Parce que le déferlement quasi ininterrompu, chaque mois, de fictions sur les multiples chaînes et plateformes peut désarmer, quelques films ou séries d’importance ont pu vous échapper. Voici donc quelques suggestions à dévorer sans modération.
Acharnés (Netflix)
Si cette comédie noire mâtinée de thriller grinçant ne bénéficie pas toujours d’intrigues suffisamment fouillées ou inattendues, ses personnages frénétiques dévorés par la colère valent à eux-seuls le détour. Les acteurs Ali Wong et Steven Yeun, irrésistibles, y déploient toute leur puissance de jeu au gré d’un réjouissant déluge de vengeances absurdes. Par-delà le caractère cartoonesque des situations, un effet de réel insoupçonné finit par affleurer, à la limite de l’existentialisme et de l’angoisse caractéristique de notre époque. Comme si la série parvenait à saisir quelque chose du contemporain, entre chronique sociale, tension survitaminée et rêve américain désenchanté. Et dire que tout cela ne repose que sur un fâcheux incident survenu sur la route…
Somewhere Boy (MyCanal)
La série britannique "Somewhere Boy" possède un peu la même bizarrerie flamboyante que "The End of the F***ing World" (2017), avec ses personnages drôles et fragiles. Une ressemblance qui ne tient pas du hasard puisque l’on retrouve la même équipe de production derrière "Somewhere Boy". Le génie de cette série tient à sa sincérité et à sa justesse, qui privilégie une émotion sans pathos en se gardant du sordide. Équilibre complexe à obtenir au regard de l’intrigue turpide de la série, articulée autour du destin de Danny, personnage retenu prisonnier depuis toujours par un père aliéné. À 18 ans, le jeune homme comprend pour la première fois que le monde extérieur n’est pas exclusivement peuplé de monstres sanguinaires, et doit réapprendre à vivre tout en enquêtant sur le meurtre de sa mère. En rôle-titre, l’acteur Lewis Gribben est exceptionnel.
Agent Stone (Netflix)
Aussi inconséquent et classique s’avère ce thriller d’espionnage, qui semble d’ailleurs en tout point taillé pour répondre aux conventions Netflix, celui-ci réserve un spectacle assez imparable. Car si le caractère prévisible de nombre de ses péripéties ne fait aucun doute, sa fragilité assumée ne déjoue en rien l’efficacité monstre de son dispositif. Alternant entre intensité et adresse, "Agent Stone" fait ainsi preuve d’une souplesse assez remarquable. La formule ne date certes pas d’hier, à osciller de la sorte entre action, tension et distraction. Mais cela suffit souvent pour captiver ou, à défaut, retenir l’attention. Dans ce "Mission Impossible" au féminin où il s’agit de combattre une intelligence artificielle retorse, l’actrice Gal Gadot ("Fast and Furious", "Wonder Woman"…) est en outre assez brillante. Dommage que les effets numériques du film, trop massifs et redondants, ternissent l’expérience.
Les Fleurs Sauvages (Prime)
Adapté du roman "The Lost Flowers of Alice Hart" signé Holly Ringland, cette série australienne navigue autant du côté du drame que du suspense. Sur plus d’une décennie, on y suit Alice Hart, personnage écartelé entre l’incendie énigmatique ayant provoqué la mort de ses parents, et la vie nouvelle auprès de June, grand-mère impénétrable cachant au plus profond d’elle-même d’innombrables secrets. Plutôt bien mis en scène et photographié, quoique tombant quelquefois dans les clichés par sentimentalisme, ce thriller écoféministe met l’accent sur les dommages colossaux découlant de la masculinité toxique, et sur la sororité. Pour se préserver du mal et des affres perpétrés par les mâles, June Hart – campée par Sigourney Weaver, magistrale – a fondé une communauté de femmes vivant en autarcie. Groupe à l’abri de la prédation qui communique ses pensées les plus profondes grâce à un langage reposant sur l’assemblage des fleurs. Une expérience parfois bouleversante et souvent saisissante qui n’est pas sans rappeler la série – sans effleurer sa maestria – une autre série australienne : "Top of the Lake" (2013), de Jane Campion.
Last Night in Soho (Netflix)
Souvent plus tapageur que fondamentalement subtil, le réalisateur Edgar Wright ("Hot Fuzz", "Scott Pilgrim", "Baby Driver"…) se démarque rarement par la modestie de sa mise en scène. Bien que la cinéphilie (Romero, Bigelow, Siegel…) domine la plupart de ses œuvres, où l’hommage réflexif fusionne toujours en creux, quelque chose de l’ordre de la prétention ou du mauvais goût déborde. Il en va ainsi avec "Last Night in Soho", mais surtout dans la dernière partie. Avant cela, ce tableau nostalgique et cauchemardesque des sixties flirte avec ce que le réalisateur de "Shaun of the Dead" a jusqu’ici réalisé de mieux. Quand bien même les idées de mise en scène et citations s’empilent frénétiquement, jamais cet imaginaire esquissé par le cinéaste ne se disloque ou ne s’affaisse. Quelle superbe idée que cette persistance parallèle de nos vies rêvées, tout cela au croisement du giallo et du thriller. Dans ce va-et-vient aussi acidulé qu’effroyable entre réel et rêve, Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy rayonnent. Dommage toutefois que cet édifice fascinant finisse en partie par se fissurer en fin de partie.
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