- Auteur : Matz
- Editeur : Grand Angle
La série le Tatoueur est un drôle de polar, dans lequel un tatoueur aussi mystérieux et solitaire que talentueux se retrouve mêlé à une révolte de Taxi... Séduits par le premier tome, nous avons posé quelques questions au scénariste Matz.
Bepolar : Comment avez-vous imaginé et construit Le Tatoueur ? Comment pourriez-vous nous présenter ce personnage ?
Matz : Comme souvent, la genèse s’accompagne de plusieurs contraintes. Les deux principales étaient d’une part le temps, parce que cette bande dessinée a été à l’origine conçue pour paraître dans un magazine hongrois, à raison d’une page par semaine, et en fait, la publication de la première page était immédiatement après le lancement du projet, donc il a fallu écrire à flux tendu, sans possibilité de rectification ou de correction. C’était une expérience d’écriture assez neuve pour moi, et très exigeante, qui pose des contraintes particulières. C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’option de développer un récit nettement plus « atmosphérique » que ce que je fais d’habitude. Et d’autre part, il fallait un fort élément hongrois dans l’histoire. Donc le héros est hongrois, mais on est à Paris. Attila est hongrois et vit en Hongrie, mais je n’y suis jamais allé et à part la lecture de quelques romans d’écrivains hongrois, comme Georges Ferdinandy avec qui j’ai travaillé il y a de nombreuses années, je n’étais pas très à l’aise pour situer toute l’histoire en Hongrie… Peut-être dans un prochain album, et s’il redevient possible de voyager ! Zoli - c’est son nom - est donc un tatoueur hongrois dont on comprend qu’il fait tout son possible pour faire profil bas et ne pas se faire remarquer. Mais c’est un tatoueur reconnu et apprécié, demandé, et il vit de son art, dans une semi clandestinité. On n’en sait pas trop sur les raisons qui l’ont poussé à fuir son pays, mais on comprend qu’il y a des gens qui le cherchent. Et il va faire une rencontre qui va bouleverser sa vie : un chauffeur de taxi d’origine hongroise lui aussi, qui veut l’entraîneras dans une histoire de fou dont il ne veut rien savoir.
Bepolar : Quel est votre rapport au tatouage et qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser à cet art ? Quelle a été la part de documentation ?
Matz : Je n’ai pas vraiment de rapport au tatouage, dans le sens où je ne suis pas tatoué et où je trouve ça très étonnant de vouloir se marquer comme ça. En fait, le tatouage est plutôt pour moi comme un point d’interrogation. Il y a là-dedans quelque chose qui m’échappe et qui m’intrigue. Attila est tatoué et aime beaucoup ça. Xavier, avec qui je travaille sur Tango, lui aussi est tatoué. J’avoue que je ne comprends pas très bien. Je ne juge pas, bien sûr, mais ça m’intrigue. En partie parce que j’ai un problème avec le côté définitif de l’affaire. Moi, j’hésite à coller un autocollant sur mon scooter, si vous voyez ce que je veux dire. Je me dis, aujourd’hui, j’aime bien ce motif et je me le fais tatouer, mais si je ne l’aime plus dans cinq ans, je suis coincé avec pour toujours ou presque. Effrayant ! Ceci dit, les gens tatoués sont extrêmement nombreux, c’est presque devenu la mode, et la norme, et donc je trouvais, en parlant avec Attila, que c’était quelque chose de très peu vu et employé en BD et dans les fictions, et comme le métier de tatoueur convenait assez bien au personnage que j’avais envie de développer, on s’est dit que cela collerait bien. Surtout que pour la BD, qui est un art visuel, c’est quelque chose d’intéressant à utiliser. Ça change un peu et ça apporte quelque chose. Mais ce n’est pas pour ça que je vais courir me faire tatouer quelque chose sur l’épaule ou le mollet.
Bepolar : L’autre grand sujet de ce premier album, c’est bien entendu la révolte des taxis, la révolution même. Comment vous est venue l’idée ?
Matz : Cette idée m’a été « offerte » par un chauffeur de taxi quelque peu inquiétant qui m’a conduit un jour dans Paris. Pendant une longue course à travers la ville, il m’a développé un exposé très proche de celui du chauffeur dans l’album. Mais tout à fait logique : si les chauffeurs de taxi mettaient en commun toutes leurs connaissances, tout ce dont ils sont témoins, qui ils conduisent, quand et où, tout ce qu’ils voient et entendent, ils auraient un pouvoir énorme ! Et puis aussi, à un moment, j’habitais dans une rue où il y avait une boite échangiste, et quand je prenais le taxi, souvent, les chauffeurs, pensant que j’y allais (à tort, mais je ne porte pas de jugement), ne se privaient pas de me dire quelles célébrités ils y avaient déposées la veille ou le mois dernier, et franchement, si c’était vrai, c’était assez surprenant. La combinaison des deux a donné cette idée de conspiration un peu particulière. Donc cette idée vient vraiment de la réalité.
Bepolar : Comment avez-vous travaillé avec Attila Futaki ? Vous avez discuté des choix graphiques avec lui ?
Matz : Pas vraiment. Je connais son style, donc il n’y a eu aucun problème. C’est comme un metteur en scène de cinéma qui prendrait un très bon acteur. Je suppose qu’il n’y a pas des masses de choses à discuter. Attila a beaucoup de talent, il suffit de le laisser faire !
Bepolar : Ce premier tome est un super début. Est-ce que vous pourriez nous dire un mot de la suite ?
Matz : Pour l’instant, cet album est un one shot. Si ça marche, si l’éditeur est content, il nous demandera peut-être une suite. Ce qui est sûr, c’est que les personnages et les trames ont du potentiel pour nourrir d’autres albums !
Bepolar : Enfin quels sont vos projets et sur quoi travaillez-vous ?
Matz : J’ai plusieurs projets de bd dans les tuyaux, qui sont à différents stades d’avancement. Il y a plusieurs albums qui sont en train d’être dessinés. Tango 6, Le Tueur - Affaires d’Etat 3 et un petit dernier pour lequel j’ai une tendresse particulière (comme pour tous les petits derniers je suppose) qui s’appelle Le Grizzli. C’est pour l’année prochaine. Pour ce qui est de l’écriture, j’ai terminé deux scénarios, une adaptation de « La disparition de Josef Mengele », le livre d’Olivier Guez, ainsi qu’un roman graphique qui se passe sous l’Occupation. Je planche en ce moment sur l’adaptation d’un roman d’Olivier Norek, « Surface », ainsi qu’un one shot original avec Xavier, le dessinateur de Tango, mais dont je ne veux pas trop parler parce que le contrat n’est pas signé. Après quoi je m’attaquerai aux nouvelles aventures du Tueur. Je dois aussi traduire un livre sur la musique, ce qui me fera une récréation ! Et puis, bien sûr, j’attends avec curiosité de voir ce qui se passe avec le film du Tueur. Ça devrait être quelque chose !