonctionner.
Dommage cependant que le style de la mini-série, trop en retrait et passe-partout, apparaisse si fade. La nécessité de déconstruire toutes les grandes étapes du teen-movie classique suppose bien sûr un certain mimétisme, mais tout de même. Il y a alors un vrai côté Peggy Sue s’est marié (Francis Ford Coppola, 1986) mais en beaucoup plus conventionnel, étrangement. Ce phénomène, qui évite de peu parfois la caricature, s’explique surtout par le format long de Les 7 vies de Léa : le déroulement de l’intrigue aurait gagné à être condensé. Autre limite : un casting réussi dans l’ensemble mais qui manque de spontanéité - Léa, notamment.
Notons enfin que la dimension polar de la série en reste en définitive au MacGuffin, de sorte que tout cela tient du prétexte : le destin du squelette mystérieux nous intéresse moins que la trajectoire de Léa, sa manière d’appréhender l’autre. Il n’empêche : sous ses faux airs de série bas de gamme vue et revue, Les 7 vies de Léa met en perspective quelques questionnements ontologiques et notre rapport aux autres. Pour une mini-série Netflix dédiée aux ados, c’est déjà beaucoup.
Disponible sur Netflix, la mini-série Les 7 vies de Léa est adaptée du roman Les 7 vies de Léo Belami, de Nataël Trapp.