- Acteurs : Jamie Dornan, Gal Gadot
Sur fond d’intelligence artificielle et de complots géopolitiques, "Agent Stone" déroule quelques arguments pour mieux justifier son flot de poursuites et de castagne. À condition de ne pas y chercher quelconque excentricité ou substance sortant du lot, ce thriller d’espionnage et d’action réserve néanmoins quelques séquences spectaculaires.
Agent Stone
De : Tom Harper
Avec : Gal Gadot, Jamie Dornan, Matthias Schweighöfer
Genre : espionnage, thriller, action
Pays : Etats-Unis
Année : 2023
Rachel Stone, spécialiste du renseignement pour une obscure agence de maintien de la paix, tente d’empêcher une hackeuse de lui dérober son arme la plus inestimable et dangereuse…
Alors que quelque chose de mutant meut résolument l’agent Stone, ne serait-ce que dans ses mouvements et ses duperies, le style de mise en scène du film "Agent Stone" qui lui sert de terrain de jeu, lui, s’en tient paradoxalement à un canevas des plus ordinaires. L’héroïne évolue pourtant bien loin du commun des mortels, d’une part compte tenu de son métier d’espionne, d’autre part de par son double-jeu et ses aptitudes physiques en partie augmentées - en un sens dans l’esprit de Motoko de "Ghost in the Shell" (Mamoru Oshii, 1997) ou (moins prestigieux celui-là) dans celui de "Lucy" chez Luc Besson (2014).
Résultat, "Agent Stone" - beaucoup trop appliqué à s’aligner sur la recette la plus conformiste imaginable - ne ressemble pas vraiment au film qu’il aurait pu ou dû générer. Est-ce une fin en soi ? Pas vraiment, car le long-métrage, très conscient de sa nature de fac-similé, ne vise pas autre chose que des espaces consensuels pour y déployer ses débordements d’action les plus désinvoltes. Tout le territoire de "James Bond" ou de "Mission Impossible" (surtout les épisodes 5 et 6, dont on reconnaît les tics ici et là), réinvesti au féminin sans réelle velléité de déconstruction, apparaît ainsi passé au crible. Entre empoignades musclées et poursuites endiablées, le programme reste évidemment des plus balisés. Si ce n’est sa musique franchement ratée (Steven Price donne malgré lui en la matière pratiquement dans la parodie), le cocktail s’avère aussi plaisant que rythmé. Sans jamais toutefois effleurer la finesse dantesque de l’éphémère duo épique formé par Ana de Armas et Daniel Craig dans "Mourir peut attendre" (2021) – le réalisateur Tom Harper ne dispose bien entendu ni des épaules ni de l’imaginaire d’un Cary Joji Fukunaga -, les pirouettes d’"Agent Stone" ne provoquent pas non plus l’ennui.
Mais heureusement quelquefois, le conservatisme assumé d’"Agent Stone" épargne en partie son écriture. Aussi classiques s’avèrent ses ingrédients et péripéties, ceux-ci et celles-ci n’en oublient parfois ni la surprise ni la brutalité. Rien de révolutionnaire certes, jamais, n’en ressort assurément. Mais ces quelques pas de côté permettent alors d’ébrécher, le temps d’un instant, la monotonie voulue par le film. Et à ce petit jeu alternant entre académisme et distorsion, Gal Gadot et Jamie Dornan provoquent même quelques étincelles, eux dont la plastique avantageuse sinon irréelle, sublimée même lorsque leurs corps se retrouvent malmenés dans les affrontements, les ferait pratiquement passer pour des formes virtuelles. Là se situe peut-être alors l’intérêt du film "Agent Stone" : explorer mordicus les possibilités d’un cinéma d’action robotisé, presque automatique. Un univers où les images de synthèse, les acteurs charmants mais interchangeables, le scénario et le montage fac-similables, prennent le pas sur l’intrigue, voire la génère. S’il s’agit bien du degré zéro du septième art, force est d’admettre qu’il n’en va pas de même du côté du divertissement, aussi itératif soit-il ici. En découle un plaisir coupable que l’on oubliera très vite, mais dont les effets et cabrioles, souvent, ne manquent pas sur le moment d’étourdir.
Le film "Agent Stone" est disponible sur Netflix.