- Auteur : Franck Mignot
Mollesse, c’est l’histoire d’un père de famille qui s’ennuie, au travail, dans son couple... Jusqu’à ce qu’un élément le fasse basculer... Interview de Franck Mignot pour son premier roman...
Bepolar : C’est votre premier roman publié. Pourriez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a conduit à l’écriture ?
Franck Mignot : Né en 1986, à Dole. J’ai grandi dans le Jura. Je vis actuellement en Bretagne, à Brest plus exactement.
Ce qui m’a conduit à écrire… tout simplement l’Education Nationale. On apprend à écrire à l’école. On nous demande dès les classes de primaire de raconter des histoires. Rentrée de septembre, classe de CM1, expression écrite : racontez un souvenir de vacances. Il faut croire que j’ai pris ces consignes au sérieux. Et même si ça a déjà été dit mille fois, cela n’empêche pas que ce soit vrai, avant d’écrire on aime d’abord lire. J’ai beaucoup lu et ça m’a donné des idées.
Bepolar : Comment est née l’idée de Mollesse ?
Franck Mignot : À l’époque de l’écriture de Mollesse, je me suis retrouvé dans une situation paradoxale, une situation où deux options s’offrent à vous et où ces deux options menacent de vous mener dans une impasse. Cela m’a donné une recharge émotionnelle suffisante pour l’injecter dans le personnage de Samuel.
Il y a cette histoire psy de l’école de Palo Alto. Un jour, une mère offre à son fils, pour son anniversaire, une cravate rouge et une cravate bleue. Le fils remercie sa mère et monte à l’étage mettre la cravate rouge. Lorsqu’il redescend les escaliers, sa mère le regarde avec un air ennuyé « je savais que la cravate bleue ne te plairait pas… » J’avais envie que mon personnage Samuel se trouve dans ce genre d’impasse. Pour la garniture de l’histoire, il m’a semblé naturel de parler du confinement, du Covid, et aussi du racisme anti-parisiens qui foisonnaient dans les journaux.
Bepolar : Votre héros, le narrateur, semble avoir une vie bien rangée et déprimante. Qui est-il pour vous ? Comment vous le présenteriez ?
Franck Mignot : Ce héros est la part de nous qui, par moment, se croit condamnée à l’éternité de ce qu’elle vit.
C’est aussi l’individu qui décide de croire dur comme fer en sa théorie, qui choisit de faire de sa lecture du monde la seule interprétation valable.
Dans son évolution, il fait basculer sa médiocrité chaleureuse vers une honte féroce.
Ce héros, c’est aussi la part instinctive de chacun de nous. Il faut être poli, réussir sa vie, s’instruire… mais il incarne l’autre versant par moment, par exemple quand il dit « Je finissais désormais un fromage mou et malodorant sur le reste de pain italien. Je ne retiens pas facilement les noms des fromages. Lorsque je les ai en main, l’envie de bouffer écrase l’envie d’apprendre. » L’homme dit et fait différentes choses intelligentes et parfois aussi il s’essuie… Samuel est fait de ce bois-là.
Bepolar : Un petit mot sur le titre. Votre héros a-t-il fait un choix pour la Mollesse selon vous, ou est-ce que c’est une forme de fatalité de la vie ?
Franck Mignot : Il y a un bain ambiant dans lequel ce héros trempe. Il se plie aux impératifs. Il s’y plie mollement. Il y a cette formule de Freud que j’aime bien « L’homme civilisé a fait l’échange d’une part de possibilité de bonheur contre une part de sécurité. »
C’est la mollesse d’un renoncement nécessaire pour ce héros. Et ce qui fait l’histoire, c’est que ce renoncement ne tient pas.
Bepolar : Sa vie est ennuyeuse jusqu’à ce qu’un drame survienne. Vous vouliez une sorte de "banalité" dans ces événements qui vont le faire basculer ?
Franck Mignot : J’ai lu et entendu ça à différents endroits : banalité, individu lambda. Pour moi, ce qui domine chez ce héros, c’est la plainte plus que l’ennui. Je n’ai pas voulu consciemment cette banalité. Ce qui semble réussi en revanche, c’est qu’elle accentue les différents moments de surprise du livre. La routine, la neutralité peuvent cacher les pires saloperies en gestation.
Bepolar : Qu’est-ce que vous aimeriez que les lecteurs et lectrices gardent de votre histoire une fois la dernière page tournée ?
Franck Mignot : J’aimerais que les lecteurs et lectrices gardent chacun à leur manière, et de façon différente, un trait, une expression, une situation. J’aimerais qu’ils gardent quelque chose de précis et de court, plutôt que le diffus de l’ensemble.
Bepolar : Est-ce que vous avez de nouveaux projets d’écriture ? Si oui, sur quoi ?
Franck Mignot : J’ai de nombreux autres projets. Des textes qui ressemblent à Mollesse dans leur concision et leur intensité, mais aussi des textes dans d’autres registres. Je pense pouvoir dire que mon deuxième roman ne sera pas un polar, mais il traitera forcément des parties les moins nobles de l’homme. Les abats de l’âme humaine m’intéressent plus que le reste.
PS : Photo de Franck Mignot © Hélène Bamberger pour P.O.L.