- Auteur : Danny Philippe Desgagné
- Editeur : Editions du 38
Bepolar : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur un serial killer tuant d’autres serial killers ?
Danny Philippe Desgagné : Ce roman était, à la base, un scénario écrit (en anglais) par mon frère Robin. Robin en a écrit plusieurs. Lui et moi travaillions beaucoup ensemble, au sens ou nous partagions ce même goût de la création. Mon frère a commencé à écrire bien avant moi. De mémoire il a, je crois, écrit trois roman qu’il n’a jamais cherché à faire publier. Puis, l’idée de la scénarisation lui est venue en tête. Il s’est acheté tout ce qu’il pouvait trouver sur ce métier, s’est équipé d’un bon logiciel et il à commencé. KKK est le dernier des scénarios qu’il a écrit. Cela m’a demandé un certain temps avant de me décider à le lire (comme je précisais plus haut, nous n’écrivions pas dans la même langue) et j’avais déjà beaucoup de boulot avec mes propres écrits en Français. Nous en discutions souvent, très souvent et Robin et moi étions d’accord sur un point, Monsieur K. (qui était le titre provisoire) nous apparaissait impossible à transposer sous la forme d’un roman. Lui et moi nous disions : au cinéma tu paies un billet, tu t’assois et tu écoutes parce que tu es devant un fait. Donc, cohérent ou pas, tu te laisses emporter. Ce qui n’est pas la même chose lorsque c’est couché sur papier. Pour être franc, le concept de la Konvention nous apparaissait tellement improbable, on se disait qu’avec une telle histoire, jamais personne n’arriverait à retenir l’intérêt d’un lecteur… personne n’arriverait à avaler une telle aberration. Pourtant…
Pour revenir à ta question, d’où m’est venue cette envie d’écrire sur un serial killer assassinant d’autres serials Killer… de Robin. Robin cherchait à aller là où personne n’allait jamais. Il en avait ras le pompon des histoires de tueurs provoquant la police avant de se faire coincer. Il a simplement retourné le slip à l’envers. Un petit secret « de tournage », la première partie du roman (la très anxiogène : Konvention) est directement appuyée sur le concept scénaristique de Robin. La seconde partie (la Traque), est du pur Danny-Philippe, bien en phase avec le concept de base mais totalement émancipé. Même si nous étions très différents de tempérament, lui et moi, nos idées vibraient extraordinairement bien ensemble. À un petit détail près cependant… Robin était définitivement plus « gore » que je ne le suis… disons que pour ne pas casser l’élan… j’ai suivi dans la même voie, mais avec une certaine retenue, quand même !
Bepolar : Qui sont les deux enquêteurs, Sepp Ganser et Hélène Laffont. ? Quelle relation avez-vous avec vos personnages ?
Danny Philippe Desgagné : Ganser est un flic déterminé, un homme entêté certes, mais un homme toujours intègre. Cette intégrité lui pourrit peut-être même un peu trop la vie, d’ailleurs. Le Ganser du scénario et celui du roman sont très en phase, jusqu’à un certain dérapage (que je ne dévoilerai pas ici). Parfois, dans la vie, il suffit d’un seul événement inadmissible pour vous acculer à une extrémité que, la veille encore, vous jugiez impossible. C’est ce genre d’événement qui vient chambouler notre homme. Ganser n’y échappe pas.
Hélène Laffont, elle, n’était pas destinée à devenir la guerrière qu’elle devient. Elle est l’archétype même de l’individu à qui la vie a bloqué tous les accès pour l’obliger à prendre une direction bien précise. On ne devient pas un héros par choix. Ce sont les circonstances qui, la plupart du temps, inclinent sur la vie une personne.
Autant dans Ganser que dans Laffont vous retrouvez une part de moi, les deux personnages s’abreuvent bel et bien de ma propre nature. En chacun de nous il y a une part de féminin et de masculin. Nous naissons du mélange d’un homme et d’une femme. La virilité et la féminité sont des concepts que nous inculquent la société. Tout n’est pas noir, tout n’est pas blanc. Tout comme la chambre du bébé attendu n’a pas à être rose ou bleu en fonction du sexe. Cette mixture à partir de soi rend, à mon sens, les personnages beaucoup plus authentiques. Et ne me demandez pas de vous révéler à qui je ressemble le plus… ça, ça demeure mon petit secret.
Bepolar : Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a aussi l’irruption de la politique dans l’enquête, les élections n’étant pas loin. Pourquoi avoir voulu y mêler cet aspect (surtout pour Ganser) ?
Danny Philippe Desgagné : J’éviterai de me faire l’avocat du diable sur ce point, je me contenterai de dire que la politique est omniprésente dans nos vies. Omniprésente à toutes époques (et à différents niveaux) dans probablement toutes les sociétés humaines. L’opportunité était ici trop belle. Quel politicien, le moindrement allumé, manquerait une aussi extraordinaire opportunité de faire parler de lui (et d’augmenter son indice de popularité) en mettant au pilori un meurtrier en série qui commence à trop faire parler de lui ? C’est pourquoi, Finn, en fin renard de la politique qu’il est, ne peut laisser passer cette chance de se récupérer une bonne dose de capital sympathie afin d’accéder le plus rapidement possible au plus haut poste du pays. En politique, vous savez, 1 + 1 n’égale pas toujours deux… mais bon !
Bepolar : Et puis il y a la Konvention. Dites-nous ce que c’est...
Danny Philippe Desgagné : La Konvention ? (avec K comme dans killer). C’est l’événement par excellence du plus grand ramassis de rebuts de l’humanité, cela depuis la formation du très célèbre cercle fermé autour d’Adolf Hitler. C’est la quintessence du « 5 minutes de gloire » pour les pires loosers de l’humanité. La Konvention c’est un meeting et un camp d’entraînement pour déments. Une fois tous les 5 ans, à un endroit particulier du monde, une société occulte organise un genre de forum pour les meilleurs et les plus prolifiques tueurs en série qui soient. La Konvention est une hallucinante réunion de tarés. Pour ces individus absolument infréquentables, c’est le lieu et le moment (unique) de leur vie, où leur déviance (quelle qu’elle soit, du moment qu’elle mène au meurtre), est considérée comme la normalité.
Pour prendre connaissance de la programmation des 5 jours de la Konvention, je vous recommande chaudement la lecture du roman.
Bepolar : Votre père était détective, vous même avez été huissier de justice. Est-ce que ces expériences personnelles vous servent dans votre métier de raconteur d’histoire ?
Danny Philippe Desgagné : Mon père était bel et bien détective. Un coriace à part ça. Sans doute y a-t-il une part de cet homme dans mon Ganser. Comme il y a une part de mon père dans ma propre nature. Vivre avec un père détective dans une ville de grandeur moyenne apporte son lot d’inconvénients. C’est normal, ce n’est pas toujours facile, mais croyez-moi, cela trempe drôlement votre tempérament. J’ai bien été huissier de justice durant plusieurs années (oui, je confirme, on y rencontre toutes sortes de personnages, dans toutes sortes de situations) mais pas que ça. J’ai été huissier, mais j’ai même été videur. En fait, je possède une multitude de cordes à mon arc. J’ai pratiqué mille métiers. Au cours de ma vie d’adulte, je suis retourné deux fois aux études. J’ai pratiqué (et enseigné) les arts martiaux durant près de trois décennies. Je suis la somme de ces amalgames. Si vous me demandez d’où part mon besoin d’écrire, je vous répondrai qu’il a toujours été présent en moi. Dès l’âge de 9 ans, je savais que la vie me dirigerait vers cette profession de foi… mais avant d’y arriver, il m’a fallu m’apprendre et me découvrir. De là mes diverses expériences de vie. De là ce besoin de m’affronter dans le regard d’autres combattants. De là beaucoup des choses… Ensuite, il faut lire. Pas lire à toute vitesse, mais lire pour comprendre, comprendre le texte, surtout comprendre la structure. Parmi mes premiers professeurs de littératures, on retrouve : Gosciny, Greg, Franquin, Gotlib… qui m’ont enseigné l’art du dialogue. Puis, graduellement j’ai accédé à la littérature contemporaine. Les héros, les antis héros, les vilains les bons et leurs aventures, tout ça je l’ai découvert à travers des tas d’auteurs Et le rythme, où l’ai-je appris ? Je vais vous faire un aveu : le cinéma. Ma technique du chapitre court vient en grande partie du cinéma. Si vous voulez apprendre comment monter un bon récit… prenez un excellent film et réécoutez-le en ne portant attention qu’aux changements de plans, aux changements de scènes et ainsi de suite. Tout est là, il suffit de décortiquer très attentivement.
Bepolar : Plusieurs critiques des lecteurs parlent d’un roman vraiment addictif. Comment l’avez-vous construit ?
Danny Philippe Desgagné : Je l’ai construit sur l’autel du rythme et du chapitre court. Je l’ai construit sur la cohérence, malgré l’impossibilité qu’une chose pareille puisse un jour se produire (du moins je l’espère). Je l’ai construit en m’informant auprès de médecins à savoir si certaines choses étaient ou pas possibles. Je suis même allé voir une (assez étrange) exposition de plastinage. Pour ceux qui ne connaissent pas ce mot, allez voir Gunther Von Hagens, vous en comprendrez rapidement la signification. Pour bien le construire, je n’ai pas compté les heures. Pour bien le commettre, ce roman, j’ai mis 4 ans de ma vie. Je l’ai fait sans jamais regimber. Sans jamais rechigner, j’ai repris mes dialogues autant de fois que nécessaire pour leur donner le maximum de fluidité. Et puis, pour être honnête… je me suis aussi offert un luxe ; celui de m’extirper de moi-même afin de me glisser dans des personnages complètement déjantés. Des personnages tellement aux antipodes de ma nature que c’en devenait thérapeutiques et libérateur.
Bepolar : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Danny Philippe Desgagné : Je suis en train de terminer un thriller. Titre provisoire : Projet David. Comme il est de mon habitude ce dernier n’évoque et ne ressemble en rien à mes précédents ouvrages. Les seules constantes sont ; le rythme et l’impossibilité d’anticiper la trajectoire du récit. Des projets de scénarisation sont également dans l’air, mais ça, c’est une autre histoire. En toute humilité, je souhaite sincèrement que ce roman, Killer Kills Killers puisse plaire au plus grand nombre de lecteurs possibles. Pour un auteur, un écrivain, appelez-nous comme vous voulez… la motivation principale est d’être lu, et apprécié !!!