- Réalisateur : Tom Edge
- Acteurs : Gary Lewis, Rose Leslie, Patterson Joseph, Suranne Jones , Connor Swindells
Série sous haute tension à 20 000 lieues sous les mers, "Vigil" offre une plongée palpitante dans les entrailles d’un sous-marin nucléaire. Une enquête haletante et astucieuse aux confins du thriller et du whodunit. Irrésistible.
Plusieurs phénomènes étranges se télescopent au large de l’Écosse : un chalutier et son équipage se retrouvent brusquement avalés par les flots, un soldat de la Royal Navy meurt subitement à bord du sous-marin nucléaire HMS Vigil… Autant d’évènements inquiétants qui mettent dos à dos la police locale, la Royal Navy et les services de renseignement britanniques du MI5. Amy Silva (Suranne Jones), une commandante de police, est envoyée à bord du HMS Vigil pour enquêter. Sa collègue et ex-compagne Kirsten Longacre (Rose Leslie) l’assiste depuis la terre ferme au gré d’une investigation épineuse.
Vous aimez les films d’espionnage, de sous-marins, les séries policières sur le mode whodunit, les thrillers à la limite de l’épouvante, les drames psychologiques et les mélodrames ? Cela tombe bien, la série "Vigil" incarne les six à la fois et le fait avec brio, sans jamais flancher dans un genre ou dans un autre. Simple et complexe à la fois dans sa structure (l’enquête parallèle de deux policières amoureuses l’une de l’autre, la première isolée dans un sous-marin, la seconde aux prises d’un complot géopolitique à l’extérieur), cette série anglaise bénéficie d’une écriture ciselée et à couper le souffle. Une recette sans doute presque imparable.
En l’espace de seulement six épisodes, denses et irrésistibles, la création du scénariste Tom Edge (collaborateur sur la série The Crown, notamment) explore à peu près toutes les facettes possibles du divertissement policier. Le huis-clos du HMS Vigil, avec ses sous-mariniers tiraillés entre leurs secrets et leurs ambitions, dispose d’une atmosphère implacable. Quant à l’enquête hors-les-murs de Kirsten, ses rebondissements et faux-semblants donnent lieu à des développements pour le moins jouissifs. Pas un hasard si les producteurs du nerveux "Bodyguard" sont derrière "Vigil".
La série fascine et se distingue ainsi grâce à son rythme saisissant, mais aussi grâce à sa mise en scène, à la fois sobre et d’une précision chirurgicale. Le réalisateur James Strong sonde par exemple le HMS au gré de ses longs couloirs exigus. Tout s’avère anxiogène et suintant. L’architecture du bâtiment devient sans surprise l’allégorie de l’énigme policière et du drame personnel qui hantent Amy, principale héroïne de "Vigil". Et tout cela fonctionne avec virtuosité.
L’un des grands atouts de la série "Vigil" repose aussi sur son fulgurant casting. Outre les performances remarquables de Rose Leslie (Kirsten) et Daniel Portman (Gary), tous deux notamment passés par la case "Game of Thrones", on relève les jeux particulièrement brillants et ambigus de Paterson Joseph (commandant Newsome), Lauren Lyle (Jade Antoniak) ou encore Connor Swindells (Hadlow), acteur découvert dans "Sex Education". Qu’ils soient au premier ou au second plan, tous les acteurs brillent avec une intensité qui ne fait qu’épaissir le mystère et les zones d’ombre de la série.
Mais la palme reste le rôle tenu par l’actrice principale, Suranne Jones. Reconnaissable à son regard tendre et sombre, sans oublier sa longue silhouette athlétique, la comédienne est une habituée des rôles tourmentés ("Dr Foster", "Gentleman Jack"). Une constante qui perdure avec "Vigil". À mesure que la policière s’approche de la vérité, son passé douloureux rejaillit en flash-back. Comme s’il lui fallait d’abord résoudre et affronter les traumatismes enfouis avant d’accéder au réel et aux lueurs du présent. Le cinéma anglais, notamment horrifique, n’est pas étranger à pareille trajectoire sinueuse et psychologique. Le films d’épouvante "Eden Lake" (James Watkins, 2008) et surtout "The Descent" (Neil Marshall, 2005), pourraient même avoir servi de référence.
À la manière de "The Descent", Amy Silva doit côtoyer l’enfer, laissant revenir l’horreur à la surface pour mieux renaître. Sauf qu’ici, l’actrice et protagoniste n’en passe pas par une vengeance absolue comme chez Neil Marshall. La métaphore ne se fait en tout cas pas aussi littérale. Quoique, dans sa dernière partie, on notera une séquence géniale sous haute tension entre autre inspirée du film "Alien" (Ridley Scott, 1979), avec ses jeux de lumière ondulants (signaux d’alarme) et ses clairs-obscurs glaçants. Difficile à croire que tout cela tienne avec une telle cohérence, et pourtant.
Haletante et claustrophobique, "Vigil" a fait bondir le compteur des audiences de la BBC l’automne 2021. La série faisait aussi l’ouverture du festival Séries Mania 2021. Un engouement tout à fait justifié.
Les six épisodes de la série "Vigil" sont disponibles gratuitement sur la plateforme d’Arte.